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l'allégation de M. de Dalwigk dans la lettre mentionnée plus haut, que la demande du rappel de M. de Canitz était une mesure décidée par Son Altesse Royale après mûre réflexion, bien que cette lettre eût été écrite il n'y a pas huit jours, et qu'elle dût servir à m'éclairer.

Je n'ai pas voulu négliger de faire connaître à Votre Excellence ce nouveau point de vue, afin qu'elle puisse prendre à cet égard les ordres de Sa Majesté, si elle le juge convenable. J'y ai tenu d'autant plus que les voyages de Son Altesse Royale m'empêchent de m'acquitter avant lundi de la mission dont Sa Majesté m'a chargé. Je vous prie donc de m'envoyer des instructions par le télégraphe aussitôt après que vous aurez reçu ce rapport, à moins que vous ne l'ayez déjà fait avant ce moment-là. Dites-moi si je dois m'acquitter de ma mission telle qu'on me l'a confiée, ou si vous préférez le plan que j'ai développé dans le présent rapport '.

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62. Lettre particulière confidentielle donnant la caracté ristique des membres de la Diète.

30 mai 1853. - « Pour faire suite à mon rapport d'aujourd'hui sur les agissements de certains délégués, je prends la liberté de communiquer à Votre Excellence quelques remarques confidentielles sur la personnalité de mes collègues pour le cas où elles l'intéres

seraient.

M. de Prokesch est sans doute assez connu à Berlin pour que de nouvelles indications sur sa personnalité soient inutiles. Cependant je ne puis m'empêcher de constater que l'aplomb avec lequel il avance des faits controuvés ou conteste des faits réels dépasse tout ce que j'avais attendu de lui, de même que le sang-froid extraordinaire avec lequel il abandonne un sujet ou exécute un changement de front dès qu'on lui démontre victorieusement la

1 Le 30 mai 1853, M. de Bismarck informa le ministre que, conformément à la dépêche télégraphique du 29 mai (cf. p. 141, note 2), il avait demandé une audience au grand-duc, et qu'il attendait la réponse.

Mort en 1876.

fausseté de ses affirmations. Au besoin, il couvre une retraite de ce genre par un éclat d'indignation morale ou par des personnalités. qui l'aident à porter la discussion sur un terrain tout à fait hétérogène. Ses armes principales dans la petite guerre que je suis obligé de soutenir contre lui lorsqu'il y a divergence d'intérêts sont : 1° la résistance passive, c'est-à-dire la remise volontaire des affaires, de façon qu'il m'endosse le rôle d'un mentor inquiet et, d'après la nature des questions, souvent mesquin, et 2° dans l'attaque, le fait accompli d'empiétements insignifiants en apparence du pouvoir présidentiel, calculés de manière à donner nécessairement à mon opposition le caractère d'une tracasserie sans raison ou d'une critique vétilleuse. Il ne m'est donc guère possible d'éviter de paraître insupportable vis-à-vis de lui, à moins d'oublier les intérêts de la Prusse au point de provoquer par chaque concession des exigences plus grandes. Ces jours-ci encore j'ai été forcé d'interpeller M. de Prokesch sur un emprunt de 37,000 florins, qu'il avait contracté de son autorité privée pour les travaux de fortification; il invoqua des «< centaines » de présidents, sans pouvoir en citer un seul. Puisil prétendit qu'un certain pouvoir discrétionnaire était indispensable à la présidence pour la conduite des affaires, qu'à l'époque du comte de Münch personne n'aurait osé relever de pareilles vétilles, et que ce ne serait guère le moyen de conserver la bonne intelligence entre nous et l'Autriche que de laisser tous les actes du président exposés aux critiques malveillantes du délégué prussien. Ma réponse l'amena à dire que les actes de ma présidence n'avaient pas été passés au crible dans le but de s'assurer s'ils ne fournissaient pas également matière à la censure, et qu'il attendait une résolution de la Dièle avec la certitude que l'assemblée ne désavouerait pas la conduite de son président; que si toutefois cette hypothèse ne se réalisait point, il payerait de sa poche « la bagatelle des intérêts. » Je lui répliquai que ce dernier moyen me paraissait une solution parfaite, la seule qui pût trancher la difficulté, et que j'aimerais mieux, si M. le délégué président voulait me le permettre, prendre personnellement ma part des charges à acquitter afin d'en finir avec l'affaire, que de faire discuter officiellement la question, car je ne pouvais m'attendre à ce que mon gouvernement fût disposé à payer des intérêts pour

un emprunt contracté par le président seul, à l'insu des autres délégués, etimmédiatement après une séance. La futilité de l'objet, ajoutai-je, nous faciliterait singulièrement la suppression d'un précédent que les gouvernements pourraient redouter de voir prendre des proportions plus grandes, si on le laissait passer inaperçu. Enfin, je me réservai une déclaration publique pour le moment où l'affaire serait portée officiellement à ma connaissance, ce qui n'avait eu lieu jusqu'ici que par les communications tout à fait privées du conseiller de gouvernement intime Crüger. Tenant compte de la visite de Sa Majesté le Roi à Vienne et de la possibilité que des questions politiques s'y rattachent, j'ai évité dans ce cas, aussi bien que dans d'autres qui se sont présentés pendant ce temps, de forcer le président, comme j'en avais le droit, à rester dans les limites de ses attributious. En même temps je me suis efforcé de ramener la discussion dans la voie d'une entente amicale, chaque fois que M. de Prokesch s'en écartait. Je puis toutefois revenir sur la question dès qu'on me le permettra.

