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gieusement la convention conclue sous les auspices du corps consulaire entier, c'est-à-dire à escorter avec tous les égards possibles les musulmans militaires et civils jusqu'à la forteresse, tandis que de la citadelle même et de certaines maisons turques on ne cessait de tirer sur la ville.

Les boutiques s'étaient rouvertes par ordre de l'autorité serbe ; à peu près tout ce qui porte régulièrement un fusil se mettait en marche pour escorter (en tournant le dos à la citadelle) le corps de deux officiers serbes tués dans la nuit précédente. Un parlementaire ture attendait à la police, avec le consul de Prusse et moi, l'arrivée de nos autres collègues, pour aller à la citadelle sur l'invitation du pacha. La veille, M. Longworth, à ma prière, avait été deux fois voir le pacha et en avait rapporté les engagements les plus rassurants. En plein jour, lorsque la lumière permettait de discerner clairement ce qui se passait, et que l'on ne pouvait avoir d'excuse dans le trouble de la nuit ou des événements, le pacha a ordonné un acte dont l'agression la plus menaçante et la plus folle n'aurait pas même justifié l'utilité.

XXV. Rapport du colonel H. Mondain, ministre de la guerre de Serbie, en date de Belgrade, le 27 juin 1862 (29 zilhidjé 1278).

La lutte engagée dans la soirée du dimanche, 3 juin, par suite de la provocation des nizams, ayant pris des proportions tout à fait sérieuses, je reçus de M. le président du conseil des ministres l'ordre de faire partir de la caserne deux compagnies d'infanterie pour les envoyer au secours de la police et l'aider à rétablir l'ordre troublé depuis quelques heures déjà. Il était alors onze heures environ. Je me rendis immédiatement de chez moi, où j'attendais des ordres depuis le commencement de la lutte, à la caserne où la troupe et tous les officiers disponibles réunis se trouvaient prêts et attendaient mes ordres depuis le moment où les premiers coups de feu s'étaient fait entendre dans l'intérieur de la ville. A mon arrivée, j'ordonnai au lieutenant-colonel Yokovitch d'envoyer tout de suite sur la grande place deux compagnies avec recommandation expresse de ne point se mêler à la lutte et de ne tirer que dans le cas où elles seraient attaquées. La première compagnie, forte de 116 hommes, et la compagnie de chasseurs de 128 hommes, réunies sous le commandement du capitaine Leschianine, quittèrent immédiatement la caserne et se rendirent au lieu indiqué, où je ne tardai pas à les suivre, accompagné du colonel Radisawe et du

major Alimpitch. Après avoir fait ranger les deux compagnies dans l'angle de la place, près du Primiritelni-soud (mairie), de manière à la tenir autant que possible à l'abri des feux qui pourraient être dirigés de la police turque occupée par les nizams, je me rendis, toujours accompagné des deux officiers supérieurs qui étaient venus de la caserne avec moi, chez le consul de France où se trouvaient réunis tous les consuls à l'exception de ceux d'Autriche et de Prusse, qui arrivèrent plus tard, le président du Sénat, le président du conseil des ministres et le ministre de l'intérieur. Les deux compagnies déjà arrivées en ville ayant été jugées insuffisantes pour le maintien de l'ordre, dès qu'il fut question des démarches faites par M. le consul d'Angleterre auprès du pacha pour effectuer la retraite des nizams dans la citadelle, le major Alimpitch fut envoyé à la caserne pour appeler en ville une troisième compagnie, qui arriva vers trois heures du matin, et vint sous le commandement du capitaine Vladimir Nicolitch, se réunir aux deux autres sur la place. Cette compagnie, formée d'hommes des 3° et 4° compagnies, présentait un effectif de 112 hommes. Peu de temps après son arrivée, aussitôt que le jour parut, et pendant que les consuls et le président du conseil étaient chez le pacha. pour régler les conditions auxquelles on pourrait prévenir de nouveaux malheurs, une fusillade vive partit de la police turque, occupée par des nizams, de la maison dépendante du Fékié occupée par des yerlis (bourgeois) et en même temps, on tirait de la forteresse même dans l'espace compris entre la Sawe et la place, au point que la rue même où se trouvait la demeure du consul de France était enfilée par les balles. Les trois compagnies, fidèles à la consigne donnée, s'abstinrent de répondre à ce feu, se massèrent en colonne serrée près de la maison Froukitch, et restèrent là dans le plus grand calme, attendant de nouveaux ordres.

