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LE CULTE DE SAINT
SAINT MÉDARD

Dans le diocèse de Nantes et dans l'Ouest

Il y a dans l'histoire de l'Eglise primitive en Gaule deux faits assez bizarres à signaler aux chercheurs. Le premier, c'est l'inclination des populations vers le culte des saints d'origine lointaine ou leur indifférence instinctive pour les saints locaux, à moins que ceux-ci ne fussent des apôtres voyageurs ou constructeurs 1; le second, c'est l'universalité du zèle des missionnaires qui fondent des églises ou des abbayes 2. Quels noms sont plus vénérables que ceux de saint Clair, de saint Similien et de saint Donatien ? Il semble que de nombreuses églises du diocèse de Nantes auraient dû rechercher leur patronage et se parer de l'une ou l'autre de ces invocations. Il n'en fut rien pourtant. Le premier, saint Clair, n'était honoré, comme les Enfants Nantais, que dans quelques chapelles rurales; et saint Similien comme saint Félix, en dehors de la ville de Nantes, étaient à peine connus 3. D'autre part, nous relevons sur le fronton de beaucoup d'églises des noms de personnages

1. Comme saint Martin, abbé de Vertou.

2. Saint Savin du Poitou est allé se retirer dans la vallée d'Argelez; saint Amand du Poitou est allé mourir en Brabant; saint Filibert est venu de Neustrie mourir en Poitou.

3. Saint-Clair de Plessé et Saint-Clair de Saillé sont des chapelles; Saint-Clair de Nantes est une église moderne comme Saint-Félix de Barbin.

lointains qui ont franchi de grands espaces pour venir jusqu'à nous. Saint Géréon de la légion thébaine, saint Martin de Tours, saint Lyphard d'Orléans, saint Germain de Paris, saint Hermeland de Noyon, sur la rive droite, saint Hilaire sur la rive gauche, appartenaient à des régions éloignées, et pourtant ils ont joui chez nous d'une grande popularité dont il serait facile de citer des traits. Contentons-nous, pour aujourd'hui, de parler de saint Médard, le fameux évêque de Soissons, qui vivait au VI° siècle, et dont le tombeau fut honoré presque à l'égal du tombeau de saint Martin de Tours. Pour que ses restes fussent dignement protégés, les rois Clotaire et Sigebert avaient pris soin d'élever à Soissons, tout exprès, une abbaye qui devint un foyer de prosélytisme et une pépinière d'apôtres dès le début 1. Au IX° siècle, le même saint était toujours en si grande faveur, que les empereurs Charlemagne et Louis le Pieux entreprirent la reconstruction d'une basilique somptueuse dont la crypte est toujours visible. On jugera de la popularité de saint Médard en feuilletant le dictionnaire des lieux habités de la France, qui ne contient pas moins de 72 localités inscrites sous son nom 2; on doublerait peut-être ce chiffre si on cherchait, dans la liste des églises, les autels majeurs érigés à sa mémoire.

Le culte de saint Médard s'est répandu dans l'ouest comme dans toutes les parties de la France, avec le concours de nos rois mérovingiens, qui voyaient sans doute dans cette propagande un moyen d'étendre leur influence au loin, car en adoptant saint Médard, on acceptait en même temps l'affiliation à l'église de Soissons. On peut supposer sans témérité qu'il a pris naissance au VIII° siècle

1. Lefèvre-Pontalis, l'Architecture religieuse dans l'ancien diocèse de Soissons. Paris, Plon, 1897, gr. in-4°.

2. Voir le Dictionnaire des Postes.

au plus tard dans le diocèse de Nantes, car on le trouve à Angers, dans le courant du VII° siècle. Il est avéré que l'abbaye de Saint-Serge d'Angers, fondée par Clovis II, était sous l'invocation de saint Médard dans le principe 1.

Chez nous, l'attestation la plus ancienne est du règne de Charlemagne 2. On sait que ce prince concéda à l'abbaye de Soissons le territoire de la paroisse de Saint-Donatien, et qu'à la suite de cette donation, l'église de Saint-Médard de Doulon fut érigée à peu près telle que nous la voyons, sauf le clocher. Le pignon de l'est, avec son appareil et ses chaînes de briques, porte bien le cachet des constructions carolingiennes et confirmerait au besoin notre interprétation, si le texte disparaissait.

Saint-Mars-du-Désert et Saint-Mars-la-Jaille, deux autres paroisses de la rive droite, sont encore des églises qu'on peut regarder comme des filles directes de Soissons ou des dérivations de l'abbaye de Saint-Donatien qui avait la conduite de Doulon.

Nous ne pourrions arriver à une plus grande précision sur l'âge de ces deux paroisses que si nous étions renseignés sur les tombeaux exhumés de leur cimetière, or on a négligé jusqu'ici l'étude comparative des inhumations dans le diocèse de Nantes, question pourtant très importante pour la solution des problèmes de chronologie.

