Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

entraînant peine de mort était très-large et fort élastique, le choix des juges était laissé à un officier, cette commission militaire devait condamner à mort et l'exécution devait être immédiate... Et c'est cela qu'on appelle œuvre de justice! Sans doute il y avait un simulacre, en ce que c'était moins brutal que la proclamation d'un général major qui disait, dans les Ardennes, que « tout individu non militaire qu'on trouverait porteur d'une arme, fût-il franc-tireur ou autre, serait pendu ou fusillé sans autre forme de procès »; mais ce n'en était pas moins un procédé de terreur, comme tant d'autres partout employés. La rigueur était telle, que des neutres eux-mêmes se sont indignés, comme le prouvent des publications étrangères, et qu'un article de revue, quoique porté à essayer une justification quand c'était possible, disait aussi: «En tenant complétement compte de la sévérité inhérente aux lois militaires, encore ne saurait-on admettre que tous les actes énumérés dans la proclamation doivent, dans toutes les circonstances où ils peuvent avoir été commis, être punis de mort. Il y a là un mépris de la vie humaine que la guerre même n'autorise pas. Si le droit de la guerre est un droit de nécessité, il s'arrête là où cette nécessité finit. Or il ne peut être ni nécessaire ni même utile de frapper indistinctement de la peine capitale des actes d'une importance aussi variable. Car ce qu'un pareil procédé peut avoir de terrifiant, est plus que balancé par les sentiments d'horreur et de révolte que doit inspirer son application inflexible. Il eût donc mieux valu, pensons-nous, laisser à la juridiction militaire une certaine latitude dans le choix de la peine 1*. » Ce n'est pas assez dire, après des condamnations capitales par

14

dont le territoire aura servi à l'action incriminée, seront passibles dans chaque cas d'une amende égale au montant annuel de leur impôt foncier. »

14 Revue de Droit international, publiée à Gand, article de M. Rolin Jac. quemyns, 1870, p. 669.

commissaires, sans garanties de forme ni de recours, avec exécution immédiate, dans des circonstances sans gravité comme celles que nous avons déjà indiquées (Voy. ch. xii, n° 14, notes 14 et 15).

Signalons une autre ordonnance, où s'ajoutait à l'arbitraire des incriminations et à la rigueur des peines l'odieux d'une confiscation générale de biens, actuels et futurs, à prononcer par un gouverneur avec annulation de tous paiements et actes de disposition. C'était contre les habitants de provinces françaises que l'envahisseur voulait conquérir, mais qui ne pouvaient devenir Allemandes par la seule force et qui ne le voulaient aucunement, ce que prouvent leurs protestations contre la cession elle-même 15. Comment! Des Français voulant rejoindre les défenseurs de la France, comme appelés ou comme volontaires, étaient par cela seul

15 Nous, Guillaume, roi de Prusse, ordonnons, pour les gouvernements généraux de l'Alsace et de la Lorraine, ce qui suit :

Art. 1er. Quiconque rejoint les forces françaises est puni d'une confiscation de ses biens actuels et futurs, et d'un bannissement de dix années.

Art. 2. La condamnation a lieu par un arrêt de notre gouvernement général, qui, trois jours après sa publication dans la partie officielle d'un journal de ce gouvernement, entre en vigueur et doit être exécuté par les autorités civiles et militaires. Art. 3. Tout paiement ou remise qui serait fait plus tard aux condamnés est regardé comme nul et non avenu. Art. 4. Toute donation entre-vifs et après décès, que le condamné a faite après ce décret, concernant sa fortune ou des parties de sa fortune, est nulle et non avenue.

Art. 5. Quiconque veut quitter son domicile doit en demander la permission au préfet, par écrit, en indiquant le but de son départ. Quiconque est absent pendant plus de huit jours de son domicile sans permission est supposé, en droit, avoir rejoint les armées françaises. Cette supposition suffit pour entraîner condamnation.

Art. 6. Les préfets ont à établir et à contrôler des listes de présence de toutes les personnes mâles.—Art. 7. Le produit de la confiscation est à livrer à la caisse du gouvernement général. Art. 8. Le retour du bannissement

entraîne la peine édictée par l'art. 33 du Code pénal.

Art. 9. Ce décret entre en vigueur à partir du jour de sa publication.
Fait au quartier général de Versailles, le 15 décembre 1870.

