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Code pénal ordinaire, soit par le Code de justice militaire, soit par des lois spéciales, ainsi que les crimes ou délits communs s'y rattachant, et d'autre part, avec les militaires, toutes personnes de tout âge et de tout sexe, y compris les étrangers et même les journalistes qui revendiqueraient le jury en ce qu'il s'agirait de délits de presse.

Pour le fonctionnement régulier de la justice militaire dans les lieux déclarés en état de siége, autres que les places de guerre qui ont nécessairement des règles exceptionnelles, le code de justice militaire français, de 1857, a disposé ce qui suit: «Lorsqu'une ou plusieurs communes, un ou plusieurs départements ont été déclarés en état de siége, les conseils de guerre permanents des divisions territoriales dont font partie ces communes et ces départements, indépendamment de leurs attributions ordinaires, statuent sur les crimes et délits dont la connaissance leur est déférée par le présent Code et par les lois sur l'état de siége. Le siége de ces conseils peut être transféré, par décret impérial, dans l'une de ces communes ou dans l'un de ces départements (art. 43)... Chaque conseil de révision permanent connaît des recours formés contre tous les jugements des conseils de guerre placés dans sa circonscription (art. 47). Les conseils de guerre dans le ressort desquels se trouvent les communes, les départements et les places de guerre déclarés en état de siége connaissent de tous crimes et délits commis par les justiciables des conseils de guerre aux armées, conformément aux art. 63 et 64 ci-dessus, sans préjudice de l'application de la loi du 9 août 1849 sur l'état de siége (art. 70). Les jugements rendus par les conseils de guerre peuvent être attaqués par recours devant les conseils de révision (article 71). Les conseils de révision ne connaissent pas du fond des affaires (art. 72). » L'art. 74 veut l'annulation dans cinq cas, dont deux sont l'illégale composition du conseil de

guerre et la violation des règles de compétence, deux autres sont la violation de formes essentielles, et un cinquième est la fausse application d'une loi quant à la peine. L'art. 81 admet le pourvoi en cassation de la part des condamnés non militaires, pour cause d'incompétence seulement, après décision sur le recours en révision ou après expiration du délai fixé pour l'exercice de ce recours.

Telle est la législation actuelle de la France, pour l'état de siége à déclarer par les autorités du pays, soit dans la métropole, soit dans une colonie française. A raison de la guerre survenue et des insurrections qui en résultaient, elle a autorisé des déclarations, en différents lieux, et de nombreuses condamnations par les conseils de guerre, qui ont presque toujours procédé régulièrement et avec modération, ainsi que nous avons pu en juger plus encore que l'opinion publique par les décisions que des condamnés déféraient à la Cour de cassation, quoiqu'elle n'eût à vérifier que la compétence ".

11. En pays ennemi, l'état de guerre et les lois militaires de l'occupant, qui lui donnent déjà tant de pouvoirs pour la répression par ses tribunaux militaires de toutes infractions pouvant compromettre la sûreté de son armée, sembleraient devoir le dispenser d'aggraver encore la situation des habitants par une déclaration d'état de siége. Cependant, cette mesure extrême n'est pas absolument interdite par le droit international, dont le silence à cet égard implique autorisation virtuelle pour le cas de nécessité. Il n'en est pas spécialement parlé dans les instructions américaines, dont l'art. 1 fait dériver de l'occupation militaire par l'envahisseur la mise en vigueur de la loi martiale de son armée. M. Bluntschli lui-même n'a consacré que quelques lignes

23 Voy. les comptes rendus dans les journaux judiciaires, la Gazette des tribunaux et le Droit, les recueils de Dalloz, de Sirey, etc.

à ce sujet si grave. Après avoir posé comme règle que << la juridiction civile et pénale suit son cours régulier sur tous les points où les autorités militaires n'ont pas modifié les lois ou règlements existants,» il ajoute comme exception très-limitée: « Les autorités militaires ne peuvent créer des tribunaux que dans les cas exceptionnels et proclamer l'état de siége que si le danger est pressant et sérieux (règle 547).» Puis il fait cette observation; «L'établissement de conseils de guerre chargés d'appliquer la loi martiale, est une des atteintes les plus graves qu'on puisse porter à la liberté individuelle et aux droits d'une nation, parce qu'on supprime par là la plupart des garanties constitutionnelles, La nécessité peut seule justifier cette mesure. Aussi les habitants d'un pays ne doivent-ils être exposés à des dangers aussi considérables, qu'après avoir été préalablement informés de la proclamation de l'état de siége (note).»