Les choses étaient dans cet état, et la fusillade ne s'était pas ralentie un seul instant, lorsque vers cinq heures, et à la suite des démarches faites par M. le consul d'Angleterre, on vit arriver de la citadelle le caïmacam chargé de faire cesser le feu des nizams, et de déterminer leur retraite. Ils occupaient seulement Stambol et VidinKapou, la police et la caserne turque; depuis la veille au soir, ceux de Sawa et Varosch-Kapou s'étaient réglés sur la citadelle, et ces postes avaient été immédiatement occupés par les bourgeois armés, puis en partie démolis. Pendant les pourparlers entre le caïmacam, les consuls et les ministres réunis chez le consul de France, toutes les dispositions nécessaires furent prises pour assurer l'ordre et la tranquillité au moment de la retraite des nizams; et à cet effet une

section (vode) fut dirigée sur Sawa-Kapou, sous le commandement du capitaine V. Nicolitch. La fusillade continuait encore, et dans le mouvement opéré par cette section pour se rendre à son nouveau poste un soldat eut la jambe droite traversée par une balle partie, selon toute probabilité, du minaret qui est en arrière de la caserne turque.

Aussitôt qu'on eut obtenu par l'intervention simultanée du président du conseil des ministres et du caïmacam la cessation du feu sur la place, et l'assurance que la tranquillité ne serait pas troublée au moment du passage des nizams, la troupe et les citoyens armés, qui étaient arrivés sur la place depuis quelque temps, furent formés en haie pour maintenir l'ordre et protéger la retraite des nizams, qui s'effectua dans le plus grand silence et le plus grand calme, sans que la moindre menace, la moindre provocation leur fussent adressées ni de la part de la troupe ni de la part des bourgeois.

Peu de temps après cette retraite, suivie de celle des familles turques qui ne s'étaient pas réfugiées dans la citadelle pendant la nuit, la troupe occupait les positions suivantes :

Une section à Sawa-Kapou, une section à Stambol-Kapou, une autre de la même compagnie à la police turque, les deux autres sur la place. Une compagnie et trois sections, la plus grande partie sur la place, quelques sentinelles à l'entrée des rues étroites débouchant de la Tcharschies et de Zeïreck sur le Kalė-Meïdan, jusqu'à quatre heures de l'après-midi; les yerlis s'étant obstinément maintenus dans le Deort-Yol, en tirant continuellement des coups de fusil, on évita d'y envoyer de la troupe pour prévenir toute collision entre elle et les Turcs; les sentinelles ne dépassèrent pas Zeirek.

Pendant cette journée du 4, des patrouilles partant de ces diverses positions sillonnent la ville dans tous les sens et sans interruption: la tranquillité est maintenue sur tous les points avec le concours des citoyens sous le commandement du capitaine Georges Vlaïkovitch. La même vigilance se continue pendant la nuit; le calme n'a pas cessé un seul instant de régner. Le président du conseil, le ministre de l'intérieur, le ministre de la guerre avec le major Alimpitch, réunis à la police, reçoivent pendant toute la durée de la nuit les rapports les plus rassurants sur l'état de la ville. Dès que le jour paraît, les sentinelles, placées la veille à l'entrée des rues qui débouchent sur le Kalé-Meïdan, rallient les troupes stationnées sur la place et qui, pleines de confiance dans la tranquillité qui règne partout, n'ont d'autre préoccupation que de prendre du repos.

Partageant la même confiance, le ministre de la guerre quitte vers huit heures et demie la police, pour aller jusqu'à sa maison, laissant au major Alimpitch le commandement des troupes, dont le nombre monte à 356 hommes, formant trois faibles compagnies morcelées et disposées à peu près comme la veille, savoir:

1° La compagnie et les trois sections commandées par le capitaine Leschianine, au repos sur la place, près de la baraque établie depuis quelque temps pour un panorama ;

2o Deux sections de la compagnie de chasseurs, également au repos près de la maison Mischa en construction;

3o Une section de la même compagnie à Stambol-Kapou, et une autre à la place turque ;

4o Et une section à Sawa-Kapou.

