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gnait amèrement. Or, les faits les plus récents ont prouvé qu'immédiatement après la séance du 22, M. de Prokesch est allé trouver l'envoyé d'Angleterre, celui de France et le baron de Blittersdorf, que l'Autriche emploie à des travaux de publiciste, et qu'il leur a communiqué, en défigurant non-seulement les détails officiels et officieux de la séance, mais encore le contenu de ses conversations particulières avec ses collègues, et cela dans le but de provoquer l'immixtion de puissances étrangères dans les discussions de la Diète. On n'a peut-être guère vu jusqu'ici un membre de l'assemblée fédérale pousser l'audace et le manque de tact jusqu'à révéler les discussions confidentielles de la Diète aux représentants de puissances étrangères, afin de provoquer la censure et le contrôle de ces dernières sur la conduite de ses collègues. Si l'on songe que même avant la rédaction du protocole, à plus forte raison avant qu'il fût présenté à la signature des délégués, les incidents de la séance ont pu donner lieu à des démarches officielles, non-seulement de la part du cabinet de Vienne, mais encore de l'ambassadeur de France en Allemagne, on ne trouvera pas exagérée la boutade d'un de mes collègues, prétendant « que le rôle d'agent secret de la France était incompatible avec la position de président de l'assemblée fédérale » . Tous les membres du corps diplomatique d'ici qui m'en ont parlé sont d'avis qu'après de pareils faits le cabinet de Vienne lui-même ne peut plus guère faire reprendre à M. de Prokesch son poste de président; c'est une opinion qui gagne beaucoup de terrain par suite de la faveur générale avec laquelle a été accueilli le comte de Rechberg. Quant à moi, j'ose à peine former des vœux à cet égard. Il est certainement plus facile de s'entendre avec le comte de Rechberg, mais il peut devenir aussi à l'occasion un adversaire plus redoutable. A chaque instant, M. de Prokesch nous sert indirectement par ses maladresses, mais jamais il ne sera possible de s'entendre réellement avec l'Autriche tant qu'il la représentera ici. En exposant à Votre Excellence les faits ci-dessus, je n'ai nullement l'intention de travailler à empêcher le retour de M. de Prokesch; je veux simplement me faire l'écho de la conviction de mes collègues ceux-ci sont persuadés que la situation de la Prusse dans le corps fédéral nous impose plutôt qu'à d'autres le devoir de

signaler officiellement la conduite de M. de Prokesch au gouvernement qu'il représente, et d'obtenir ainsi que les relations diplomatiques en matière d'affaires fédérales ne s'éloignent pas tout à fait des traditions qui seules peuvent donner un caractère honorable et fécond aux rapports des délégués entre eux.

Parmi mes collègues, il n'en est guère, même en y comprenant les plus souples à l'égard de l'Autriche, qui n'aient souffert des indiscrétions, des tracasseries et du manque de véracité de M. de Prokesch; d'ailleurs, ses préoccupations de publiciste le rendent impropre à reprendre la position qu'il a occupée.

Le fait qui, selon moi, motiverait une plainte adressée au cabinet de Vienne, est la communication faite par lui, le 22 février, aux envoyés étrangers et la provocation à l'immixtion étrangère qu'elle impliquait. L'indiscrétion a été commise, cela est démontré par les communications des représentants de l'Angleterre et de la France; on ne peut cependant invoquer les renseignements que ces messieurs m'ont donnés à titre confidentiel sans que je manque, de mon côté, à la discrétion que je leur ai promise. La preuve que M. de Prokesch seul a pu faire ces révélations intempestives peut se déduire des documents officiels eux-mêmes, sans qu'on ait besoin d'en appeler au témoignage de M. de Tallenay; en effet, la dépêche circulaire du 28 et la dépêche française adressée à M. de Moustier, le 27, se fondent toutes deux sur des propos qui auraient été tenus par moi dans ma conversation avec M. de Prokesch, et cependant personne ne prétend m'avoir entendu dire quelque chose de semblable. Même M. de Münch, le serviteur le plus dévoué de l'Autriche, l'a déclaré franchement à Darmstadt, ainsi que M. de Dalwigk me l'a dit hier, et il a ajouté qu'il avait cherché sans succès parmi nos collègues quelqu'un qui pût lui donner des éclaircissements sur les allégations de M. de Prokesch. Je doute que le cabinet de Vienne songe à demander d'autres preuves que c'est M. de Prokesch qui a commis l'indiscrétion dont il s'agit'.

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'Cf. plus bas (25 avril 1855).

5. Lettre particulière autographe sur des communications reçues de Paris relativement à la mission du ministre Drouyn de Lhuys. Perspectives de guerre et de paix. Droit de la France de critiquer la politique extérieure de la Confédération. Représentation de la Prusse à Darmstadt. M. de Scherff *.

2 avril 1855. — « Vu la complète accalmie qui a régné à Francfort pendant les dernières semaines, je n'ai rien d'intéressant à vous mander sur le terrain de la politique générale. Au risque de répéter des choses connues, je prends la liberté de vous transmettre quelques nouvelles, qui sont parvenues de Paris jusqu'ici et qui proviennent de M. de Seebach'. D'après ce dernier, M. Drouyn de Lhuys arriverait jeudi prochain à Vienne, pour y présenter un ultimatum relatif au troisième point de garantie, dont l'objet probable serait la réduction de la flotte russe. Le but direct de cet ultimatum soi-disant concerté avec l'Angleterre serait d'établir nettement la situation de l'Autriche vis-à-vis des puissances occidentales, attendu qu'on demande que le cabinet de Vienne l'accepte et qu'il promette d'attaquer la Russie au cas où elle le repousserait. Si l'Autriche n'en veut rien faire, on la menacera de s'entendre avec la Russie sans elle, soit immédiatement, soit après la guerre; une fois la paix signée, on n'aurait aucun égard aux vœux de l'Autriche, et la France, l'Angleterre et la Russie sauraient trouver un moyen de régler l'affaire à elles seules. M. de Tallenay attend, à ce qu'il dit, le passage du ministre Drouyn de Lhuys aujourd'hui ou demain; il prétend même qu'il a déjà quitté Paris. On ajoute que l'expédition de l'empereur Napoléon en Crimée est différée jusqu'à ce qu'on ait décidé l'Autriche à prendre part à la guerre. L'attitude de mon collègue français, qui est grand partisan de la paix, trahit de vives inquiétudes au sujet des résolutions de son gouvernement; il croit

* Soumise au Roi.

