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saires sur l'état des affaires et surtout des négociations pendantes. Dès que j'aurai fini, je croirai pouvoir, d'après les rescrits de Votre Excellence, datés du 29 janvier, du 1" et du 9 février, me considérer comme relevé de mon poste et me mettre en route pour ma nouvelle destination. A moins de contre-ordre, je pense arriver à Berlin dès que les circonstances le permettront; ce sera probablement vers la fin de cette semaine ; je me présenterai chez Votre Excellence pour prendre ses instructions'. »

103.- Mémoire sur la nécessité pour la Prusse d'inaugurer une politique indépendante en Allemagne 2.

Jusqu'en 1848, la Confédération germanique, quelle qu'ait été son importance au point de vue théorique, n'était en réalité traitée que comme une association des gouvernements allemands contre la guerre et la révolution. En ce temps-là, l'Autriche laissait en général une grande liberté à la politique prussienne en Allemagne, et, comme prix de cette concession, elle pouvait compter sur l'appui de la Prusse dans les questions européennes; quant aux questions allemandes, le cabinet de Vienne se contentait de veiller à ce que la

1 Le 4 mars 1859, M. d'Usedom manda au prince régent son installation comme représentant de la Prusse auprès de l'assemblée fédérale. Le problème qui consistait à défendre victorieusement les intérêts de la Prusse et à les concilier le mieux possible avec ceux de la Confédération entière paraissait, dans la situation du moment et au milieu de la fluctuation des événements, difficile à résoudre. Le nouveau délégué crut devoir solliciter la confiance et l'indulgence de Sa Majesté. « A cet égard, je puis déclarer avec une satisfaction toute particulière qu'en somme j'apprécie tout à fait comme mon prédécesseur la position de la Prusse à la Diète, sa situation vis-à-vis des grands États de la Confédération et les dangers qui peuvent en résulter dans un avenir très-prochain; sous ce rapport je me trouvai exactement au même point de vue que lui, même avant que ma ligne de conduite m'eût été tracée si nettement dans les dernières (instructions ministérielles du 28 février. De nombreux entretiens avec M. de Bismarck et la lecture de ses derniers rapports politiques m'ont convaincu que nous sommes d'accord sur tous les points essentiels. ›

2 Cette pièce, écrite au mois de mars 1858, fut envoyée au ministre baron de Manteuffel, et, après que le ministère eut été changé, le ministre d'Auerswald en reçut une copie. On y retrouve certains passages de la correspondance antérieure de M. de Bismarck, par exemple ceux de la lettre particulière autographe au ministre baron de Manteuffel, datée du 12 mars 1858 (document 83). Le lecteur nous saura certainement gré de n'avoir pas eu égard à ces répétitions et d'avoir livré ce mémorable document à l'impression sans l'altérer en quoi que ce fût.

Prusse n'exploitât que dans de certaines limites le terrain qui lui avait été abandonné. Ainsi le cercle d'activité de la Diète se trouvait restreint à des affaires peu nombreuses et relativement peu importantes; par contre, le droit d'opposition et l'indépendance des divers gouvernements étaient soigneusement respectés; les questions sur lesquelles l'Autriche et la Prusse n'étaient pas d'accord n'arrivaient pas jusqu'à la discussion; une divergence d'opinion officiellement constatée entre les deux grandes puissances était une exception; une lutte entre leurs deux représentants dans les séances, chose inouie; on l'évitait en toute circonstance comme un danger pour l'existence de la Confédération. Pendant des années on discutait même avec de petits États confédérés non suspects de tendances libérales, loin de vouloir leur faire violence par des résolutions de la majorité.

On était si éloigné de croire que de graves divergences d'opinion pussent être portées devant la Diète, que le cabinet de Vienne ne permettait au délégué président d'être à Francfort qu'à de longs intervalles, et qu'il laissait indéfiniment au délégué de la Prusse le soin de représenter l'Autriche. Il se contentait de faire observer ce dernier par le délégué de la Saxe électorale, qui est encore aujourd'hui en fonction.

