Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

De ces faits et d'autres analogues il est permis de conclure que l'Autriche a fait des efforts considérables pour faire accueillir favorablement par la Diète la démarche qu'elle se proposait de faire. En outre, si, pour remettre sa déclaration, le cabinet impérial n'a pas reculé devant le danger de laisser voir au grand jour un défaut d'accord avec la politique de la Prusse, l'apparente inutilité de sa démarche et l'insignifiance de ce qui reste du contenu de la déclaration, après qu'on l'a dépouillée de la phraséologie qui en masque le néant, attestent, en présence de ces faits, une disproportion qui fournit au monde diplomatique d'ici ample matière aux conjectures les plus variées. L'explication la plus généralement admise est que la déclaration se rattache à des mesures financières, que l'Autriche a voulu amener la hausse sur ses valeurs actuelles ou sur celles qu'elle se propose de créer, ou bien qu'elle a voulu constater officiellement et expliquer la réduction, si souvent contestée, de son armée, parce qu'elle avait des obligations à remplir envers des banquiers, et qu'elle a tenu en même temps à donner un témoignage officiel de ses sentiments pacifiques et de sa prétendue croyance au maintien de la paix. Ces suppositions s'expliquent par les nouvelles qui circulent ici, que la gène financière et particulièrement le manque de monnaie d'argent a, dans les derniers mois, atteint en Autriche un point qui rend la situation intolérable même dans un pays habitué à de semblables difficultés. Aussi croit-on assez généralement qu'en revêtant la déclaration de la forme d'une explication donnée au corps fédéral, et en travaillant à la faire accueillir dans ce sens, l'Autriche n'avait pour but que de dissimuler adroitement une manœuvre financière calculée en vue de raffermir les cours de la Bourse.

Quant à la Prusse, la communication du baron de Prokesch ne lui présentait guère un point d'appui dont elle pût profiter pour s'expliquer sur la question d'Orient. D'un autre côté, si je n'avais rien dit du tout, mon silence aurait produit une impression pénible et provoqué des interprétations fàcheuses. Aussi le ministre président de Votre Majesté Royale m'avait-il prescrit de faire une déclaration sommaire et générale, en tenant compte du point de vue auquel il s'était placé dans sa note circulaire du 31 octobre. Comme il ne

s'était pas encore écoulé vingt-quatre heures depuis que le représentant de l'Autriche avait reçu ses instructions de Vienne, une déclaration approbative remise par moi au nom du gouvernement de Votre Majesté Royale aurait presque fait croire que j'étais pourvu d'instructions générales me prescrivant de m'associer d'une façon absolue aux agissements de l'Autriche dans la question d'Orient, d'autant plus qu'une partie de la presse allemande s'évertue à présenter le cabinet de Vienne comme le gérant unique et indépendant des affaires de la Prusse et de l'Autriche. Comme je savais en outre que les instructions de la Saxe et du Hanovre prescrivaient aux représentants de ces deux pays d'exprimer leur reconnaissance à l'Autriche, sans tenir compte d'une communication simultanée de la Prusse, j'ai préféré rédiger une déclaration comme si elle émanait de moi personnellement, bien qu'elle fût fondée sur la connaissance que j'avais des intentions de Votre Majesté.

Les autres délégués, en se référant pour la plupart à la déclaration de la Bavière, ont exprimé en termes plus ou moins chaleureux la reconnaissance que leur inspiraient les efforts faits par le cabinet impérial; d'après ce que j'entends dire, ils se mettront d'accord sur la formule commune à adopter pour le protocole. »

68. Rapport confidentiel sur les traités douaniers avec le Luxembourg.

6 novembre 1853. faite

(Conformément à une communication par le délégué néerlandais, on ne méconnaît pas dans le Luxembourg la valeur des objections élevées par le gouvernement prussien contre son admission aux conférences douanières. Mais on y regarde comme d'autant mieux justifié le désir d'être déchargé des frais de la direction des douanes du Luxembourg.) « Selon moi, le léger sacrifice que le Luxembourg demande au Zollverein, et qui, vis-àvis des autres États de l'union, se justifie entre autres par la séparation possible de ce pays d'avec le Zollverein, n'est presque rien en comparaison des conséquences qui peuvent résulter du refus absolu d'y consentir. Dans le Luxembourg et à la Haye, on exploiterait ce refus contre nous : on dirait qu'en 1842 nous avons décidé le grand

duché à entrer dans l'union en lui accordant une garantie, que nous lui retirons aujourd'hui parce que nous croyons que l'industrie et le commerce du grand-duché ont pris une direction qui rend sa sortie de l'union difficile ou impossible... Il est incontestable que le Luxembourg est obligé de s'attacher à un État plus considérable pour sauvegarder les intérêts de son industrie et notamment pour assurer ses revenus. Vu les dispositions actuelles de Sa Majesté le roi des Pays-Bas, il est certainement peu probable que ce souverain entame des négociations avec la Belgique. Mais il reste toujours libre de choisir entre le Zoliverein et la France, et si les sympathies récemment manifestées pour la France viennent à se réveiller, il n'est pas impossible que l'irritation provoquée dans le grand-duché par un traitement injuste, jointe aux intrigues de la diplomatie et aux efforts des partis, entraine le Luxembourg à conclure des traités de commerce avec la France, pour assurer à la fois ses revenus et son trafic avec la Belgique, que la Prusse ne veut plus garantir, et en même temps pour procurer de nouveaux avantages commerciaux et financiers à un État assez petit pour permettre au gouvernement français d'établir sans peine un précédent qui doit le tenter. Votre Excellence sera mieux à même que moi de juger jusqu'à quel point la situation politique générale rend possible la réalisation des éventualités indiquées ci-dessus. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas voulu négliger d'appeler son attention sur un fait aussi peu prohable, je l'espère, qu'il serait regrettable pour nous '. »

69. Rapport sur l'attitude de la presse autrichienne et du baron de Prokesch.

[ocr errors]

14 novembre 1853. « En réponse aux instructions chiffrées que Votre Excellence m'a adressées le 11 de ce mois, et que j'ai reçues

1 La proposition de M. de Bismarck fut abandonnée par suite des objections soulevées par le ministre des finances et du commerce de Prusse. (Lettre du ministre de Manteuffel, datée du 11 novembre 1853.)

