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d'autres édifices, et mutilation de sa belle cathédrale: où donc était une cause quelconque de représailles, une nécessité de répression pour infraction commise? Certainement aussi les Allemands, bombardeurs et incendiaires, ont détruit Châteaudun et d'autres villes, sans autre motif qu'une résistance vaincue. Est-ce qu'il y avait, pour des destructions aussi abominables, une cause légitime, dérivant du droit de réciprocité ou de la nécessité d'une répression pour empêcher la continuation de l'infraction supposée? Est-ce que la punition, fût-elle permise, n'a pas été hors de toute proportion avec le fait supposé répréhensible? Les abominations commises à Bazeilles étant publiquement reprochées, on a essayé une justification en alléguant que c'était une punition sévère, mais juste, pour les atrocités imputées à des femmes: encore un subterfuge, sans aucune vérité, pour colorer une monstruosité injustifiable. Ce système de ruse était tellement incarné, qu'après avoir été accrédité par l'organe politique, il entrait dans les procédés des agents et organes militaires eux-mêmes: aussi l'ordonnateur du bombardement de Paris, quand on lui reprochait par protestations d'atteindre même des hôpitaux et musées, et lorsqu'il ne pouvait plus dire que des obus s'étaient «< égarés» sur ces édifices ou monuments scientifiques, répondait, par un abus d'interprétation : vous ne connaissez plus les lois de la guerre; le droit de représailles me dispense de ce qu'exigerait ce que vous appelez le droit des gens....

Il n'y avait même plus de prétexte possible pour la destruction, par incendie au pétrole, de la jolie ville de Saint-Cloud, du beau village de Garches, de la belle cité de Montretout. Aussi les défenseurs de la Prusse s'efforcent-ils d'éviter toute explication à cet égard. Les propriétaires n'étaient aucunement coupables ou responsables, pour les faits de guerre qui avaient eu lieu dans ces localités, pour le passage des sol

dats ou volontaires sans participation aucune de leur part; de plus, l'armistice rendait illicite toute dévastation ultérieure, et les incendies continués ont été commis par des moyens qui comportent une qualification ignominieuse... Où donc seraient les conditions de représailles justificatives? On ne peut voir là que des actions de vandales, qui provoqueraient la vengeance si elle ne devait pas elle-même être réprouvée.

IV

10. Si les réprésailles s'exerçant sur des biens sont parfois des excès injustifiables, il en est de même à plus forte raison de celles qui s'exercent sur les personnes, lorsqu'elles vont jusqu'à la cruauté. Des conditions et limites sont d'autant plus nécessaires ici, que ce sont presque toujours des innocents qu'atteignent les violences corporelles, triste extrémité que déjà Vattel autrefois conseillait d'éviter. Nous croyons pouvoir généraliser ces remarques de M. Bluntschli, quoiqu'elles ne supposent pas toutes l'état de guerre ouverte : « Les nations civilisées stigmatisent aujourd'hui, comme contraires aux lois de l'humanité, les cruautés exercées contre les ressortissants de l'État étranger. Même lorsque les peuplades barbares maltraitent nos nationaux, les mutilent, les mettent à mort, il est indigne des États civilisés. de procéder de la même manière envers les hommes de ces tribus sur lesquels ils viendraient à mettre la main. La loi du talion ne peut dégénérer en barbarie. On doit également blâmer hautement l'exécution à titre de représailles de personnes qui n'ont commis aucun crime (règle 501 et note 1). » Trop souvent, de pareilles cruautés ont été commises, et des représailles sanglantes exercées, entre peuples qui pourtant repoussaient la qualification de barbares. D'après Phillimore, M. Bluntschli cite pour exemple l'action

d'un capitaine anglais qui fit pendre un officier américain, l'improbation du général anglais qui traduisit son inférieur devant un conseil de guerre et l'action du général Washington qui, n'ayant pu obtenir l'extradition du coupable, fit condamner à mort un autre officier anglais, lequel heureusement fut gracié sur les instances de la reine de France. L'histoire et encore des événements récents nous montrent certaines cruautés qui auraient autorisé des représailles, si la nation des victimes eût été barbare elle-même nous approuvons hautement les gouvernements qui, au lieu d'y recourir, se sont bornés à insister pour une répression judiciaire énergique, avec des réparations pour le pays et les familles des victimes.