Je compte le délégué de la Bavière, M. de Schrenk, au nombre des meilleurs éléments de l'assemblée, tant à cause de ses capacités que de son caractère; c'est un travailleur consciencieux et infatigable, avec cela pratique dans ses idées et dans ses jugements, bien que, jurisconsulte par éducation et par goût, il soit parfois ergoteur et rende la marche des affaires difficile. Dans les relations officielles, il est ouvert et complaisant, aussi longtemps qu'on ménage son amour-propre national, qui est, en réalité, très-exalté et trèssensible, faiblesse avec laquelle j'ai bien soin de compter.

Notre collègue de Saxe, M. de Nostitz', m'inspire moins de confiance. Il a au fond une sympathie traditionnelle, comme il me semble, pour la Prusse et son système politique, sympathie qui provient surtout de son protestantisme plus rationaliste qu'orthodoxe et de sa crainte de l'ultramontanisme. Mais je crois, et je serais heureux de me tromper, qu'en somme il place ses intérêts personnels au-dessus des intérêts politiques, et la souplesse de son caractère lui permet de voir toujours ces derniers sous un jour avanta

Mort en 1870.

geux pour les premiers. Indépendamment de son traitement, sa situation de fortune personnelle tient un peu à sa position de délégué; il possède ici une maison, payée un prix considérable avant 1848, qu'il occupe lui-même, et que depuis cinq ans il cherche en vain à louer. Sa conduite politique est donc déterminée par le désir de garder sa position officielle, et, vu la direction que suit actuellement le gouvernement saxon, l'Autriche est certainement mieux placée que la Prusse pour la lui assurer. Cette circonstance n'empêche pas, il est vrai, M. de Nostitz d'éviter avec soin de contrarier ouvertement la Prusse, en tant que ses instructions le permettent; mais avec sa grande puissance de travail, son intelligence et sa longue expérience, il forme l'appui le plus solide de l'Autriche à la Diète. Il est doué d'un talent particulier pour rédiger des rapports et des propositions sur les questions litigieuses et leur donner un caractère conciliant; mais il ne compromet jamais les intérêts de l'Autriche : on a beau dépouiller sa rédaction de la forme vague dont il l'enveloppe, jamais on ne le trouve en défaut. Ce n'est que dans le cas où ses rapports deviennent l'objet de discussions ultérieures qu'on reconnait d'ordinaire que le but en vue duquel ils avaient été rédigés est défini d'une manière incidente et, pour ainsi dire, sans intention. S'il se produisait à Dresde un revirement dans le sens de la Prusse, l'appui considérable que M. de Nostitz peut prêter à une cause par son intelligence, son expérience des affaires et l'autorité qu'il doit à ces deux qualités, serait aussi sûrement acquis à la Prusse qu'il l'est aujourd'hui à l'Autriche, à moins de supposer qu'il ne se croie trop lié parce que l'un de ses fils est élevé à l'école navale autrichienne et que l'autre sert comme officier dans l'armée impériale.

Le délégué du Hanovre, M. de Bothmer', est de retour depuis quelques jours; mais j'apprends à mon grand regret qu'il n'est nullement certain qu'il reste plus longtemps à Francfort. Non-seulement c'est un caractère droit qui inspire la confiance, mais c'est encore le scul de mes collègues qui ait assez d'indépendance pour appuyer ouvertement mon opposition aux empiétements de la présidence.

1 Mort en 1861.

M. de Reinhard 'est une nature tout opposée : si M. de Bothmer est consciencieux, clair et objectif dans ses travaux, ceux du délégué wurtembergeois portent, au contraire, le cachet de la frivolité et de la confusion. Sa disparition de l'assemblée serait un grand avantage pour nous. J'ignore si son départ de Berlin a été entouré de circonstances qui lui ont donné une antipathie profonde contre la Prusse, ou si ses théories -politiques confuses, dont il parle plus facilement et avec plus de goût que des affaires, lui font imaginer que l'influence de la Prusse en Allemagne est nuisible; mais ce qui est certain, c'est que son antipathie contre nous dépasse la mesure des sentiments qu'il est permis de supposer à son souverain d'après sa situation politique, et j'ai lieu de supposer que par principe il exerce aux dépens de la Prusse son activité et l'influence qu'il a sur son gouvernement. Je crois même devoir admettre que, dans la discussion de la question de Rastadt, il a tenu de sa propre autorité une conduite que Sa Majesté le Roi aurait été loin d'approuver. Dans ses manières à mon égard il n'y a rien qui puisse faire conclure à l'existence de sentiments de cette nature, et ce n'est que rarement et sous une forme voilée que ses rancunes contre la Prusse éclatent dans la discussion. J'ajoute en passant qu'il arrive toujours en retard et le dernier aux séances, qu'il y est inattentif, intervient hors de propos dans la discussion et provoque ainsi de nouvelles pertes de temps.

Le délégué badois, M. de Marschall, ne manque ni d'intelligence ni de pratique, mais il évite avec soin de se compromettre par un jugement personnel; dans les affaires les plus simples et les plus claires, il s'évertue à trouver un point de vue intermédiaire qui permette de donner raison aux deux parties, ou du moins de ne donner tort à aucune. S'il faut absolument se prononcer, il penche plutôt du côté de l'Autriche que du nôtre, soit qu'il obéisse à des considérations de parenté, soit que son gouvernement ait plus peur de Vienne que de Berlin. Je ne puis guère espérer en son appui contre la présidence, comme dans la question du règlement, par exemple, dont il est le rapporteur.

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