Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

LES TRADITIONS POPULAIRES

DU PAYS DE DOL

(Suite)

La cathédrale de Dol.

Elle a sa légende et ses traditions, dont j'ai déjà noté la meilleure partie (Rev. des Tradit. popul., t. VIII, p. 35).

Voici encore ce que j'ai appris sur la tour du sud, ou tour des cloches.

L'ouvrier qui construisit la cage supérieure de l'horloge avait parmi ses aides son jeune fils. Celui-ci, à cause de son agilité, fut choisi pour placer le coq au sommet. Enfonce-le bien au milieu, cria le père. A cette parole, l'enfant tourna la tête, perdit l'équilibre et se brisa au pied de la cathédrale.

L'on raconte aussi qu'à l'arrivée de Le Coz dans cette église, la grosse cloche nommée Saint-Samson se fêla tout à coup et qu'à partir de ce moment il fut impossible de lui faire rendre aucun son. C'était sa manière de maudire l'évêque constitutionnel de Rennes!

Notre-Dame de Dol.

Tel est le nom que le peuple donne à une statue très vénérée, placée à gauche de la chapelle de la Sainte-Vierge.

[ocr errors]

D'après quelques-uns, cette statue dans le goût des deux derniers siècles - provient de l'ancien jubé de la cathédrale, démoli pendant la Révolution; d'après une tradition plus sérieuse,

elle provient de l'ancienne église romane dite « église NotreDame de Dol. »

En tout cas, cette statue cachée soigneusement dans un grenier pendant la tourmente fut apportée dans la cathédrale, au commencement du siècle, avec les plus grands honneurs.

Les reliques de Dol.

L'église de Dol se flattait de posséder les reliques les plus rares et les plus précieuses : des langes de l'Enfant-Jésus, des os des apôtres, de saint Joseph, de saint Jean-Baptiste, des dents de sainte Catherine; sans parler de morceaux inestimables du chêne d'Abraham et des côtes des saints Innocents. Ajoutez les restes des saints bretons, le chef vénéré de sainte Marguerite et sa ceinture... J'en passe et des meilleurs (1).

Les reliques de sainte Marguerite, en particulier, étaient très honorées, car une pièce (2) que j'ai trouvée aux archives de Saint-Lo montre que l'on venait prêter serment, à Dol, sur la tête de cette bienheureuse.

Aujourd'hui ses reliques servent pour la délivrance des femmes enceintes.

L'on ne s'étonnera donc point que les reliques de Dol eussent une fête spéciale. Elle se célébrait, d'après les ordonnances diocésaines, le lundi de la quatrième semaine après l'octave de Pâques. En ce jour, une procession de temps immémorial réunissait à la ville épiscopale vingt-deux paroisses (quelquesuns disent trente-deux paroisses). L'an 1791, elle eut une physionomie inaccoutumée.

L'on se demandait d'abord, avec inquiétude, si la cérémonie traditionnelle aurait lieu. L'évêque était parti, le chapitre était dissous, la religion était officielle. Mais la municipalité qui n'était pas archi-révolutionnaire et craignait de froisser trop vivement

(1) Voir Guillotin de Corson, Pouillé de Rennes, I, pp. 529-535.

(2) Datée du mois de juillet 1223.

la population s'entendit à ce sujet avec les ecclésiastiques assermentés et il fut résolu que tout se passerait comme à l'ordinaire.

Le cortège se forme suivant les us et coutumes, c'est-à-dire qu'un appel nominal fait prendre à chaque paroisse le rang qui lui convient (1). Premier incident on appelle Carfantin. Personne ne répond. En vain l'on crie trois fois «< Carfantin metstoi en procession. » Le recteur empêche son trésorier et ses porte-croix et bannières d'entrer dans les rangs, parce que l'on violait pour la première fois la dignité du petit bourg, en ne disant pas d'après l'antique usage « Carfantin le Noble (2). »

La procession est en marche. A peine se trouvait-elle à quelque distance de l'église de Notre-Dame qu'un deuxième incident surgit. Les bénédictines dont la chapelle était sur le parcours manquent aux usages en ne sonnant pas leurs cloches. On les avertit. Mais « ces saintes béates » refusent nettement. Monsieur le maire fort irrité répare de suite le scandale d'un tel incivisme en donnant l'ordre d'entrer dans la communauté et de sonner sur-le-champ. « Ce qui fut exécuté bon gré mal gré. » - La procession est enfin rentrée. - Et la municipalité, de retour à la maison commune, prend un arrêté contre les cloches dudit couvent. On décida qu'elles ne troubleraient plus « le repos des citoyens pour le service privé de ces dames turbulentes et qu'en conséquence les battans en seraient apportés à la maison de ville (3).

>>

(A suivre).

