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priviléges qui leur ont été acquis depuis longtemps au prix du sang russe, je n'ai demandé autre chose que ce qui découlait des traités.

« Si la Porte avait été laissée à elle-même, le différend qui tient en suspens l'Europe eût été depuis longtemps aplani (1). Une influence fatale est seule venue se jeter à la traverse. En provoquant des soupçons gratuits, en exaltant le fanatisme des Turcs, en égarant leur gouvernement sur mes intentions et la vraie portée de mes demandes, elle a fait prendre à la question des proportions si exagérées que la guerre en a dû sortir.

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Votre Majesté me permettra de ne point m'étendre trop en détails sur les circonstances exposées à son point de vue particulier, dont sa lettre présente l'enchaînement. Plusieurs actes de ma part, peu exactement appréciés, suivant moi, et plus d'un fois intervertis, nécessiteraient, pour être établis tels au moins que je les conçois, de longs développements qui ne sont guère propres à entrer dans une correspondance de souverain à souverain.

« C'est ainsi que Votre Majesté attribue à l'occupation des Principautés le tort d'avoir subitement transporté la question du domaine de la discussion dans celui des faits. Mais elle perd de vue que cette occupation, purement éventuelle encore, a été devancée et en grande partie amenée par un fait antérieur fort grave, celui de l'apparition des flottes combinées dans le voisinage des Dardanelles (2), outre que déjà

Nicolas, que de se poser en protecteur des sujets grecs du sultan, dont le nombre dépasse onze millions. Quel misérable subterfuge! (Notes de l'Editeur.)

(1) C'est-à-dire que le drapeau russe flotterait depuis longtemps sur la mosquées et les palais de Constantinople.

(2) Voici la meilleure réplique qui puisse être faite à cette assertion : << Je me borncrai à rappeler que, si l'escadre française, à la fin de mars, a mouillé dans la baie de Salamine, c'est que, depuis le mois de

bien auparavant, quand l'Angleterre hésitait encore à prendre contre la Russie une attitude comminatoire, Votre Majesté avait la première envoyé sa flotte jusqu'à Salamîne.

« Cette démonstration blessante annonçait certes peu de confiance en moi. Elle devait encourager les Turcs et paralyser d'avance le succès des négociations, en leur montrant la France et l'Angleterre prêtes à soutenir leur cause à tout événement.

« C'est encore ainsi que Votre Majesté attribue aux commentaires explicatifs de mon cabinet sur la note de Vienne l'impossibilité où la France et l'Angleterre se sont trouvées d'en recommander l'adoption à la Porte.

« Mais Votre Majesté peut se rappeler que nos commentaires ont suivi, et non précédé la non-acceptation pure et simple de la note, et je crois que les puissances, pour peu qu'elles voulussent sérieusement la paix, étaient tenues à réclamer d'emblée cette adoption pure et simple, au lieu de permettre à la Porte de modifier ce que nous avions adopté sans changement.

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D'ailleurs, si quelques points de nos commentaires avaient pu donner matière à difficultés, j'en ai offert à Olmutz une solution satisfaisante, qui a paru telle à l'Autriche et à la Prusse. Malheureusement, dans l'intervalle, uue par

janvier, d'immenses rassemblements de troupes se formaient en Bessarabie; que si les forces navales de la France et de l'Angleterre se sont rapprochées des Dardanelles, où elles ne sont arrivées qu'à la fin de juin, c'est' qu'une armée russe campait sur les bords du Pruth et que la résolution de lui faire franchir cette rivière était prisc et officiellement annoncée dès le 31 mai; que si nos flottes ont été plus tard à Constantinople, c'est que le canon grondait sur le Danube; et qu'enfin, si elles sont entrées dans la mer Noire, c'est parce que, contrairement à la promesse de rester sur la défensive, des vaisseaux russes avaient quitté Sébastopol pour foudroyer des navires turcs à l'ancre dans le port de Sinope. »>

(Circulaire de M. DROUYN DE L'HUYS.

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tie de la flotte anglo-française était déjà entrée dans les Dardanelles sous prétexte d'y protéger la vie et les propriétés des nationaux anglais et français; et, pour l'y faire entrer tout entière sans violer le traité de 1841, il a fallu que la guerre nous fût déclarée par le gouvernement ottoman.

