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qui ne peuvent pas être démêlés tranquillement par la voie diplomatique. Même la plus forte pression extérieure, le danger le plus menaçant pour l'existence des deux États n'ont pu, en 1813 et en 1849, consolider le lien qui nous unit. Depuis mille ans le dualisme germanique s'est toujours manifesté par des guerres intestines profondes, qui, depuis Charles-Quint, ont invariablement réglé de siècle en siècle l'une ou l'autre question pendante; dans ce siècle aussi le moment viendra où il n'y aura d'autre moyen pour régler l'heure sur le cadran de notre évolution historique.

Je ne prétends en aucune façon conclure à la nécessité de donner dès maintenant à notre politique une direction telle que « le moment décisif » pour régler notre situation à l'égard de l'Autriche se présente dans des circonstances aussi favorables que possible. Je veux seulement exprimer ma conviction que nous aurons à défendre dans un avenir assez prochain notre existence contre l'Autriche, et qu'il n'est pas en notre pouvoir de prévenir cette collision, parce que la marche des choses en Allemagne ne comporte aucune autre issue. Si mes prévisions sont justes, ce qui est plutôt une question d'intuition que de raisonnement, il n'est pas possible pour la Prusse de pousser l'abnégation assez loin pour engager sa propre existence, dans le but d'assurer l'intégrité de l'Autriche, et cela dans une lutte sans espoir, selon moi. Parmi les dangers qui nous menaceraient si nous prenions fait et cause pour l'Autriche, je n'ai pas rappelé ceux que nous créerait la situation particulière de l'Angleterre. Depuis le bill de réforme, la « sagesse héréditaire » d'autrefois n'a pas pu discipliner les passions désordonnées des partis; il m'est impossible d'avoir confiance dans un pays où des articles de journaux pèsent plus que des considérations politiques. Pour l'Angleterre, cantonnée dans son île, il est facile de garder ou d'abandonner un allié continental, selon les besoins de la politique continentale; un changement de cabinet suffit pour amener et pour justifier le revirement, ainsi que la Prusse l'a vu pendant la guerre de Sept ans ; l'antipathie réciproque que l'Autriche et l'Angleterre éprouvent l'une pour l'autre, leur arrogance, égale des deux parts, leur contraste politique et religieux, tout contribuerait à rendre fragile et vaine une alliance entre les deux pays.

Et si nous restions réellement victorieux dans une lutte contre une alliance franco-russe, pour qui aurions-nous combattu, en définitive? Pour le maintien de la prépondérance de l'Autriche en Allemagne et de la triste constitution de la Confédération; nous ne pouvons pourtant pas, pour un résultat pareil, engager notre dernière force et risquer notre existence. Si nous persistions néanmoins à vouloir modifier la situation à notre avantage en nous entendant avec l'Autriche, il nous arriverait ce qui nous est arrivé en 1815: l'Autriche aurait signé en temps utile ses traités de Ried' et de Fuld*, et, en fin de compte, par les traités conclus avec l'adversaire, elle nous mesurerait à son grẻ, comme jadis, le prix de la lutte. Aujourd'hui comme autrefois, tous les moyens seront bons pour empêcher la Prusse d'acquérir plus d'importance en Allemagne et pour la maintenir sous la pression de sa situation géographique et d'une constitution fédérale qui lui est défavorable.

En m'arrêtant à ces éventualités invraisemblables qui ne se réaliseront peut-être jamais, je veux simplement prouver que j'ai raison de dire que l'Autriche elle-même n'acceptera pas les chances d'une alliance germano-prusso-anglaise, parce qu'elles sont trop incertaines et trop faibles. Si donc il est vrai, comme on le raconte ici, que l'Autriche ait déjà soulevé à Munich la question de traités de garantie en ce qui concerne l'Italie, qu'elle compte en faire autant chez nous, et que le comte de Buol soit allé dans ce but à Hanovre et à Dresde, je ne crois pas que le gouvernement autrichien soit inspiré par la pensée de grouper l'Allemagne autour de lui afin de pouvoir ensuite braver tout un monde en armes; au contraire, le cabinet de Vienne exploitera diplomatiquement nos assurances et d'autres qu'il pourrait recueillir, afin de se procurer à nos dépens de meilleures conditions pour une entente avec la France et, si c'est possible, avec la Russie. Il fera le don Juan auprès de tous les cabinets, s'il peut duper un Leporello aussi massif que la Prusse,

1 Cf. plus haut, p. 160, note 1.

2 Le traité de Fuld, conclu le 2 novembre 1813, entre l'Autriche et le Wurtemberg, avait pour but la séparation du Wurtemberg d'avec la Confédération du Rhin et la réunion de ses troupes avec celles des alliés. Le texte du traité se trouve imprimé dans l'ouvrage intitulé: Supplément au recueil des principaux traités, t. V (1808-1814), p. 643-648.

et, fidèle à ce rôle, il sera toujours prêt à se tirer du pétrin à nos dépens et en nous y laissant. Si la paix peut être conservée, il cherchera à nous récompenser de nos sentiments de loyal confédéré en nous prenant au mot en ce qui concerne la solidarité des intérêts allemands, afin de nous enlever le Zollverein. Si la guerre éclate, tous les traités de garantie qu'il aura dans sa poche ne l'empêcheront pas d'exécuter une évolution aussi rapide que sûre, et de se mettre du côté où il aura le plus de chance d'obtenir la suprématie en Allemagne, suprématie dont il a plus besoin qu'autrefois avec ses essais de centralisation germanique.