(1) a Quant aux processions des reliques et de sainte Anne, nous ordonnons aux recteurs et trésoriers, porte-croix et bannières, obligés d'ancienneté de s'y trouver, de marcher et faire marcher leurs croix et bannières dans l'ordre où ils sont appelés suivant l'usage et la coûtume. D (Statuts et ordonnances de Mgr l'Illustrissime et Reverendissime Messire Jean-Louis de Bouschet de Sourches, évêque et comte de Dol... chez Julien Mesnier, libraire à Dol. MDCCXLI. Statut XLIII).

(2) Tradition orale que j'ai consignée dans Henri de Kerbeuzec Locutions populaires de Dol (Rennes, 1794, article seignorise).

(3) a Journal des départements, districts et municipalités de la ci-devant province de Bretagne; par une société de patriotes, » no du 27 mai 1791.

COMPTES RENDUS

Hipp. LUCAS Choix de poésies, par M. Léo Lucas (Alph. Lemerre, 1898). Correspondance pendant le Siège et la Commune (Vannes, Lafolye, 1900).

Je suis très en retard envers cet aimable poète, dont j'avais promis de parler. Que M. Léo Lucas veuille bien me pardonner; je n'ai pas oublié ma promesse. Mais parfois les circonstances sont plus fortes que les meilleures volontés, et l'on est obligé de différer ce qu'on a résolu de faire. Je compte réparer aujourd'hui mon involontaire négligence.

S'il est d'ailleurs une publication où le nom d'Hippolyte Lucas doive être prononcé avec estime et respect, c'est bien les Annales de Bretagne. Il y a plusieurs années, M. Julien Duchesne, notre vénéré prédécesseur, à M. Rébelliau et à moi, donnait aux Annales une pièce de vers composée en l'honneur d'Hipp. Lucas, à l'occasion de la saint Hippolyte, fête que la famille du poète célèbre chaque année au Temple du Cerisier, près de Rennes. Dois-je rappeler que le 13 août 1892, M. Duchesne était déjà gravement atteint du mal qui devait l'emporter quelques semaines plus tard? M. Duchesne était resté poète; moi, je ne suis qu'un critique; mais je sais encore goûter les vers des poètes gracieux et délicats, tels que fut Hippolyte Lucas.

Le petit volume que M. Léo Lucas consacre à la mémoire de son père comprend : 1° un choix de poésies amoureuses tirées des Heures d'amour, recueil qui eut cinq éditions; 2° un choix de Dernières poésies, élégies, pièces bretonnes, méditations d'un caractère philosophique; 3o quelques brèves nouvelles en prose, vivement écrites d'une plume alerte et où l'on reconnaît l'esprit incisif de l'humoriste habile à observer et à rendre. C'est une pensée de touchante piété

[ocr errors]

filiale qui a inspiré la publication de ce livre. M. Léo Lucas a pensé que « l'heure était venue de dégager la partie essentielle » de l'œuvre du poète et d'exécuter par avance « ce travail de sélection » qui permet à la postérité, souvent oublieuse ou négligente, d'apprécier le talent des écrivains disparus.

Les Heures d'amour, c'est le roman d'amour du jeune homme; c'est la première révélation de la vie passionnelle avec ses inquiétudes, ses joies, ses épreuves, ses désillusions. Le poète exprime avec sincérité les émotions de son cœur

Tumultueux comme les vagues

Qui vont aux pieds des rocs se briser tour à tour (p. 23)

Son livre nous présente « une sorte de poème en trois chants, intitulés Désirs, Ivresse, Regrets, la trilogie éternelle de l'amour. >>

Les « Désirs du poète rencontrent naturellement une certaine résistance; mais, nous le pressentons, les «< refus » qu'il éprouve ne dureront pas toujours:

S'il n'est point de pardon pour mes lèvres brùlantes,
Pressant dans nos adieux vos mains toutes tremblantes,
Quand nous nous séparons, diriez-vous: A demain! (p. 32)

Bientôt en effet s'exhalent les « Ivresses » de l'amour heureux; avec quel tact, quelle réserve, quelle chasteté d'expression, on ne peut trop en louer le poète. Au contraire des passions actuelles, qui s'étalent avec impudeur et s'expriment avec brutalité, ici la passion s'enveloppe de silence, de mystère, d'un demi-jour plein de charme :

Comme une faible source au fond des bois perdue,

Quand, sous un dais de fleurs, l'onde, à peine entendue,
Sur un tapis de mousse en silence s'enfuit,

Le bonheur ne dit mot..... (p. 52)

Il se tait discrètement; ou bien c'est un hymne d'Adoration qu'il chante :

L'amour, l'amour est saint: dans notre vie amère,
Dieu lui-même a versé cette goutte de miel;

« ZurückWeiter »