Les textes favorisent nos conjectures. Dans un titre de 1123, l'église de Saint-Mars-du-Désert est désignée sous le

1. «Monasterium primo dedicatum est in honorem sancti Sergii et domini Medardi, ut fert diploma Childeberti II. » (Hist. abb. Sancti Sergii, auctore dom Fournereau).

2. « Ursio obtinuit a Carolo magno nondum imperatore preceptum immunitatis instar illius quod Chlotarius quondam eidem basilicae concesserat. Idem Carolus abbatiam SS. martyrum Donatiani et Rogatiani in pago Nannetensi ab ipso fundatam, sancto Medardo contulisse dicitur » (Gallia Christ., vide dioc. Suessionnensis abbatias). On a trouvé des tombeaux en ardoise à Doulon, autour de l'église.

titre de Sanctus Medardus 1, et, par une circonstance heureuse, le rédacteur de l'acte ajoute : « cum insula petrosa, » l'île Saint-Denis, qui est voisine et qui renfermait un grand nombre de tombeaux faits avec des tables d'ardoise, système de sépulture bien antérieur à l'an Mil, employé dans nos plus vieilles paroisses.

Pour Saint-Mars-la-Jaille, il n'y a pas d'autre argument à citer qu'un texte de 1243, mais il est formel. La paroisse est désignée au XIII° siècle sous l'appellation significative de Sanctus Medardus l'Oliver qu'on a traduit par SaintMars l'olivier, pendant plusieurs siècles, jusqu'au jour où la Jaille, nom du château voisin sans doute, est venu remplacer la forme antique.

M. de la Nicollière, archiviste de la ville de Nantes, dans une étude récente sur l'épiscopat douteux d'un personnage obscur du diocèse de Rennes, appelé Mars (Marsus ou Martius en latin), a laissé croire à ses lecteurs que son culte avait pu entrer en concurrence avec celui de saint Médard, et la citation de Fevrier de Mars personnage du XI° siècle, lui a paru bonne à produire comme renseignement 2. Il y a là une erreur qu'il était facile d'éviter en lisant le long chapitre que j'ai consacré jadis à Petit-Mars, localité antique, pleine de ruines romaines, où le culte de Mars était en honneur 3. Ma thèse a été démontrée par des fouilles et des résultats admis par tous les archéologues compétents; elle explique pourquoi la paroisse porta le nom de Mars, puis celui de Petit-Mars. Februarius de Martio doit donc se

1. Dom Morice, Histoire de Bretagne, Preuves, I, col. 547-549. J'ai vu de mes yeux ces tombeaux tout autour de l'habitation de M. Roussier. Sur l'église et le cimetière du bourg, je n'ai pas de renseiguements.

2. Voir Revue historique de l'Ouest, 1899, 2o et 8o livraisons, saint Mars, évêque de Nantes.

3. Mars a été très honoré en Gaule dans les forêts, notamment dans la forêt de Haye (Journal de la Soc. d'Archéol. et du comité du Musée lorrain. Nancy, 1866, in-8°). Léon Maître, Géographie hist. et descriptive de la Loire-Inférieure, t. I, p. 1-28.

traduire sans hésitation par Febvrier, seigneur de PetitMars 1.

Nous sommes forcés d'entrer dans tous ces détails et de multiplier nos citations, parce que quelques auteurs, trompés par les apparences, ou peu familiarisés avec les déformations que subissent nécessairement les noms à travers les âges, pourraient compliquer ce problème historique en semant des doutes dans notre histoire religieuse. Il ne faut pas se lasser de répéter que saint Mars et saint Médard sont un seul et même personnage, une seule et même invocation, deux traductions du seul texte Sanctus Medardus. La déformation est aussi naturelle que le changement de Medericus en saint Merry, de Saturninus en Sernin, de Desiderius en Didier.

La question d'orthographe est tout à fait accessoire dans la recherche qui nous occupe; elle n'arrête que les débutants qui n'ont jamais vu les parchemins originaux. Rien n'est plus variable que la méthode ou la rédaction des anciens annalistes, ils écrivent toujours comme ils entendent, sans se soucier de l'exactitude, et sans prendre soin de remonter aux sources, absolument comme les facteurs des Postes et les chefs de gare ont transformé Châteauceau en Champtoceaux.

Si nous n'avions que les nomenclatures anciennes pour résoudre les problèmes historiques, nous tomberions dans des difficultés inextricables car elles changent de forme de siècle en siècle et suivent tous les caprices des rédacteurs qui n'écoutent, le plus souvent, que leur imagination.

Le diocèse de Rennes, qui, lui aussi, avait ses fidèles au culte de saint Médard, au moins dans deux paroisses, à Saint-Médard-sur-Ille et à Saint-Médard-le-Blanc 2, aujour

1. Dom Morice, Hist. de Bretagne, Preuves, cite encore Gauscelin, Vivien Philippe et Brient de Mars, t. I, col. 437, 524 et 696.

2. C'est l'orthographe de 1603 (Arch. de la Loire-Inférieure, B 1380).

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