Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

des écrits qu'ils répandent, veulent tirer parti de l'attachement encore vivant dans beaucoup de ces contrées pour l'Autriche, et en faire la base d'un projet de retour à l'Empire, dans le cas où la situation politique présenterait une occasion favorable. Mon auteur, dont la famille est établie dans ce pays, et qui m'a révélé ce fait d'une manière toute confidentielle, croyait que les voyages réitérés de M. de Prokesch à Fribourg dans le cours de l'été n'avaient nullement produit un effet favorable au gouvernement badois. Quoi qu'il en soit, si l'Autriche veut exploiter ce conflit comme un moyen de dominer les gouvernements de l'Allemagne du Sud, il faut qu'elle évite des démarches aussi éclatantes que les voyages du baron de Prokesch.

Si le cabinet de Vienne a sur Bade des desseins pareils à ceux qu'on lui a supposés parfois, depuis le traité de Ried, sur la Bavière, et qu'il veuille préparer le succès de ses projets en agissant sur l'esprit de la population, il ne manquera pas de trouver sur les lieux mêmes de nombreux agents parmi le clergé et la noblesse du Brisgau et de la Souabe, dont les membres sont presque tous au service de l'Empire.

En outre, celui qui joue le rôle de moteur dans ce conflit ne réside pas à Fribourg, mais à Mayence : c'est l'évêque Kettler. Il est vrai que le fait est contesté officiellement; je sais pourtant par un compositeur de l'imprimerie ducale de Fribourg que tous les mandements archiepiscopaux ont été écrits par Kettler, et que l'archevêque n'y a mis que des notes marginales. J'apprends par la même source qu'un personnage connu, Buss, fait imprimer en ce moment une brochure contre nous; je cite incidemment ce fait comme un élément de plus pour juger les gens qui travaillent à Fribourg contre la Prusse. Abstraction faite de ce que tout conflit religieux survenant en Allemagne nous touche plus ou moins, la gravité de l'affaire de Fribourg s'accroît pour les gouvernements catholiques de la Confédération eux-mêmes par la manière dont le clergé français prend en main la cause de l'archevêque, s'il faut en croire les bruits qui circulent à ce sujet.

Je ne puis me permettre de préjuger l'opinion de Votre Excellence sur ce que la Prusse pourrait faire dans cette occurrence,

car je ne connais pas les documents officiels dont elle dispose probablement, et, par suite, je ne puis pas me faire une idée nette d la situation. Cependant je ne crois pas devoir taire mon sentiment sur une affaire qui intéresse à tant d'égards la politique fédérale ; je ne puis demander qu'une chose, c'est qu'on ne refuse pas au gouvernement grand-ducal, dès qu'il prendra l'initiative d'une négociation avec nous, de l'encourager en l'appuyant. Dans les cercles politiques d'ici, on pense que le gouvernement badois ne se montrera ferme que s'il peut compter sur la Prusse. Je n'en ai pas encore parlé à mon collègue le baron de Marschall, car je suis persuadé que je dois lui laisser faire les premières ouvertures. Du reste, il a le caractère trop peu ouvert et trop hésitant pour inspirer confiance. C'est pour cette raison aussi que j'ai évité de lui faire part du fait que j'apprends de bonne source et que son gouvernement ignore probablement, que le secrétaire intime de cabinet Kreidel livre à l'archevêque le secret des délibérations qui ont lieu au sein du cabinet, et qu'il est de fait au service de ce prélat, qui l'a tiré autrefois d'une situation difficile et lui a procuré son emploi, bien qu'il' soit protestant.

La nouvelle de la visite du duc de Nemours au comte de Chambord a visiblement mécontenté les diplomates français d'ici, bien que le premier secrétaire de l'ambassade, impérialiste plus décidé que son chef, présente cet événement comme très-favorable à l'Empire, parce qu'il aliénera à l'orléanisme la plupart de ses partisans de la classe bourgeoise.

Je remercie bien sincèrement Votre Excellence pour la dépêche télégraphique d'hier m'annonçant l'ouverture des Chambres. J'ai été d'autant plus heureux de la recevoir que j'ai pu séance tenante en faire part à un certain nombre de collègues qui se trouvaient chez moi, et les édifier sur la fausseté de certains bruits qu'on avait fait courir sur la reprise des séances. »

72. Mémoire sur la situation et les espérances du parti démocratique à Francfort-sur-le-Mein et dans les environs'. Novembre 1853. -— (Le parti démocratique comptait incontestablement de nombreux adeptes à Francfort-sur-le-Mein et dans les environs, notamment parmi la classe ouvrière; mais il n'était pas moins certain que l'activité de ce parti avait diminué dans les dernières années.)

« Il y a ici, et sans doute également entre les mains d'autres autorités, des rapports d'agents de police qui feraient conclure le contraire, mais qui ne tromperont guère ceux qui ont eu l'occasion d'en étudier la filiation. La dernière source des rapports de cette espèce est toujours un agent qui s'est mis en relation avec les personnes mentionnées en restant sous le masque de l'incognito, et qui fait ensuite part à d'autres des observations recueillies directement. La nature de ces observations ne permet pas à l'administration d'en contrôler l'exactitude et la sincérité; un petit nombre seulement des agents sont assez honnêtes pour avouer que depuis un temps assez long ils n'ont rien à mander à l'autorité, au risque d'être traités de superflus et de perdre des profits qui ne forment pas rarement leur unique moyen d'existence.