Signé Guillaume, De Bismark, De Roon.

réputés coupables, frappés de la peine du bannissement avec aggravation s'ils reparaissaient, frappés même eux et leurs familles d'une confiscation générale de biens, qui est une peine dont l'odieuse injustice l'a fait supprimer dans la plupart des pays civilisés; et cela, par mesure administrative sans jugement, n'y eût-il d'autre présomption que le seul fait d'une absence pendant huit jours!! C'est la plus révoltante iniquité; aussi a-t-il paru nécessaire de partager la responsabilité entre un souverain, un diplomate et un ministre de la guerre. C'est tellement odieux, qu'ici encore il y a eu réprobation par l'auteur des articles d'une revue trop souvent disposée à l'indulgence pour les rigueurs prussiennes. Voici ce qu'il en disait : « Ce décret, frappant de peines trèsfortes (confiscation et bannissement) les habitants des pays occupés qui partiraient dans l'intention, établie ou présumée, d'aller combattre sous les drapeaux de leur patrie d'origine... rendu pour l'Alsace et la Lorraine, s'applique même à la Lorraine française, que l'Allemagne n'a pas réclamée, à l'exception de Metz. C'est donc uniquement au point de vue du droit de la guerre naissant du fait de l'occupation qu'il faut le considérer... La peine, odieuse par elle-même, de la confiscation générale de tous les biens présents et futurs, devient plus odieuse encore lorsqu'elle s'applique à un acte qui, dans l'opinion de ses auteurs, a dû passer non-seulement pour légitime, mais même pour obligatoire. A la vérité, le franctireur irrégulier et le paysan armé que l'on fusille peuvent en dire autant. Mais ici le danger à écarter est à la fois immédiat et certain. On est en présence d'une violation manifeste du droit de la guerre. Il n'en est pas ainsi de l'individu qui a réussi à s'échapper sans permis. On peut le comparer soit au vaisseau neutre, chargé de contrebande de guerre pour un des belligérants, qui échapperait aux croiseurs de l'autre, soit à celui qui violerait un blocus. Une fois l'obstacle franchi,

c'est à l'Etat dont la vigilance a été en défaut à en subir les conséquences, et il ne doit pas lui être loisible de se venger, soit sur le même vaisseau qu'il rencontrerait plus tard chargé d'autres marchandises, soit sur d'autres vaisseaux appartenant au même armateur. Tout ce que l'on pourrait admettre, c'est que, jusqu'au retour de la personne absente sans permis, l'Etat envahissant mît ses biens sous séquestre provisoire.» Que dira l'histoire impartiale, des abominations que nous relevons!

8. Comparez, pour les juger l'un et l'autre, le système français et le système allemand, quant aux incriminations et à la répression par une juridiction spéciale. Lorsque des armées françaises occupent un pays ennemi, elles ont avec elles leur loi de justice militaire, mûrement délibérée en temps de paix, qui a prévu et réglé sans passion toutes les situations accidentelles; et pour l'exercice qui serait nécessaire du droit de répression, elles ont aussi leurs conseils de guerre et de révision, dont l'organisation et les formes essentielles donnent toutes garanties à tous. Ainsi protégées sans l'exagération qui serait destructive de la justice, les armées n'ont pas besoin de lois pénales et juridictions improvisées; leur chef trouverait d'ailleurs dans le droit international un pouvoir suffisant, pour tout ce qui concernerait la réglementation ou la mise en vigueur des lois pénales de la guerre, quant aux infractions qui n'auraient pas été spécialement prévues dans son Code de justice militaire pour le cas d'occupation d'un pays ennemi. Quant aux Allemands envahisseurs, leur loi de justice militaire s'est gardée de rien dire qui entravât leurs volontés en pays envahi, si ce n'est que le butin ou pillage est laissé dans les pouvoirs de l'État ou des généraux. De la sorte, le commandant en chef se croit auto

16 Rolin Jacquemyns, Revue de Droit international, 1871, p. 317 et 318. 11. -29

risé, non pas seulement à faire exécuter impitoyablement tout ce qu'il peut trouver de plus rigoureux dans le droit international quant aux lois de la guerre, mais même à s'ériger vis-à-vis des adversaires en justicier, en législateur et en juge, par des ordres qui créent tout à la fois les infractions et les peines, avec interdiction de toute atténuation et -même avec dispense d'observer les conditions de toute justice.....

Une telle énormité serait-elle donc un droit, seulement exagéré? Voici ce qu'en dit l'auteur de l'article de revue déjà cité: « Ce serait une étude intéressante et utile que celle des principes de ce droit pénal que les troupes envahissantes, juges et parties, ont jusqu'ici improvisé en temps de guerre, uivant les circonstances et aussi suivant le caprice de tel général d'armée. Quant à nous, quelles que soient les critiques que nous avons formulées contre certaines de ces dispositions, nous ne saurions partager l'opinion de ceux qui font même un reproche aux Allemands d'avoir procédé à ces mesures rigoureuses « par voie réglementaire et en vertu d'ordres froidement délibérés au quartier général ». Nous sommes porté au contraire à y voir un premier progrès. L'absence d'ordres généraux serait en effet l'arbitraire complet, échappant à tout contrôle comme à toute responsabilité, tandis que les ordres généraux sont des documents qui restent, qu'il n'est pas permis d'enfreindre, qui constituent par conséquent la reconnaissance implicite d'un certain droit chez les populations envahies, et qui fournissent enfin à la critique scientifique un élément positif de discussion, Dès à présent, ce sera la tâche de la science de donner à ce droit pénal de la guerre (très-distinct du droit pénal militaire), une base rationnelle, fondée sur la nature des rapports qui s'établissent entre l'armée envahissante et la population civile des pays envahis. En général, celle-ci sera tenue, comme con

« ZurückWeiter »