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cher le sublime exemple de charité internationale qu'il a donné. Serait-ce donc un droit absolu, pour l'assiégeant, de tenir enfermés à son gré des individus qui, pourtant, sont tellement étrangers à la guerre qu'il leur est interdit d'appuyer les défenseurs ? Cette question est complexe, en ce qu'elle intéresse les résidents neutres ainsi que des habitants inoffensifs; elle se présente surtout lorsque l'investissement est accompagné de siége avec bombardement, les périls d'une telle situation se joignant à ceux de la famine: nous aurons donc à l'examiner dans son ensemble, au chapitre suivant.

8. L'investissement ayant pour but de produire une famine imminente, afin que les défenseurs de la place soient forcés par la population à se rendre, la résistance a besoin, pour l'alimentation et les autres nécessités de la vie, de moyens extraordinaires que doivent fournir la science économique, une législation exceptionnelle et des mesures administratives très-intelligentes. Dès que les approvisionnements généraux paraissent insuffisants pour assurer la subsistance de tous jusqu'au moment de la délivrance espérée, tout au moins jusqu'à ce que la prolongation de la résistance ait sauvé l'honneur du pays, il faut d'abord choisir entre les différents moyens que proposent respectivement les économistes, la partie éclairée de la population et les agitateurs profitant de la crise pour essayer de tout démocratiser. Suivant ceux-ci, l'investissement assimile toute la ville à un vaisseau menacé de naufrage, où tous deviennent égaux pour le salut commun, de telle sorte qu'à défaut de commerce possible il faut une communauté réunisant toutes provisions et un rationnement égal pour tous, sans distinction ni exception: c'est une assimilation exagérée, d'où naîtraient des difficultés d'exécution insolubles, pour la réunion et la répartition. Un autre système est celui du maximum, à

14 Ce sujet a été traité dans une conférence publique, à l'École de droit de

décréter pour empêcher les accapareurs, ou détenteurs, d'étouffer la concurrence et d'élever trop les prix: il fut essayé à différentes époques et même en France, où la crainte d'une disette fit émettre la loi du 26 juillet 1793, bientôt reconnue mauvaise et rapportée 15. Pour les nécessiteux, au lieu d'une allocation en argent ou solde abusive, un système mixte est indiqué par l'expérience qu'en fit le gouvernement anglais, en 1847, pour nourrir pendant près d'un an des millions d'Irlandais affamés, et par les secours qu'ont ainsi donnés aux classes pauvres de Paris les fourneaux économiques, dus plus encore à la bienfaisance privée qu'à l'assistance publique. Pour les assiégés en masse, au lieu d'un réquisitionnement général mettant tout en commun et d'un rationnement qu'on qualifierait de « gratuit et obligatoire »>, il paraît préférable d'employer un système de réquisition spéciale et graduelle, donnant à l'administration le moyen d'obtenir et ensuite de distribuer par rations, au fur et à mesure des besoins, les choses nécessaires qui, sans cela, seraient cachées et ne se vendraient qu'à des prix excessifs.

En principe, ce système est légitimé par la nécessité et peut être appliqué sans violation d'aucun droit. L'utilité publique suffit pour des expropriations de biens-fonds, et la garantie légale de la propriété n'est pas violée lorsqu'il y a paiement d'indemnité. Le droit des gens lui-même admet, fût-ce vis-à-vis des neutres selon l'opinion dominante, l'espèce d'expropriation appelée préemption, lorsque les défenseurs du pays, ou l'ennemi occupant un territoire, ont absolument besoin de choses vénales qui se trouvent en ce lieu ou sur les

Paris, par M. Colmet de Santerre, professeur à la Faculté, ainsi que par M. Molinari dans la Revue des Deux-Mondes, cahiers des 1er janvier et 15 février 1871.

15 Voy. notre Répertoire général du droit criminel, vo Accaparement.

navires d'un port 16. Par la même raison, le gouvernement d'un pays doit être autorisé à mettre en réquisition, pour les nécessités des troupes ou de la population, les choses vénales étant détenues par des nationaux ou résidents, auxquels il en paiera le prix sur estimation régulière. Ce droit a été consacré, en France spécialement, par de nombreuses dispositions législatives et réglementaires, dont les principales se trouvent dans une loi du 19 brum. an III, qui a reçu son application à différentes époques "7. Ayant ainsi réquisitionné telle nature de denrées ou choses analogues, qui est devenue de nécessité absolue pour la population du lieu investi, ayant obligé les détenteurs à faire des déclarations et ensuite des livraisons qui la mettent en possession, l'administration est autorisée à instituer des distributeurs, à fixer des prix modérés et même à établir le mode ou les conditions d'un rationnement, devant procurer à ceux qui voudront y prendre part un supplément aux choses qu'ils continueront à se procurer chez d'autres détenteurs, conservant la liberté de concurrence. Vis-à-vis des distributeurs établis par l'administration et pour prévenir ou réprimer les fraudes, il conviert d'ajouter aux règles ordinaires sur la taxe une série de dispositions, avec sanction pénale, au moyen desquelles ces

16 Voy. nos explications sur les questions de préemption vis-à-vis des neutres et de réquisition par l'ennemi, chap. x, nos 3-6.