2 D'après le contenu de ces instructions, le Roi avait chargé le ministre de Manteuffel d'adresser une dépêche au comte Arnim, ambassadeur de Prusse à Vienne, pour le prier d'appeler l'attention sur l'attitude antiprussienne de la presse autrichienne et de la presse étrangère inspirée par l'Autriche, et de rattacher à cette

hier au soir, j'ai l'honneur de Lui envoyer le rapport ci-dessous, concernant l'attitude de la presse autrichienne et de M. de Prokesch. Il appartient incontestablement à tout agent diplomatique de calculer le degré de franchise et de sincérité qu'il veut mettre dans ses négociations avec des agents étrangers. Sous ce rapport, M. de Prokesch réduit ses efforts à un minimum invraisemblable: voilà près d'un an qu'il fait partie de l'assemblée fédérale, et pourtant les. membres qui rendent le mieux justice à son ardeur au travail et au vif intérêt qu'il prend aux affaires en général, n'ont guère foi en ses affirmations; les actes présidentiels les plus innocents en apparence les portent à se demander quel en est le but inavoué. L'activité intellectuelle qu'il déploie pendant un certain temps dans la vie privée, prend facilement dans les relations sociales le caractère d'une tracasserie incessante dont le poids, à cause de ses sentiments antiprussiens, tombe principalement sur moi, et me force sans cesse à me défendre. Je ne puis pas discuter avec lui sur la ligne politique qu'il suit, car j'ignore jusqu'à quel point elle lui est tracée par le cabinet de Vienne. En somme, la politique du comte de Thun n'était guère différente de la sienne, bien qu'elle se présentât sous une forme moins désagréable. En ce temps-là, il y avait aussi des usurpations présidentielles. Du reste, ces empiétements sont extrêmement facilités par le droit de diriger exclusivement et sans contrôle les affaires de la Confédération, droit que l'Autriche était arrivée à posséder déjà avant 1848. Votre Excellence verra par les faits que j'ai réunis de quelle nature sont d'ordinaire ces empiétements. Ils paraissent parfois n'avoir aucune importance; mais en s'accumulant ils ont produit à la longue la situation anormale actuelle.

1

Il est difficile de combattre ces tentatives d'envahissement sans avoir l'air de se livrer à une critique mesquine et tracassière. Mais la personnalité de M. de Prokesch complique singulièrement le rôle de « gardien des droits fédéraux » que mes collègues aiment à me

communication, si c'était possible, quelques observations sur la conduite de M. Prokesch-Osten. Quant à M. de Bismarck, le ministre président le priait de faire parvenir le plus tôt possible et par une voie sûre les matériaux dont il disposait, et qui étaient nécessaires à l'accomplissement de cette mission.

1 Cf. plus bas, p. 195, note 2.

que

faire jouer. Même des divergences ordinaires d'opinions, qu'elles me soient personnelles ou qu'elles proviennent du gouvernement royal, sont traitées par lui d'inconcevables et de malveillantes lorsque j'essaye de m'entendre avec lui. Mais quand je conteste la légalité de ses décisions, il s'irrite de mon opposition comme d'une offense directe; aussi est-il franchement impossible de discuter avec mesure, avec fruit, des divergences de ce genre, car il s'embarque immédiatement dans des protestations générales, dans des récriminations tout à fait hétérogènes, dans des accusations qui ne reposent sur rien, et devient, soit par calcul, soit par la faute de son tempérament, violent jusqu'à la grossièreté. Ne pas partager les vues de l'Autriche ou de M. de Prokesch, c'est trahir la cause de la Confédération, c'est faire de l'opposition systématique, c'est faire acte d'hostilité personnelle; dans ces occasions, les transports de vertueuse indignation auxquels il se livre sont si désagréables et si blessants qu'il me faut chaque fois faire effort sur moi-même pour pouvoir parler d'autre chose de sujets insignifiants. Cet inconvénient, qui tient à la vanité et à la fougue de M. de Prokesch, et rend impossible de traiter régulièrement une affaire, est une des grandes raisons qui empêchent de s'entendre avec lui; mais je le crois incorrigible sous ce rapport, et la situation ne pourrait changer que par son départ. Toutefois sa suppression ne nous serait utile, selon moi, que si elle devait avoir pour conséquence un changement radical dans le système de politique fédérale suivi par l'Autriche. Si Vienne consentait à nous sacrifier sa personne, on exagérerait la valeur de cette concession, et l'on se croirait d'autant plus autorisé à continuer la même politique par l'intermédiaire d'une personnalité moins désagréable. Avec les errements actuels, une entente durable entre la Prusse et l'Autriche est absolument impossible, quelle que soit la personne du délégué président et quelque bienveillants que soient les rapports entre Vienne et Berlin. Jusqu'en 1848, la situation était infiniment meilleure, parce que les deux grandes puissances se reconnaissaient tacitement un droit de veto réciproque, qu'aucune ne proposait rien à la Diète ni aux cours secondaires sans l'assentiment de l'autre, et qu'en outre l'Autriche admettait la Prusse à prendre une part effective aux affaires présidentielles, ou du moins ne lui laissait rien

« ZurückWeiter »