Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE

1. AC'H-AMEN, AC'HMEN

Le breton moderne ac'h-amen, ac'hmen « fi! » (ac'hmen << exclamation de mépris, de dégoût », note manuscrite de G. Milin sur le dictionnaire breton-français de Troude) est expliqué, Mémoires de la Société de linguistique de Paris, XI, 100, comme composé de l'interjection de même sens ac'h et de amen, mot hébreu que l'Eglise emploie à la fin des prières. Cette explication est confirmée par une locution du vieux français dont voici des exemples (Les quinze joyes du mariage, seconde édition de la Bibliothèque elzévirienne, Paris, 1857, pp. 51 et 128):

Ha a! fait-il, mauldit soit le villain chatrin! Amen, fait-elle car nous ne pouvons durer avecques luy en nostre

meson ».

[ocr errors]

«<- Ha a! par le Sacrement Dieu, je ne cuidasse jamès qu'il venist à icelle heure, car oncques mès je ne lui vi faire le tour qu'il fist que maudit soit-il de Dieu! Amen, font-elles ».

Les éléments qui composent ac'h-amen pouvaient sans doute être de même séparés, et répartis entre deux interlocuteurs.

2. KEIN GAR; KOF GAR

1. Deux lexicographes bretons, D. Le Pelletier et Troude, ont été surpris que dans cette langue le devant de la jambe en soit appelé le « dos ».

Le premier, après avoir cité comme vannetaise l'expression kein ar-gar, ajoute que « ce... n'est pas bien entendu ». Le second donne : « Kein-ar-c'har... A la lettre, dos de la jambe, parce que le mollet s'appelle kof-gar, ventre de la jambe. C'est une idée bizarre »; « Kof-gar... par opposition à kein ar c'har, dos de la jambe, qui se dit pour désigner le devant de la jambe >>.

La source de Le Pelletier a été le dictionnaire vannetaisfrançais de Châlons, qui a quein er gar et cein garre; le dictionnaire français-vannetais de l'A*** porte de même quein er garre, et le dictionnaire franç.-van. manuscrit de Châlons quein... er gar. Ainsi c'est par inadvertance que Pel. a donné à l'article la forme léonaise ar.

Le Gonidec, ne tenant compte que de cette forme erronée, a inséré dans son dictionnaire français-breton kein-gar, kein ar c'hár, ce qui doit être l'origine des articles précités de Troude.

2. L'expression vannetaise kein er har n'est pas si isolée qu'on l'a cru: le languedocien dit de même lou dos de la cambo (Mistral, Le Trésor du félibrige). Il faut entendre par le van. kein et le languedocien dos, non « la partie postérieure », mais «< l'arête opposée à une partie renflée », comme en franç. dans « le dos du nez », « dos d'âne ». C'est aussi le sens du synonyme breton klupen, etc.; voir n° 4.

3. Quant à kof-gar, dans le Nomenclator de 1633 coff an garr « le mol de la iambe », p. 25, dans Roussel ms cof gar, cof ar c'har, chez le P. Grégoire coff an garr « le gras de la jambe », en vannetais coff er garre l'A., etc., en breton moyen coff an garr, littéralement « le ventre de la jambe », on retrouve la même figure, non seulement dans le gallois croth y goes, croth coes, croth esgair, bol y goes et le cornique belgar, mais aussi dans le grec yaoτpozvýμn, -xvnpiæ, -xvńpov (« Cruris pars posterior..., quæ est Pulpa quasi ventricosa cruris », Thesaurus d'Henri Estienne; « la partie

pansue de la jambe », Dictionnaire de Bailly). Ce mot a suggéré à Lucien le trait suivant de son Histoire véritable (1, 22) : <«< Je vais vous dire ce que j'ai vu de nouveau et d'extraordinaire (1) pendant mon séjour dans la lune... Le sexe féminin y est complètement inconnu... Ce n'est point dans le ventre qu'ils portent leurs enfants, mais dans le mollet... La jambe grossit; ensuite, au moyen d'incisions, ils en retirent les enfants morts, et les font vivre en les exposant au vent, la bouche ouverte. C'est de là, je crois, qu'est venu aux Grecs le nom de γαστροκνημία (ventre de la jambe). »

Un emploi assez voisin du mot coff se montre dans l'expression coff an brach (= « le ventre du bras »), par laquelle le Nomenclator traduit, p. 23, le latin lacertus et le français la souris du bras.

3. KET

1. La négation est renforcée en bret. moderne par le mot ket, ked pas, point, dont les variantes sont : qet, qed par k plus ou moins palatal; van. chet, ched après un s, qui peut disparaître n'es chet, n'e chet il n'y a pas, de n'es ket, n'eus ket (comme dischen descendre, de disken, cf. Revue celtique, III, 49, 54, etc.); ke, qe, che devant une consonne, cf. Rev. celt., III, 49, 56, 57: n'el que trompein il ne peut tromper Chocs a gannenneu, Vannes, 1835, p. 31. Le dialecte de Batz (presqu'ile du Croisic, Loire-Inférieure) dit keit, kei, cheit, chei : em-pachei blen =*hemb pas chet blank « sans-pas-point(2) (de) sou »