Je suis convaincu que ces bruits de traités de garantie ne prennent leur source que dans une bonne volonté hypothétique de l'Autriche. Cette puisssance ne peut croire elle-même que nous ou la Bavière nous nous prêterons à une transaction qui ne doit profiter qu'à une seule des parties, au moment où la situation n'est nullement définie, où nul danger n'est en vue, nul groupe constitué. Que nous en reviendrait-il? Liés au sort d'un passager aussi sujet à caution, aussi malveillant que l'Autriche, nous nous embarquerions pour le pays de l'inconnu. En 1851, surtout au commencement de l'année, le danger d'un débordement de la révolution, venant de la France et de l'Italie, était bien plus menaçant; en présence de ce danger il existait entre les souverains une solidarité qui amena tout naturellement notre traité de mai '; une situation semblable ne se reproduirait que si l'empire français s'écroulait. Tant qu'il sera debout, il s'agira non de combattre la démocratie, mais de suivre une politique de cabinet dans laquelle les intérêts de l'Autriche ne concordent pas précisément avec les nôtres. Un pareil traité, conclu en ce moment pour protéger l'Italie, n'aurait d'autre effet que de provoquer prématurément la France contre nous et de refroidir la Russie à notre égard. Cela serait tout à fait dans l'intérêt de l'Autriche, et l'on saurait bien s'arranger à Vienne de manière que le fait ne restàt pas inconnu à Saint-Pétersbourg et à Paris, et c'est sur nous qu'on rejetterait la faute de l'indiscrétion. Mais dans tout ce que l'Autriche a l'envie et le pouvoir de faire sans

1 Cf. t. Ier, p. 261, note 3.

nous, elle ne se laisserait pas dérouter par le meilleur traité de garantie signé par la Prusse et par l'Allemagne. Qu'a-t-elle fait du traité d'avril 1854 1? Elle s'en est servie uniquement pour le faire mousser dans son intérêt, pour nous maltraiter, pour poursuivre une politique aussi ambiguë que peu sage; et quand elle a voulu conclure secrètement le traité de décembre et changer d'allié, selon l'intérêt du moment, elle ne s'est pas laissé arrêter par notre garantie. Si les calculs du comte de Buol n'avaient pas échoué par suite du changement de règne en Russie et de la condescendance de l'empereur Alexandre à laquelle on ne s'attendait certainement pas à Vienne, l'Autriche nous aurait sans doute témoigné sa reconnaissance pour le traité d'avril autrement qu'en s'opposant secrètement à notre admission aux conférences.

Selon moi, notre situation d'allié qu'on recherche est favorable, tant que de nouveaux groupes politiques ne se dessineront pas trop nettement, tant que leur activité ne sortira pas du terrain diplomatique et que la bonne entente avec l'un n'entraînera pas la rupture avec l'autre. Mais si une alliance russo-française avec des visées belliqueuses venait à se conclure, nous ne pourrions pas, j'en suis convaincu, être au nombre de ses adversaires, parce que nous succomberions probablement, et que peut-être nous sacrifierions jusqu'à la dernière goutte de notre sang en chantant : « pour les beaux yeux de l'Autriche et de la Diète. »

Pour garder toutes les portes ouvertes, il suffit peut-être pour le moment de faire à Louis-Napoléon des avances qui ne nous engageraient à rien, et de repousser toute tentative ayant pour but de nous mettre « gratuitement » à la remorque d'un autre. Lors de la ratification de la paix, il y aura certainement des distributions de décorations de la part des différents souverains; nous n'aurions sans doute aucun intérêt à nous abstenir vis-à-vis de Paris de cette démonstration bienveillante, ou à y participer d'une manière ostensible plus tard que d'autres. Il est positif que, souverain d'une cour de création récente et entraîné par ses dispositions personnelles,

1 Cf. t. Ier, p. 258, note 1. 'Cf. t. Ier, p. 336, note 5.

Louis-Napoléon attache plus d'importance à l'acceptation ou au refus de ces témoignages d'amitié que ne le font les souverains qui portent d'anciennes couronnes.

Que Votre Excellence me pardonne de faire tant de politique conjecturale à propos de guerres et d'alliances qui sont encore du domaine des rêves; mais il faut que je tienne compte des éventualités pour motiver mon jugement sur le présent. Votre Excellence sera peut-être enchantée que l'heure du courrier me force d'interrompre une lettre d'une longueur aussi indiscrète, bien qu'un residuum de mes considérations sur cette question inépuisable m'inspire la tentation de mettre encore votre patience à l'épreuve. Je me contenterai donc d'ajouter que Rechberg est toujours retenu au lit par suite d'un coup de pied qu'il a reçu de la monture de notre collègue français lors d'une promenade à cheval qu'il a faite avec lui mercredi dernier. S'il est superstitieux, il peut voir dans ce fait un présage politique.

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Rapport sur la proposition de la Bavière concernant la législation commerciale.

29 avril 1856: แ .....Nous avons cru utile, dans l'intérêt de notre situation politique, de ne pas repousser les projets de Sa Majesté le roi de Bavière'. Mais je regretterais qu'on arrivât à un résultat sur ce terrain autrement que par l'initiative d'un projet prussien, et je considérerais comme une faute politique le déplacement du centre de gravité actuel; ce serait donner à l'assemblée fédérale et à sa présidence le premier rang que la Prusse occupe dans le Zollverein. Aussi n'ai-je jamais désiré, ainsi qu'il résulte de mes rapports antérieurs, que les propositions bavaroises réussissent à la Diète. Je crois que nous pourrons obtenir ce résultat négatif en ménageant davantage les sentiments de la Bavière et

La proposition faite par la Bavière relativement à la création d'une commission chargée d'élaborer un code de commerce commun avait été renvoyée, dans la séance tenue par la Diète le 21 février 1856, à la commission de politique commerciale. (Prot. 1856, § 71.)

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