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1808.

digne favori eut peur, et fit rendre la liberté au prince, sans pouvoir rétablir la paix ni la confiance entre le père et le fils.

Napoléon, qui favorisoit secrètement ces désordres, et qui paroissoit les voir avec une douleur hypocrite, offrit publiquement sa médiation, afin de les faire cesser: et lorsqu'il vit que l'irritation de part et d'autre étoit portée à son plus haut degré, il donna l'ordre à une armée de soixante mille hommes, qu'il tenoit prête au pied des Pyrénées, de passer la frontière et d'entrer en Espagne, avec la seule précaution de tromper les trois parties intéressées par trois versions différentes: en disant au roi, que cette armée étoit entièrement à sa disposition, et le défendroit contre les entreprises séditieuses de son fils; à son fils, qu'elle étoit destinée à le protéger, ou à le venger des outrages d'un insolent favori; et à celui-ci, qu'elle marchoit en Portugal pour le conquérir, et y fonder une principauté héréditaire en sa faveur.

Cependant, ne se fiant que médiocrement au succès de cette triple imposture, il crut, en cas d'un mécompte et d'un revers, devoir ménager une retraite assurée à cette armée, qu'il lançoit inconsidérément au milieu d'un peuple endormi, mais qui pouvoit se réveiller. II s'empara, moitié par ruse, moitié par force, des forteresses de Pampelune, de St.-Sébastien, de Roses, de Figuerres et de Barcelonne : c'étoit s'emparer de toutes les clefs du pays.

La conséquence immédiate de ces hostilités, faites sans motif et sans déclaration de guerre contre une nation généreuse, amie et sans défiance, fut de la soulever tout entière. Elle courut aux armes, demanda vengeance, et

parut disposée à se la faire elle-même, si elle étoit abandonnée de ses chefs naturels.

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Ceux-ci prirent enfin une attitude plus convenable; Conféils rassemblèrent des forces, et demandèrent à Napo- rences de Bayonne. léon une explication, qu'il consentit à leur donner, en assignant Baïonne pour le lieu des conférences que cette explication rendoit nécessaires entre lui et la famille royale: c'étoit un nouveau piège qu'il leur tendoit.

Le roi d'Espagne, le prince des Asturies et le favori arrivèrent à Bayonne, s'accusant les uns les autres, mais s'accordant à faire de Napoléon le juge de griefs, que toutes les raisons de prudence et de politique leur conseilloient de renfermer au fond de leurs cœurs, ou dans l'enceinte du palais. Le roi porta contre son fils une accusation capitale; le jeune prince fit retomber l'accusation sur la tête du favori. Le favori se justifia, en sacrifiant toute la famille à Napoléon. Celui-ci parut les écouter tous avec le même intérêt; et, après les avoir bien entendus, après les avoir irrités de plus en plus les uns contre les autres, il termina ce scandaleux procès, en déclarant toutes les parties coupables, en les faisant arrêter comme prisonniers d'état, et en les condamnant à être renfermés, savoir, le vieux roi et son indigne favori à Compiègne, le prince Ferdinand et son jeune frère, don Carlos, à Valencey (dans le Berry).

Un si grand attentat mit le comble à l'indignation des Espagnols: ils jurèrent de le venger, et de ne jamais se soumettre au perfide qui l'avoit commis; ils firent à toutes les nations un appel, auquel les Anglois seuls répondirent avec une générosité digne d'un peuple libre.

Les Anglois reconnurent dans l'entreprise de Napo

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léon un crime dont l'impunité entraîneroit le renversement de tout ordre politique, et jugèrent dans leur intérêt qu'ils ne devoient rien négliger pour la faire échouer. Tous les hommes éclairés de l'Europe prévirent de leur côté que la guerre d'Espagne ne finiroit qu'avec l'Espagne elle-même, ou avec la puissance de Napoléon. Il n'y eut pas un François de bonne foi qui n'improuvât cette guerre impie; il n'y en a pas un qui n'ait réclamé pour la nation espagnole des droits dont nous avions patiemment souffert d'être dépouillés nous-mêmes.

Mais à quoi ces réclamations pouvoient-elles servir, et à qui s'adressoient-elles, sous un prince qui n'écoutoit personne, et dont les arrêts étoient irrévocables?