Entre combattants et même dans les luttes armées, si l'état de guerre autorise toutes violences sans déloyauté, des limites pourtant sont imposées par les exigences de l'honneur militaire, ainsi que de l'humanité. S'il arrive que certaines troupes ou quelques-uns de leurs soldats excèdent le droit limité ou méconnaissent le devoir de modération qui existe à certains moments, cela n'autorise pas toujours des excès analogues, à titre de représailles, vis-à-vis de tous les combattants de tout corps d'armée, indistinctement. Supposons le cas où l'ennemi aurait dans ses troupes quelques individus sauvages d'origine, ou bien serait secondé par des volontaires que l'on dirait n'être pas disciplinés : le reproche d'inobservation des règles de la guerre civilisée ne devrait pas autoriser à traiter en brigands tous combattants capturés. Il n'y a, selon nous, qu'un avertissement comminatoire dans ces expressions du règlement américain, reproduites à peu près par M. Bluntschli: «Toutes les troupes qui ne font pas de quartier en général, ou qui font quartier seulement à une certaine portion de l'armée ennemie, n'ont droit à leur tour à aucun quartier (art. 62). » Des tempéraments sont com

mandés par ces autres dispositions et règles: « Aucun corps de troupes n'a le droit de déclarer qu'il n'accordera, et par conséquent qu'il n'acceptera pas de quartier (art. 66). Les troupes qui ne font pas de quartier n'ont cependant pas le droit de tuer leur ennemi déjà tombé et hors d'état de nuire sur le terrain (art. 61). » Si M. Bluntschli a semblé autoriser le refus de quartier, à titre de représailles, un correctif se trouve dans les passages suivants : «Un corps d'armée n'a pas le droit de déclarer qu'il ne fera ou n'acceptera pas de quartier. Ce serait un vrai assassinat (note sur la règle 580). Lorsqu'on a des motifs légitimes de refuser de faire quartier, il est cependant interdit de mettre à mort les ennemis qui sont devenus incapables de résister ou sont déjà prisonniers de guerre (règle 592). »

Dans le cas de résistance opiniâtre des défenseurs d'une place de guerre, s'ils peuvent être traités différemment par le vainqueur selon les procédés par eux employés, depuis longtemps on reconnaît qu'il n'y a pas cause de représailles et droit de passer au fil de l'épée la garnison. Fût-il permis de reprocher aux gardes nationaux d'une ville ouverte d'avoir résisté à l'envahisseur, cela ne saurait autoriser des cruautés contre eux ou contre les habitants en général : la tuerie par incendie des habitations, en pareil cas, est un de ces abominables excès qui ont fait flétrir les procédés des Allemands en France (voy. ch. xi, n° 16, et ch. xi, n° 6). L'emploi d'instruments de guerre qui sont prohibés comme trop meurtriers ou faisant trop souffrir, quoiqu'il soit une infraction grave aux lois de la guerre civilisée ou au droit des gens actuel, ne nous paraît pas autoriser pareille chose à titre de représailles : ce serait la destruction de prohibitions sanctionnées, qui doivent être rappelées et maintenues. Si la prohibition ne se trouvait que dans les usages jusqu'alors suivis, l'infraction accidentelle d'un côté serait à signaler

avec protestation publiée: s'en faire un titre pour s'affranchir désormais de la prohibition, pour employer à l'avenir les engins proscrits comme réprouvés par le droit de l'humanité, serait un retour à la barbarie et une provocation à toutes atrocités analogues. Le droit des gens moderne doit encore plus interdire l'emploi, pour cause de représailles, de ceux qu'une convention internationale défend de jamais introduire dans la guerre car de telles prohibitions sont acquises à l'humanité et devenues irrévocables, il ne doit dépendre d'aucun des États contractants de rompre une telle convention en la violant ou en prétextant de représailles pour s'en affranchir.

Il y a des excès plus abominables encore, qui doivent être flétris par l'Europe civilisée. C'est déjà beaucoup que d'admettre l'homicide par représailles, vis-à-vis de combattants autres que ceux qui auront enfreint les règles, quand ils devraient après blessure ou capture être soignés et traités en prisonniers de guerre. C'est beaucoup trop que de tuer ainsi des habitants inoffensifs, qui devraient être en dehors de toutes hostilités, par le motif ou sous le prétexte qu'il a été commis quelque infraction par des inconnus. L'abomination extrême se trouve dans un calcul de multiplication qui, pour un fait unique ou pour le meurtre présumé d'un soldat, fait incendier de nombreuses habitations ou fusiller plusieurs habitants! Où donc pourrait être l'autorisation ou la justification, pour un système de représailles allant jusqu'à décupler les rigueurs de la loi du talion ou des lois pénales les plus draconiennes? On ne saurait les trouver ni dans le droit de réciprocité, qui limite les représailles à une action pareille, ni dans l'excuse de nécessité, qui elle-même a pour conditions une nécessité absolue et la proportionnalité ou une punition relative. Pour une seule infraction en commettre dix, ou pour une victime se venger sur dix innocents, c'est

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