La gestion de la présidence par la Prusse, ainsi que la longue durée du parfait accord des deux cabinets en matière d'affaires fėdėrales, ont beaucoup contribué à accroître l'ascendant de la présidence dans l'assemblée fédérale.

Depuis la restauration de la Diète, en 1851, le caractère de ses débats a bien changé. Le prince de Schwarzenberg conçut le projet de donner à l'Autriche, par les moyens qu'offrait la constitution fédérale', l'hégémonie en Allemagne, que la Prusse n'avait pu établir par les assemblées constituantes et ses tentatives d'union. Cette idée fut la conséquence de la direction prise par l'organisation intérieure de l'Autriche, organisation dans laquelle on ne pouvait obtenir des résultats durables qu'en s'appuyant sur l'Allemagne pour renforcer l'élément allemand, trop peu considérable dans l'État impérial L'exécution du plan était possible si l'Autriche réussissait à s'assurer

1 Cf. t. Ier, p. 24.

la majorité à la Diète, à étendre sa compétence et les effets de ses résolutions, et si la puissance ou la volonté manquait à la Prusse pour faire une résistance efficace. Le moment était très-favorable à la réalisation d'un pareil projet.

Grâce à ses rapports intimes avec la Russie, l'Autriche pouvait compter sur l'appui de cette puissance pour sa politique allemande; de plus, elle avait noué avec le nouvel empire français des relations qui, vers la fin de la carrière du prince de Schwarzenberg, faisaient craindre une alliance étroite des trois empires contre la Prusse et l'Angleterre.

La grande majorité des gouvernements allemands, effrayée par la révolution et par le danger de se voir enlever par elle une partie de leur souveraineté au profit de la Prusse, s'empressa de s'appuyer sur l'Autriche '. Cette dernière fut à peu près libre de nommer à son gré les délégués des gouvernements qui, en 1850, furent envoyés à Francfort, délégués qui fonctionnent encore aujourd'hui, à peu d'exception près; elle choisit pour cela des hommes qui étaient enchaînés aux intérêts de l'Autriche par leur situation personnelle et par leur passé. L'Autriche pouvait compter pour longtemps sur la majorité dans l'assemblée fédérale. Le souvenir des événements de 1848 à 1850 avait donné un nouvel aliment à la crainte de la suprématie prussienne, justifiée par la position géographique de la plupart des États confédérés par rapport à la Prusse; à la crainte de voir la Prusse agrandir sa puissance à leurs dépens, est venue s'ajouter la jalousie, dont l'accroissement, constant depuis deux siècles, de la maison royale de Prusse, remplit une grande partie des autres souverains allemands. Pour entretenir et pour développer ces sentiments, l'Autriche a bien des moyens, dont elle seule dispose.

En première ligne se trouvent les relations personnelles de la plupart des personnages influents et des hommes politiques marquants de l'Allemagne du Sud et, en partie aussi, de l'Allemagne du Nord.

Entraînée par une vieille tradition, la noblesse des États de

1 Cf. t. Ier, p. 25 et suiv.

2 Cf. t. Ier, P. 25.

l'Allemagne du Sud et du Centre entre au service de l'Autriche; la modeste situation qu'elle a dans son pays ne lui ouvre que des horizons fort restreints; en outre, les efforts et les connaissances nécessaires en Autriche pour obtenir un avancement raisonnable sont moindres que dans les autres États confédérés. L'Autriche s'empresse de profiter de cet état de choses. Dès que les parents d'un fonctionnaire influent, d'un ministre ou d'un envoyé diplomatique sont en âge de choisir une carrière, ils sont assaillis par des recruteurs autrichiens qui ne leur épargnent pas les promesses brillantes', et des jeunes gens de seize ans qui n'ont pas vu un régiment de leur vie, reçoivent des brevets d'officier sans qu'on les ait sollicités pour eux.

