Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

DU

MINISTÈRE PUBLIC

ET DU

DROIT CRIMINEL

RECUEIL MENSUEL ET RAISONNÉ

DE JURISPRUDENCE, DE DOCTRINE ET DE LÉGISLATION

CONCERNANT LES ATTRIBUTIONS TANT ADMINISTRATIVES QUE JUDICIAIRES

[blocks in formation]

Avocat à la Cour d'Appel de Paris, Ancien Juge d'Instruction,

AVEC LE CONCOURS DE

M. Édouard SAUVEL

Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

ET DE PLUSIEURS MAGISTRATS

Recueil accompagné un Resume chronologique des circulaires,
instructions et décisions du Ministère de la justice.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][ocr errors]

ART. 3882.

INSTRUCTION CRIMINELLE, ACTION PUBLIQUE, ACTION CIVILE, MINEUR,
PRODIGUE, TUTEUR, CONSEIL JUDICIAIRE, MISE EN CAUSE.

Il n'y a obligation ni pour le ministère public dans l'exercice de l'action publique, ni pour la partie civile dans l'exercice de l'action civile suivie devant les juges de répression accessoirement à celle-là, contre un mineur ou un prodigue, d'appeler en cause le tuteur ou le conseil judiciaire du prévenu (Cod. instr. crim., 2 et 3).

(MIN. PUBL. ET VANNONI C. RECULARD.)

Le nommé Reculard, poursuivi par le ministère public sous l'inculpation des délits de vol et d'escroquerie à raison d'agissements auxquels il s'était livré vis-à-vis du sieur Vannoni, qui s'est porté partie civile, a opposé à la poursuite une exception tirée de ce que le conseil judiciaire dont il était pourvu n'avait pas été mis en

cause.

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL ; Statuant sur les conclusions déposées par Reculard: Attendu que le prévenu Rèculard invoque une exception tirée de ce que son conseil judiciaire n'a pas été mis en cause;

Mais attendu qu'aucune disposition du Code d'instruction criminelle n'impose au ministère public dans l'exercice de l'action publique, ou à la partie civile dans l'exercice de l'action civile suivie devant les tribunaux de répression accessoirement à la première, l'obligation d'appeler en cause le tuteur du mineur ou le conseil judiciaire du prodigue; que cela se comprend d'autant mieux que la partie civile ne poursuit pas l'exécution d'engagements personnels du prévenu, mais la réparation du préjudice causé par le délit qu'il a commis; que d'ailleurs, le prévenu mineur ou prodigue trouve des garanties suffisantes dans les formes que le Code d'instruction criminelle a établies dans l'intérêt de la défense;

Par ces motifs, rejette les conclusions comme mal fondées ; - Reçoit Vannoni partie civile intervenant dans la poursuite exercée à la requête du ministère public contre Reculard ; joint ladite intervention à la poursuite principale, et statuant sur le tout par un seul et même jugement; Attendu, en ce qui concerne l'inculpation de vol, que la prévention n'est pas suffisamment établie; — Renvoie en conséquence Reculard des fins de la poursuite sur ce chef;

[ocr errors]

Mais attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats qu'en mars 1895, à Boulogne-sur-Seine, en employant des manoeuvres frauduleuses

pour persuader l'espérance d'un événement chimérique, lesdites manœuvres ayant consisté en allégations mensongères appuyées par l'intervention d'un tiers et dans l'envoi de lettres et de dépêches faussement signées Languellier, avocat, dans le but d'inspirer confiance au sieur Vannoni et de donner crédit aux allégations mensongères, Reculard s'est fait remettre une somme de 200 francs par le sieur Vannoni, et a ainsi escroqué partie de la fortune d'autrui ;

Par ces motifs, condamne Reculard à quatre mois d'emprisonnement et à cinquante francs d'amende; et statuant sur les conclusions de la partie civile ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la restitution de la somme escroquée ; - Que, d'autre part, par suite des faits ci-dessus relatés, Vannoni a éprouvé un préjudice dont il lui est dû réparation, et que le tribunal a, dès à présent, les éléments suffisants pour en déterminer l'importance;

Condamne Reculard par toutes les voies de droit et même par corps à payer à Vannoni une somme de deux cents francs à titre de restitution et une autre somme de deux cents francs à titre de dommages-intérêts; - Le condamne en outre aux dépens.