Tout aussi souvent que le besoin d'argent, le désir de se rendre utile et de passer pour indispensable est une source d'inventions et d'exagérations émanant d'individus qui n'ont du pain qu'à la condition de tenir l'autorité constamment en éveil. Les rapports que j'ai sous les yeux ne contiennent presque rien que des assertions générales et redondantes, auxquelles on cherche à donner du relief en déterrant des écrits et des poésies de 1848, et en les présentant comme des découvertes récentes. La partie la plus sérieuse des menées démocratiques consiste certainement dans la correspondance que les vrais chefs du mouvement ne cessent d'entretenir entre eux aussi bien qu'avec leurs amis politiques à l'étranger par des lettres et par des voyages personnels.

1 M. de Bismarck avait envoyé une copie de ce mémoire au ministre. On ne voit pas par les archives qu'on en ait fait un autre usage.

Mais ces gens sont devenus, grâce à une longue expérience, trop fins pour se laisser prendre par la police ou pour prêter le flanc aux tribunaux correctionnels, même si ces derniers étaient aussi sévères pour les criminels politiques qu'ils sont indulgents pour eux par sympathie ou par faiblesse. Contre ces conspirateurs, que les rapports de police désignent ordinairement sous le nom de « coryphées», qui, au su de tout le monde, ne rêvent que haute trahison, et qui pourtant circulent parmi nous sans que les lois puissent les atteindre, il n'y a pas d'autre moyen que de les rafler en temps de dictature militaire et de les mettre hors d'état de nuire. Quant aux masses démocratiques moins initiées de ce pays-ci, elles sont évidemment paralysées dans leur action. Leurs réunions sont plus rares, moins nombreuses, et dans les débats elles révèlent leur manque de confiance dans le triomphe de leur cause. Les imprimés démocratiques s'écoulent moins bien, et les chefs réussissent moins qu'autrefois à conserver ou à ranimer l'intérêt mourant de leur parti.

On se tromperait en attribuant ce phénomène à une transformation ou à une amélioration de l'esprit de la population. Ce qui manque encore autant qu'en 1848, ce sont les éléments d'une résistance fructueuse à la séduction, la foi chrétienne, l'amour d'une dynastie ou des institutions existantes, le sentiment de la justice et le respect de la loi. Ce qui domine plutôt chez la foule, c'est le désir d'améliorer sa situation matérielle d'une manière à la fois violente et facile, c'est la conviction qu'une révolution réaliserait ce vœu ; rêves qui agitent un grand nombre d'esprits, sinon la majorité du public. Mais l'espérance de faire une révolution par leurs propres moyens a disparu. Les meneurs, qui d'ordinaire ne reculent devant rien pour faire croire leurs adeptes à un bouleversement prochain et pour entretenir chez eux l'espoir d'une existence agréable et oisive, s'expriment sans réserve dans ce sens. Ceux qui ont négligé leur métier et qui pendant des années se sont bercés de l'espérance de réparer leurs pertes en prenant part aux menées politiques, ne cessent de demander aux agitateurs auxquels ils se sont livrés, si la danse ne va pas commencer bientôt, si la république ne va pas être proclamée. Aujourd'hui, la réponse invariable est qu'il n'y a rien à

faire avec les Allemands, et qu'il faut attendre les événements qui se préparent à l'étranger. Il est peu probable que les meneurs s'exprimeraient de la sorte s'ils n'étaient obligés de reconnaître que telle est l'opinion générale, et que les assurances et les promesses contraires sont trop usées pour que la foule y croie. En ce qui concerne la situation à l'étranger, les chefs de la démocratie ne reculent devant aucun mensonge, devant aucune exagération, parce que sur ce terrain ils sont moins exposés à être contrôlés par leurs adhérents. Le moyen le plus communément employé consiste à faire croire aux démocrates impatients qu'une conspiration est ourdie contre la vie de l'empereur des Français, qu'elle va éclater, et qu'après le succès du complot la république propagandiste renaîtra en France et délivrera l'Allemagne.

Ce plan est considéré comme le plus facile à exécuter et le plus fécond dans ses résultats; dans tous les cas, on ne peut jamais prouver le contraire à celui qui prétend qu'il est en voie de réalisation. L'Amérique du Nord offre un autre champ aux espérances et aux projets de la démocratie; on s'attend à la voir tôt ou tard venir les armes à la main établir le système démocratique en Europe; il suffirait pour cela de maintenir à la présidence des membres du parti.

Un des révolutionnaires les plus actifs et les plus intelligents d'ici est un certain Strauss, dont le nom figure souvent dans les rapports de la police. Il a présidé jusqu'ici un club démocratique qui tenait ses séances à Sachsenhausen, à l'auberge du Soleil, et que l'hôtelier vient de mettre à la porte. Dans la dernière séance, un de ses fougueux partisans a proposé de faire imprimer un rapport fulminant sur la cherté actuelle des vivres, et de le faire distribuer dans les villages.

Strauss a combattu ce projet, disant qu'il n'en résulterait que l'arrestation et la punition des distributeurs. Il fallait, ajouta-t-il, non pas se compromettre sans espérance de succès, mais attendre tranquillement le résultat des événements qui se préparaient en France; car Louis-Napoléon finira bien à la longue par recevoir une balle, et même si un pareil événement ne se réalisait pas, on pouvait espérer une révolution prochaine en France; on était

« ZurückWeiter »