Le seul exemple que nous connaissions d'une déclaration d'état de siége par l'armée française, en pays ennemi, est celui que révéla le pourvoi rejeté par l'arrêt dont les motifs vont être transcrits. C'était en Cochinchine, pendant la guerre et dans des localités militairement occupées, dont la principale était une position militaire qui allait devenir définitive. La déclaration avait eu lieu par le commandant en chef, selon les dispositions de la loi de 1849 relatives aux postes militaires en état de siége, ce qui lui faisait produire les effets spéciaux qu'a déterminés le décret de 1811; et ces effets subsistaient, aux termes des autres dispositions de la loi qui les prorogent à raison de la permanence des conseils de guerre. Sur pourvoi contre un jugement de condamnation pour crime, arrêt ainsi motivé: « Attendu qu'à la date du 19 mai 1861, le vice-amiral commandant en chef l'expédition de Cochinchine, a pris un arrêté portant établissement de l'état de siége dans les provinces de Saigon, de Milha et

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tous les territoires occupés par les troupes françaises qui soutenaient une guerre étrangère; que cet état de siége a été établi en vertu de l'art. 5 de la loi du 9 août 1849, qui, combiné avec l'art. 10 de la même loi, renvoie quant aux effets de la mesure aux dispositions du décret du 24 décembre 1811; que, dès lors, il a eu pour conséquence nécessaire et légale d'attribuer au conseil de guerre la connaissance de tous crimes ou délits, soit militaires, soit de droit commun, commis par des individus militaires ou non militaires dans l'étendue du territoire soumis à l'état de siége; attendu que cet état, non modifié ultérieurement par le commandant de l'expédition, durait encore en fait, malgré le traité de paix du 5 juin 1862, au moment où les poursuites ont été dirigées contre Télésio; qu'ainsi le 1er conseil de guerre permanent du corps expéditionnaire de Cochinchine, séant à Saïgon, lieu du domicile de Télésio, était compétent pour connaître du crime de faux en écriture de commerce, dont le demandeur a été déclaré coupable et qui intéressait la perception de l'une des branches du revenu public en Cochinchine ** ». Cette solution, qui ne prévalut pas sans difficulté, a rencontré beaucoup d'objections et subi de sérieuses critiques, indiquées dans les recueils, que notre qualité de conseiller à la Cour qui a prononcé nous interdit de reproduire ici. Ce que nous pouvons seulement faire observer, c'est que la déclaration d'état de siége avait eu lieu pendant la guerre, dans un pays alors occupé militairement comme poste militaire à défendre, et que c'était la raison majeure sans laquelle cette déclaration eût été jugée inopérante quant aux effets de compétence.

Après traité de paix, lorsqu'il n'y a plus occupation d'un

24 Jugement du 1er conseil de guerre permanent, siégeant à Saïgon, 14 mai 1864; décision du conseil permanent de révision, 20 mai; arrêt de la Cour de cassation, 24 novembre 1864 (Bull. crim., no 266; Journ. du Droit crim., art. 7963).

territoire étranger qu'à raison d'engagements pécuniaires, dont le terme est prochain, l'occupant peut-il, sans aucune guerre qui permette des hostilités, déclarer ce territoire en état de siége comme s'il y avait application de la loi martiale? C'est une prétention qui vient de surgir et de se réaliser, dans les six départements français qu'occupent encore des troupes allemandes". Nous demandons d'abord en vertu de quel principe, ou de quelle loi, des territoires français sont ainsi mis en état de siége et les habitants privés de leurs droits par l'étranger. Pendant la guerre, là où l'occupation militaire par l'ennemi lui donnait des pouvoirs temporaires, on conçoit qu'il ait été jusqu'à cette extrémité, supposée nécessaire alors; et s'il a invoqué contre nous notre loi sur l'état de siége, au lieu d'appliquer le droit international, très-circonspect à cet égard, c'est une singularité que nous n'entendons pas lui reprocher. Mais aujourd'hui, aucun titre ne se trouve pour l'étranger dans le droit international ou les lois de la guerre, et nous ne voyons pas comment il pourrait prendre pour lui contre nous une loi qui a été émise pour la sûreté de l'Etat français, avec des conditions essentielles qui tiennent à la souveraineté et que l'étranger ne peut remplir. Entend-il invoquer les lois de la guerre ou la loi martiale? Mais la paix conclue, avec ratifications définitives, a mis fin à l'état de guerre et au droit de créer des dérogations aux lois du pays. Se fonderait-il sur la loi organique de l'état de siége, qui existe en France? Mais il n'a pas un droit de souveraineté, même seulement temporaire ou provisoire, qui lui permette de se substituer aux représentants de la France pour une si grave mesure. Serait-ce enfin quelque clause du traité de paix qui lui donnerait un tel pouvoir? Ç'aurait été contraire aux principes fondamen

25 Voy. suprà, ch. xx, no 12, p. 418-418.

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