(1) Kaiva nai napadoα. Il est curieux de voir, peu après ce fantastique « secret d'accouchement nouveau », l'auteur ranger dans la même catégorie un autre paradoxe dont la science moderne a fait une réalité : « Leur boisson est de l'air pressé (anǹp àñoßhбóμevos) dans une coupe, où il se résout en une sorte

de rosée. »

(2) Pa-chei(t) = *pas ket est un de ces composés hybrides de synonymes bretons et français qui ont été signalés, Mém. Soc. ling., X, 329, 330, et Rev. celt., XX, 239; on peut ajouter encore, en petit Tréguier, ec'h-kaka! caca, c'est sale! (aux petits enfants). Dans (eur) banac'h la-gout (boire) la goutte, le cas est peut-être différent, car on peut entendre a une goutte » banac'h, « d'eaude-vie D (seul sens de la-gout, cf. Rev. celt., VII, 44).

Rev. celt., VIII, 527, et ki dans kimi seulement, Rev. celt., XIII, 349, de ket (ne)met, pas sinon, cf. ne mès quet de hum guemér Meit dohein-mé me hunan je n'ai à m'en prendre qu'à moi seul, Choas, 51; n'en doé ket mui... nameit il n'avait plus que, ab. Buléon Histoér sañtél, Vannes, 1896, p. 28. Ket modifie rarement un infinitif; voir Rev. Celt. XIII, 352.

2. Ce mot ket a aussi le sens de « rien» lacqât da guet, caçz da netra, van. caçz de qet, laqat de netra anéantir, réduire au néant P. Grégoire de Rostrenen, cass' de quet, de guet atterrer Châlons, dictionnaire van.-franç. manuscrit, etc., voir mon Glossaire moy.-bret., 2o édition, p. 552. Dans mabdén e zou ket-ha-nitra è kever en Eutru Doué l'homme est un pur néant devant Dieu Hist. sañt., 155, il faut peut-être entendre << autant que rien », pour kehet.

3. En bret. moyen, quet veut dire également (ne) pas, (ne) point; il présente une fois la variante quez dans hep quezquen à côté de hep quet quen sans (pas) plus. Cette prononciation, bien que contredite par la rime, a dû être réelle. Elle se retrouve dans plusieurs composés de quet, avec, qui parait originairement identique à quet pas (proprement «<< du tout », cf. gall. i gyd ensemble, ce qui explique des locutions fréquentes où quet ressemble à un explétif); voir Mémoires de la Société de linguistique de Paris, X, 341.

4. Ket « pas, point », étant inconnu aux autres langues celtiques, on peut être tenté de lui chercher une origine romane, à cause de cet article de l'instructif Glossaire du Bas-Maine de M. Dottin: « Kèt, pas jn ātā kèt, je n'entends pas (S'Pierre-des-Landes, Mayenne) (1) ».

Mais c'est, au contraire, ce mot qui vient du breton; et je doute qu'il soit employé en dehors de cette locution, que les Gallos sont habitués à entendre de la bouche des bretonnants.

(1) L'emploi de kèt ne m'a été signalé que dans cette expression (G. Dottin).

En voici des preuves :

«< A toutes les questions..., il ne répondait que ces mots : Entent-quet ar gallec » (expliqués en note : « Je n'entends pas le français >>).

A. BOUET, Revue bretonne, t. I, Brest, 1843, p. 237. « Je suis réduit à dire ce qui me fut souvent répondu lorsque je faisais entendre à ces oreilles bretonnes une interrogation en langue française n'antand quet, n'antand quet.

Abbé DELALANDE, Houat et Hodic, p. 76.

Le texte français de la chanson J'suis né natif du Finistère contient aussi les mots n'entend-ket! n'entend-ket! Dans la traduction bretonne qu'en a faite G. Milin sous le titre Soudard Kastel-Paol (sur feuille volante, Brest, chez J. B. Lefournier aîné), une note dit, p. 1, que cette chanson est attribuée, ainsi que l'air, à Me De Kerusoret, qui l'aurait composée avant 1830, « à l'occasion du départ pour l'armée d'un de ses domestiques, nommé Ivonik, qui vit encore. » Une seconde note, p. 2, a rapport au texte français n'entend-ket! n'entend-ket! qui est rendu par ne d-ann ket, ne d-ann ket: « Madame De Kerusoret savait le breton et traduisait la réponse de son garçon : Ne d-ann ket! ne d-ann ket! Je ne vais pas! je ne vais pas! par les mots que les Français disent, lorsqu'ils veulent exprimer qu'ils ne comprennent pas. N'est-ce pas une petite malice à l'adresse de ceux qui ignorent la langue de leur pays? » Cette interprétation me semble inexacte. En tout cas, il y a un quiproquo franco-breton dans n'añtañ ket, qui doit être un mélange de n'intentan ket et de (je) n'entends pas.

-

Une traduction bretonne plus ancienne de la même chanson, parue à Morlaix, chez A. Lédan, intitulée Ar c'hleuz alaouret hac an tour dantelezet (4 pages, suivies de Chanson ar Bonomic), porte plus exactement, p. 1: Oh! n'antàn qet, n'antan qet, n'antàn qet, et p. 2: n'antàn get!

>>

Dans « l'Epilogue de la première journée de Sainte-Tryphine composé et traduit par Luzel (Annexes aux comptes-rendus

« ZurückWeiter »