DU 19 DÉCEMBRE 1896.— Trib. corr. de la Seine, 11e ch.-M. Lefresne, pr.

[ocr errors]

OBSERVATIONS. Que l'exercice de l'action publique contre un mineur ou un prodigue pourvu d'un conseil judiciaire ne soit pas subordonné à la mise en cause du tuteur ou du curateur, c'est ce qui ne saurait être contesté sérieusement et ce qu'admettent tous les auteurs. Mais en est-il de même de l'exercice de l'action civile ? Il existe, au contraire, sur ce point, une assez vive controverse. On dit, pour la négative, que l'action en dommages-intérêts, soit qu'on l'exerce devant la juridiction criminelle, soit qu'on la soumette à la juridiction civile, est toujours une action civile, qui doit être assujettie aux règles du droit civil comme toute autre action de cette nature, à défaut de disposition légale qui apporte une exception à ce principe. Il n'y a pas, en effet, de raison pour que la protection accordée par la loi au mineur et au prodigue devant les tribunaux civils sous la forme de l'assistance du tuteur ou du curateur, ne les couvre pas également devant les tribunaux civils. La nécessité de cette assistance, qui supplée à l'insuffisance de capacité chez le mineur ou le prodigue, s'impose dans tous les cas indistinctement où les intérêts de ceux-ci peuvent se trouver menacés. C'est bien assez de les soustraire à une protection si naturelle en face des poursuites du ministère public. Voy. F. Hélie, Théor. du Code pén., t. 1, n. 339; Dalloz, Répert.,

vo Instr. crim., n. 116 et 117; C. d'ass. de la Moselle, 1er août 1829; C. d'ass. du Haut-Rhin, 15 mars 1831. V. aussi Aubry et Rau, t. 1, p. 386, 387.

Mais, suivant une interprétation que je considère comme plus juridique, la dispense, pour la partie civile comme pour le ministère public, de mettre en cause, sur l'action exercée contre le mineur ou le prodigue, le représentant de l'un ou de l'autre, découle de la généralité des dispositions qui permettent d'exercer l'action civile devant les mêmes juges que ceux auxquels est dévolue la connaissance de l'action publique. Cette attribution de compétence n'admet aucune distinction entre l'accusé ou prévenu capable et celui qui ne l'est pas. Cette distinction, de l'aveu de tout le monde, n'a pas lieu relativement à l'exercice de l'action publique; pourquoi la ferait-on quand il s'agit d'exercer l'action civile, qui n'est qu'un accessoire de la première, alors que toutes les deux sont soumises à la même juridiction et aux mêmes formes de procédure? L'exception à la règle générale que l'on voudrait introduire en faveur du mineur ou du prodigue se concevrait d'autant moins que dans le cas auquel elle s'appliquerait, il ne s'agit que de la fortune de l'accusé ou prévenu. Tandis que dans l'hypothèse de l'exercice de l'action publique, qui exclut l'obligation de faire assister le mineur par son tuteur, le prodigue pourvu d'un conseil judiciaire par son curateur, c'est la liberté, l'honneur, la vie de l'accusé ou prévenu qu'a pour objet le débat. Non, le droit que la loi confère au plaignant de se porter partie civile en tout état de cause est absolu, et ne saurait recevoir une restriction que ne consacre aucun texte. En ce sens, Bruxelles, 6 novembre 1822; Grenoble, 4 mars 1835 (S. 35.2.308); Cass., 15 janvier 1846 (S. 46.1.489) et 29 mars 1849 (Bull. crim., no 87); Trib. corr. de Rouen, 19 avril 1866 (J. M. p. 200); Magnin, Minorités, t. 2, p. 191; Berriat Saint-Prix, Trib. de simple pol., n. 303; Rauter, Tr. de dr. crim., t. 2, n. 684 et 723; F. Hélie, Tr. d'instr. crim., t. 6, n. 2865; Demolombe, Tr. de la minorité etc., t. 1, n. 802 et suiv.; Vial, Journ. du Minist. publ., t. 6, p. 80; mon Mémor. du Minist. publ., vo Instr. crim., n. 72.

ני

A annoter au Mémorial, ibid.

« ZurückWeiter »