Tandis que son orgueil se repaissoit de l'idée d'ajouter une nouvelle couronne à celles qu'il avoit déja usurpées, ses armées exécutoient fidélement ses ordres : son beaufrère, Murat, entroit à Madrid, et noyoit dans leur sang les malheureux habitants de cette ville qui n'avoient voulu se laisser ni intimider par ses menaces, ni séduire par ses promesses.

Son frère Joseph reçut l'ordre de quitter le trône de Naples pour aller s'asseoir sur celui d'Espagne. Il arriva sous les auspices les plus funestes, à travers un pays couvert de cendres, au milieu des cris de rage et de désespoir, et malgré le vœu et la résistance de tous ses habitants.

Nous laisserons à d'autres le soin de transmettre à la postérité les actes d'un règne qui n'eût été qu'une mauvaise et plate comédie, si les scènes sanglantes au milieu desquelles il s'écoula tout entier n'en avoient fait une tragédie non moins horrible que toutes celles de la famille des Atrides. ...

*

Les événements que nous sommes condamnés à dé

crire sont trop graves pour nous permettre la moindre digression sur la vie privée de Joseph et de Jérôme Buonaparte, qui ont apparu dans le monde comme des rois de théâtre, et qui ont joué dans leurs palais des rôles de sardanapales.

Il n'entre pas davantage dans notre plan de suivre les détails de ce long et malheureux épisode de l'histoire de Napoléon.

Les alternatives fréquentes de victoires et de défaites qui distinguent cette guerre impie de toutes les autres, les places fortes prises et reprises, les villes saccagées, les autels dépouillés, les femmes massacrées sur les corps de leurs époux, les filles outragées par des soldats ivres de sang et de débauche; les marches savantes des généraux anglois et espagnols opposées à l'impétuosité des François; les attaques imprévues de ceux-ci déconcertant l'habile tactique du moderne Fabius (1); des sièges dont la moindre affaire étoit une action d'éclat, le siége de Saragosse sur-tout, qui fut la mémorable, la terrible répétition de celui de Sagonte......; quels tableaux ! que de nobles faits d'armes confondus avec les ignobles effets de la vengeance et du fanatisme! Les malheurs furent égaux des deux côtés ; des deux côtés la bravoure fut égale. L'opiniâtre courage de l'Espagnol balançoit la valeur éclairée des François ; mais la gloire fut bien différente. Y a-t-il de la gloire dans l'injustice? Battus ou vainqueurs, les Espagnols n'ont jamais désespéré de leur cause. Cette confiance étoit le prix de leur dévouement; elle fut couronnée du succès.

De tous les écrits, documents, mémoires et manifestes qui ont été publiés de part et d'autre sur cette

(1) Le duc de Wellington.

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1808. guerre, nous ne rapporterons que le manifeste de la junte et de la nation espagnole à l'Europe. C'est le cri de la vérité; c'est de plus une pièce historique.

Manifeste de la

junte es

Manifeste de la junte et de la nation espagnole à l'Europe.

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« Nations, peuples de l'Europe, princes qui les gouvernez, hommes de bien de toutes les classes et de tous pagnole. les états, la nation espagnole, et en son nom la junte suprême, à qui l'autorité a été confiée depuis l'injuste et perfide captivité de son roi, va manifester à vos yeux la série de malheurs et d'outrages qu'elle a soufferts. En vous faisant une peinture fidèle de sa situation et de ses desseins, elle réclame avec confiance et votre compassion sur son infortune, et votre intérêt sur son sort futur.

« L'univers est témoin de l'attachement constant que l'Espagne a eu pour la France. La guerre, la paix, les alliances, les relations, tout étoit commun entre elles. La révolution a rompu ces liens........... A une guerre désastreuse succéda une honteuse paix, et à cette paix une alliance inégale.

Depuis ce moment l'Espagne, attachée au char de la France, a été forcée d'en suivre servilement les violents et rapides mouvements.

(On retrace ici le tableau des immenses avantages que la France recueilloit de son alliance avec l'Espagne; ensuite le détail des manoeuvres concertées entre le cabinet des Tuileries et le prince de la Paix, à l'effet de semer la division dans la famille royale, et de trouver dans cette division un prétexte et le moyen de s'emparer du pays :) le manifeste continue:

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