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« Mon opinion est que, si la France et l'Angleterre avaient voulu la paix comme moi, elles auraient dû empêcher à tout prix cette déclaration de guerre, ou, la guerre une fois déclarée, faire au moins en sorte qu'elle restât dans les limites étroites que je désirais lui tracer sur le Danube, afin que je ne fusse pas arraché de force au système purement défensif que je voulais suivre. Mais du moment qu'on a permis aux Turcs d'attaquer notre territoire asiatique, d'enlever un de nos postes-frontières (même avant le terme fixé pour l'ouverture des hostilités), de bloquer Akhaltisik, et de ravager la province d'Arménie; du moment qu'on a laissé la flotte turque libre de porter des troupes, des armes et des munitions de guerre sur nos côtes, pouvait-on raisonnablement espérer que nous attendrions patiemment le résultat d'une pareille tentative? Ne devait-on pas supposer que nous ferions tout pour la prévenir ? L'affaire de Sinope s'en est suivie : elle a été la conséquence forcée de l'attitude adoptée par les deux puissances, et l'événement ne pouvait certes pas leur paraître inattendu. J'avais déclaré vouloir rester sur la défensive, mais avant l'explosion de la guerre, tant que mon honneur et mes intérêts me le permettraient, tant qu'elle resterait dans de certaines bornes.

« A-t-on fait ce qu'il fallait faire pour que ces bornes ne fussent pas dépassées? Si le rôle de spectateur ou celui de médiateur même ne suffisait pas à Votre Majesté, et qu'elle voulût se faire l'auxiliaire armé de mes ennemis, alors, Sire, il eût été plus loyal et plus digne d'elle de me le dire franchement d'avance en me déclarant la guerre. Chacun alors

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eût connu son rôle. Mais nous faire un crime après coup de ce qu'on n'a rien fait pour empêcher, est-ce un procédé équitable? Si les coups de canon de Sinope ont retenti douloureusement dans le cœur de tous ceux qui, en France et en Angleterre, ont le vif sentiment de la dignité nationale, Votre Majesté pense-t-elle que la présence menaçante à l'entrée du Bosphore des trois mille bouches à feu dont elle parle et le bruit de leur entrée dans la mer Noire soient des faits restés sans écho dans le cœur de la nation dont j'ai à défendre l'honneur? J'apprends d'elle pour la première fois (car les déclarations verbales qu'on m'a faites ici ne m'en avaient encore rien dit) que, tout en protégeant le ravitaillement des troupes turques sur leur propre territoire, les deux puissances ont résolu de nous interdire la navigation de la mer Noire, c'està-dire apparemment le droit de ravitailler nos propres côtes. Je laisse à penser à Votre Majesté si c'est là, comme elle le dit, faciliter la conclusion de la paix, et si, dans l'alternative qu'on me pose, il m'est permis de discuter, d'examiper même un moment ses propositions d'armistice, d'évacuation immédiate des Principautés et de négociation avec La Porte d'une convention qui serait soumise à une conférence des quatre cours. Vous-même, Sire, si vous étiez à ma place, accepteriez-vous une pareille position? Votre sentiment national pourrait-il vous le permettre? Je répondrai hardiment que non. Accordez-moi donc, à mon tour, le droit de penser comme vous-même. Quoi que Votre Majesté décide, ce n'est pas devant la menace que l'on me verra reculer. Ma confiance est en Dieu et dans mon droit, et la Russie, j'en suis garant, saura se montrer en 1854 ce qu'elle fut en 1812.

« Si toutefois Votre Majesté, moins indifférente à mon honneur, en revient franchement à notre programme, si elle me tend une main cordiale, comme je la lui offre en ce dernier

moment, j'oublierai volontiers ce que le passé peut avoir eu de blessant pour moi. Alors, Sire, mais alors seulement, nous pourrons discuter, et peut-être nous entendre. Que sa flotte se borne à empêcher les Turcs de porter de nouvelles forces sur le théâtre de la guerre; je promets volontiers qu'ils n'auront rien à craindre de mes tentatives. Qu'ils m'envoient un négociateur; je l'accueillerai comme il convient. Mes conditions sont connues à Vienne. C'est la seule base sur laquelle il ne soit permis de discuter.

Je prie Votre Majesté de croire à la sincérité des sentiments avec lesquels je suis,

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Un des passages les plus remarquables de cette lettre, est certainement celui où Nicolas parle avec tant de jactance des événements de 1812. Qui donc a vaincu les Français en 1812? Est-ce que de Wilna à Smolensk, l'armée française ne s'est pas toujours avancée victorieuse? Est-ce qu'elle n'a pas anéanti, à la bataille de la Moskowa, la plus formidable armée que la Russie eût jamais réunie? Est-ce que les débris de cette armée, pour échapper aux vainqueurs, n'ont pas été obligés de brûler Moscou, cette belle et ancienne capitale des czars, comme l'armée de Gortchakoff a brûlé Sébastopol et la flotte, honteusement cachée derrière les fortifications de cette place réputée imprenable, et dans les rues de laquelle nos soldats, aujourd'hui, jouent aux boules avec les boulets entassés en vue de les exterminer? - Les Français ont été écrasés en 1812 par les rigueurs d'un hiver presque inouï; la force des armes et la valeur des Russes n'y ont été pour rien.

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