L'ordre donné et souvent répété n'a pas été changé un seul moment l'unique mission de la troupe est toujours de venir en aide à la police pour le maintien de l'ordre dans la ville. C'est dans cet état de morcellement et de repos que le bombardement, précédé d'une vive fusillade, vient traîtreusement la surprendre vers neuf heures, au moment où le cortège funèbre de l'officier tué dans la soirée du dimanche vient de se mettre en marche ; deux de nos soldats sont, dès le début, frappés sur la place par des éclats d'obus; l'un est blessé grièvement à la cuisse droite. et l'autre est atteint également, mais d'une manière moins grave.

A partir de ce moment, le rôle de la troupe change; il ne s'agit plus seulement de maintenir l'ordre, cette tâche est devenue inutile, car les habitants se sont précipités de tous côtés pour fuir; il faut songer à se défendre contre une sortie possible de la garnison de la citadelle et chercher à inquiéter, si l'on peut, les canonniers turcs, pour les forcer à ralentir leur feu. Sous la direction du major Alimpitch, les troupes se sont, à cet effet, postées dans les positions suivantes :

Une fraction est postée à l'entrée de la rue au coin de laquelle se trouve la fontaine désignée sous le nom de Délina-Tchesmé ;

Trois autres fractions sont établies à l'entrée de chacune des rues étroites qui débouchent sur le Kalė-Méïdan, dans la partie comprise entre l'église et la rue de Bariak-Djami.

Des hommes, pris autant que possible parmi les meilleurs tireurs, sont disposés comme il suit, pour faire feu sur les embrasures et pour inquiéter les canonniers qui servent les pièces de la citadelle: à cet effet :

25 hommes, sous le commandement du lieutenant Néscha, sont placés dans le Seminar;

10 hommes sont embusqués à l'entrée de la petite rue, en avant de la maison Nicolaévitch, sous le commandement du lieutenant George Antitch;

Le même nombre d'hommes sont embusqués à l'entrée de la petite rue, en avant de la maison Garachanine;

20 à 25 hommes sont embusqués près des maisons Médevitch et Beschika.

Cependant des barricades commencent à s'élever, et, lorsque le ministre de la guerre, accompagné du major Zach, arrive sur les lieux vers onze heures, un certain nombre d'entre elles sont déjà en état de se protéger passablement contre des feux de mousqueterie; jusque-là, les outils ont manqué, et elles n'ont pu être établies qu'à l'aide des matériaux qu'on a trouvés sous la main. Mais bientôt le nombre des bras augmente par l'arrivée des paysans et des bourgeois qui sont revenus en ville après avoir mis leurs familles en sûreté ; des outils sont envoyés de la caserne, et au milieu de la canonnade qui dura jusque vers deux heures de l'après-midi, les les barricades se multiplient, se renforcent et s'étendent sur toute la ligne, depuis Sawa-Kapou jusqu'au Dort-Yol.

Tel est, dans la plus exacte vérité, l'ensemble des faits auxquels la troupe a participé depuis sa sortie de la caserne dans la soirée du dimanche 3, jusqu'à la fin du bombardement, dans l'aprèsmidi du 8, jusqu'au moment où le pacha, violant la parole qu'il avait donnée, a fait ouvrir le feu de la citadelle; elle n'a cessé d'observer religieusement la consigne exclusive qu'elle avait reçue de maintenir l'ordre ; partout et constamment, elle a été admirable d'obéissance, de sang-froid et de résignation. Plus tard, pendant le combat auquel on l'avait provoquée, elle a montré que son courage égale la patience dont elle avait fait preuve jusqu'au dernier moment. Après, comme avant la sauvage agression du commandant de la citadelle, elle a parfaitement connu son devoir, et n'a cessé, comme chacun le sait, de le remplir jusqu'à ce jour.

Je pense avoir suffisamment démontré que la tentative d'attaque inventée par les Turcs pour donner un prétexte à un acte digne des temps les plus barbares, était naturellement impossible, et le bon sens le plus vulgaire doit se révolter contre l'audace ou la folie d'une pareille imputation. Les témoignages ne manquent pas pour certifier que, jusqu'aux premiers coups de canon tirés de la citadelle, nos troupes sont restées dispersées comme il a été dit, et que pas un seul coup de fusil n'a été tiré par elles jusqu'à ce moment. En terminant ce rapport, interrompu plus de cinquante fois par les exigences incessantes de mon service, je proteste hautement

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