Une fois employés en Autriche, ils servent comme d'otages pour le dévouement de leurs pères, et ils aident à entretenir les rapports de l'Autriche avec ceux de leurs parents qui sont attachés aux cours d'Allemagne ou qui remplissent des fonctions publiques.

Parmi les délégués à la Diète, ceux de la Saxe, de Darmstadt, de Nassau-Brunswick et de la seizième curie sont, par suite de leurs relations de famille, plus attachés à l'Autriche qu'à leur propre gouvernement, et servent la première autant qu'ils le peuvent, par tous leurs actes officiels, particulièrement par des rapports empreints de partialité'.

A cette même catégoric appartenaient jadis Kielmansegge, aujourd'hui ministre des finances dans le Hanovre, et M. de Trott, de la Hesse électorale. Le délégué bavarois est un homme consciencieux; mais lui aussi ressent l'influence des relations de famille qu'il a en Autriche, et son catholicisme, qu'il transporte sur le terrain politique, fait qu'il obéit malgré lui à des sympathies autrichiennes. Il en est de même d'un grand nombre de ministres et de fonctionnaires de cour des petits États; l'Autriche ne recule devant aucune peine, lorsque des vacances se produisent, pour introduire dans l'entourage des princes des hommes qui lui sont dévoués. Il suffit de jeter un coup d'œil sur l'Almanach de Gotha pour reconnaître dans quelle mesure les proches parents des hommes de cour et des hommes 1 Cf. t. Ier, p. 25, 152.

Cf. t. Ier, p. 148 et suiv.

d'État allemands dépendent de l'Autriche; même en Prusse, il existe des relations de ce genre, qui ont au moins l'avantage de permettre à l'Autriche de se renseigner exactement sur tous les faits intimes. C'est à Bade qu'on peut le mieux constater aujourd'hui l'importance de pareilles relations et le résultat pratique qu'elles produisent. Plus que tout autre État de l'Allemagne, Bade aurait des raisons majeures pour s'attacher à la Prusse plutôt qu'à l'Autriche. Le projet connu et souvent discuté, qui consiste à partager le pays au profit de l'Autriche et de la Bavière, les menées autrichiennes dans le conflit archiepiscopal ', les sympathies de la population du Brisgau, la position difficile de la maison princière protestante au milieu d'une population en majorité catholique, sont de sérieux motifs de méfiance à l'égard de l'Autriche, tandis que l'appui si efficace de la Prusse contre la révolution et la proche parenté des maisons régnantes seraient si bien faits pour motiver le rapprochement du grand-duché et de la Prusse. Néanmoins, les sympathies autrichiennes de l'entourage personnel de Son Altesse Royale le grand-duc, surtout de l'influent général de Seutter, l'empire que M. de Meysenbug, qui est Autrichien, exerce sur son frère badois, et les menées ultramontaines, réussissent à faire dépendre la politique de Bade de celle de l'Autriche '.

A défaut de relations de ce genre, l'Autriche s'ingénie à en créer. Elle récompense ses amis avec la même énergie et le même esprit de suite qu'elle déploie pour nuire à ceux qui lui font de l'opposition et pour les écarter '.

Rien que le fait d'accomplir la mission de son gouvernement sans se préoccuper de l'Autriche, suffit pour attirer à un délégué des persécutions sans fin. On le rudoie, on cherche à l'irriter, on réunit avec soin tous les griefs qu'on peut faire valoir auprès de son gouvernement, afin de miner sa position. De même qu'il y a quelques années le délégué de Nassau a été puni par les mauvais traitements infligés à ses fils, qui sont au service de l'Autriche, de même le délégué wurtembergeois a été plus tard l'objet d'attaques et de

1 Cf. t. Ier, p. 199.

Cf. plus haut, p. 253, 257, 327 et suiv. 3 Cf. t. Ier, p. 153, et plus haut, p. 308.

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