Envoyé de la Saxe royale à la cour de Napoléon.

2 Sur cette mission diplomatique, comp. aussi plus has (13 avril 1855).

que le ministre, son supérieur hiérarchique, veut personnellement la paix et qu'il craint la guerre au point de vue de ses propres intérêts, comme pouvant menacer l'ordre de choses existant en France, tandis que l'Empereur s'imagine remédier par elle à l'état inquiétant des esprits dans le peuple et dans l'armée. Bref, M. de Tallenay voit la situation en noir, et ne croit pas que son souverain veuille sérieusement la paix. Par contre, une lettre de M. de Titoff', que j'ai vue aujourd'hui et qui n'était sans doute pas destinée à être montrée, parle d'espérances de paix; l'auteur loue l'attitude prévenante des adversaires dans la conférence et dit nettement qu'il croit à un résultat favorable.

M. de Tallenay a reçu de Paris une note qui est jusqu'à un certain point une réponse à notre dépêche du 2 mars. D'après ce document, son gouvernement prétend être autorisé à prendre connaissance des discussions de la Diète, en tant qu'elles se rapportent à la politique extérieure, et à dire son avis sur les incidents des séances; la note se termine en disant avec une certaine amertume que les efforts de la France pour nous décider à accéder à ses vues ont été incriminés dans la dépêche du 2 mars. Conformément à ses instructions, M. de Tallenay a lu confidentiellement cette dépêche au comte de Rechberg; je ne la connais que par des tiers qui m'en ont parlé.

A Darmstadt, on attend avec une certaine impatience l'arrivée d'un représentant de la Prusse, et l'on m'interroge sous main à cet égard. J'apprends par M. de Scherff que le comte de Koenigsmarck s'est plaint à la Haye de l'attitude du délégué du Luxembourg; si ce bruit était fondé, je m'en étonnerais, car, depuis que je suis ici,

1 Représentant de la Russie à Stuttgard.

2 Dans une dépêche adressée à l'ambassadeur royal à Paris, le 2 mars 1855, le ministre de Manteuffel protestait contre les critiques formulées à l'étranger sur les incidents intimes des séances de l'assemblée fédérale. Nous sommes sûrs de nous rencontrer dans cette manière de voir avec celle des autres gouvernements allemands, qui, comme nous, ne voudront jamais admettre ce contrôle étranger des arrêtés fédéraux, avant qu'ils se soient transformés en actes et tombés par dans le domaine de la publicité, et qu'ils partageront surtout notre juste surprise de voir exposé même le langage confidentiel de leurs représentants à la Diète, au contrôle et à la critique étrangère.

Cf. aussi le document suivant.

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4 Envoyé de Prusse auprès de la cour néerlandaise.

j'ai appris à connaître M. de Scherff comme un ami prudent, mais sûr, de la Prusse. »

6. Rapport sur la plainte de M. de Kettenburg, chambellan du duc de Mecklembourg, au sujet d'une prétendue violation de la liberté de conscience 1.

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13 avril 1855. ...Je prends la liberté de faire observer à Votre Excellence que la paix intérieure de la Confédération courrait les plus grands dangers, si l'Assemblée se mettait à faire entrer les questions religieuses dans le cercle de ses discussions. Le législateur a fait acte de haute prudence en demandant, par l'article XIII de l'acte final, l'unanimité des voix pour la solution de questions de ce genre, en attribuant un veto à chaque État. Ainsi l'on a du moins obtenu le résultat matériel que l'assemblée fédérale évite de s'occuper de ces questions irritantes...

A ce que j'apprends, l'Autriche agira de toutes ses forces sur les différents gouvernements afin d'obtenir une majorité pour l'ensemble du projet de la commission. N'y aurait-il pas lieu d'intervenir officieusement, de notre côté, au moyen des légations royales, et de faire en sorte que l'affaire soit réglée d'une manière conforme aux intérêts des gouvernements et de la paix religieuse?

Le scrutin est remis à six semaines; il aura lieu probablement le 24 mai.

Je prie Votre Excellence de me munir d'instructions, et de me dire si Elle m'autorise à déposer mon vote dans le sens indiqué plus haut. » "

1 Les pétitionnaires se plaignaient que la Diète mecklembourgeoise eût déclaré, dans sa séance du 18 novembre 1852, qu'il fallait être luthérien pour remplir certaines fonctions, et que, selon la différence de religion des membres de la Diète, ils pouvaient être exclus de la discussion des questions religieuses et ecclésiastiques. (Cf. prot. 1854, § 327.)

2 Le ministre approuva entièrement la proposition de M. de Bismarck. (Rescrit du 21 avril 1855.) La déclaration remise par M. de Bismarck à la séance du 8 juin 1855 se trouve imprimée dans les protocoles 1855, § 207, p. 552; les plaignants furent renvoyés par la Diète des fins de leur plainte.

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