17 Suivant la loi du 19 brumaire an 11, art. 1o, ⚫ toutes denrées, subsistances et autres objets nécessaires aux besoins de la République, peuvent être mis en réquisition en son nom ». Les articles suivants ont exigé, pour empêcher l'arbitraire et d'autres abus, que la réquisition donnât des indications d'espèces, de quantités et de délais, puis réglé les formes administratives pour déclarations, réceptions et paiements. L'art. 14 a dit, pour la sanction des réquisitions: Tout citoyen sera tenu d'y satisfaire, sous peine de confiscation des objets requis. D'après les dispositions complémentaires et la jurisprudence, la confiscation spéciale ici édictée est une peine, devant être prononcée par les tribunaux correctionnels sur poursuites du ministère public avec procès-verbal et témoignages, sans la dénonciation qu'auraient provoquée d'autres lois ou systèmes.

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agents seraient réputés préposés, mandataires ou dépositaires, de telle sorte qu'il y aurait la garantie d'une forte pénalité contre des fraudes compromettant l'exactitude du rationnement quotidien 1.

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D'autres douleurs sont infligées par l'investissement aux familles dont les membres se trouvent séparés les uns des autres et privés de toutes communications, sans savoir même lesquels d'entre eux ont péri ou survécu. C'est une situation atroce, dont la prolongation viendrait en aide à la famine : aussi provoque-t-elle des recherches extraordinaires, qui aboutissent à certaines découvertes ou inventions qu'on peut citer comme un de ces effets merveilleux dont parlait J. de Maistre, attribuant à la guerre le don de surexciter le génie. Ces efforts de la science, concourant à la défense nationale avec les résultats que nous signalerons bientôt, sont trèsremarquables ainsi que l'a démontré une publication dans la Revue des Deux-Mondes, pendant l'investissement d'une capitale ayant plus de deux millions d'individus enfermés ". Citons ici, comme exemples, les inventions facilitant la sortie de plusieurs personnes à travers les airs, et surtout celles qui ont procuré des moyens de correspondance, par expédition de ballons montés, avec pigeons voyageurs, et par des dépêches microscopiques que rapportaient ces pigeons dans un tuyau de plume placé sous une aile ".

Quelles peines sont encourues pour infraction aux défenses résultant de l'investissement? Il faut distinguer, selon la qualité des personnes, le but de l'infraction et les circonstances. Tous militaires qui tenteraient de s'introduire dans

18 C'est ce qui, après tâtonnements ou hésitations, a été réglé par les dispositions ingénieuses d'un décret du Gouvernement de la défense nationale, du 10 novembre 1870 (Journ. du dr. crim., art. 9071, p. 11-13).

19 La science et la défense nationale, par Fernand Papillon (Revue des Deux-Mondes, 15 novembre 1870, p. 347-361).

20 Voy. notre chap. vi, no 4.

la place, en traversant les lignes, seraient faits prisonniers de guerre, s'ils étaient armés en combattants, que leur but fût d'augmenter le nombre des défenseurs ou bien d'apporter des nouvelles du dehors. Il en serait de même des courriers porteurs de dépêches, et des messagers chargés de commissions verbales, s'ils étaient armés et revêtus de l'uniforme national. Quant à ceux qui tenteraient de s'introduire furtivement sur le territoire occupé par l'ennemi, pour pénétrer ensuite dans la place et y donner des renseignements, ils seraient traités selon les circonstances dans lesquelles ils auraient été capturés, et l'espionnage prouvé pourrait les faire condamner à mort par un conseil de guerre (Voy. notre chap. vi, no 3). Dans quelle catégorie doivent être placées les personnes qui, voulant sortir de la place, montaient un ballon que les vents ou quelque autre accident ont fait tomber dans les lignes de l'ennemi? Suivant une interprétation allemande au moins extraordinaire, elles devraient être réputées coupables et punies selon les lois de la guerre; mais nous avons démontré qu'il n'y avait aucune infraction punissable, que tout au plus ces voyageurs pouvaient être faits prisonniers (chap. vi, no 4). Notre opinion est aussi celle du rédacteur en chef de la Revue de droit international publiée à Gand (Voy. infrà, no 12).

IV

9. C'est aux effets terribles d'un investissement complet et prolongé, bien plus qu'aux tentatives de siége et qu'au bombardement barbare, que n'a pu résister au delà de cinq mois la capitale de la France, qui s'est vue dans la dure nécessité de souscrire à d'exorbitantes conditions pour arriver à un traité de paix. Cet événement est si extraordinaire, que nous ne pouvons nous dispenser ici de quelques indications,

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