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Adresse de la Chambre de Valachie au prince Couza ponr la réunion des deux Chambres, votée le 9 avril 1861, par 30 voix contre 11 abstentions.

Prince, parmi les questions les plus graves et les plus vitales dont les Principautés demandent une solution aussi mûre qu'urgente, assurément la loi rurale réclame la première place.

Une expérience de deux années a convaincu tout le pays de toutes les difficultés, de tous les obstacles, de tous les retards que rencontre toute question grave, toute question d'intérêt commun, quand il faut la traiter d'après le mode suivi jusqu'à présent.

Les différents ministères de Votre Altesse, tant de Valachie que de Moldavie, n'ont pas pu ne pas constater, ce que les Chambres et tout le pays ont su et reconnu depuis longtemps, que, discutant et votant séparément, c'est-à-dire à Bucharest et à Jassy, les lois qui doivent être unes et égales pour les deux Principautés, il est sinon impossible, du moins bien difficile d'arriver au développement et à l'application des réformes comprises dans la Convention du 7/19 août 1858.

Mais si la nécessité de réunir en un corps tous les mandataires de la nation roumaine est sentie de tout le monde, et reconnue même par les conseillers du Trône, c'est surtout dans la discussion de la loi rurale, qui met en jeu les plus grands intérêts du pays, et nous pouvons dire aussi sa prospérité et son avenir.

Respectant les limites et la compétence que la Convention lui a prescrites, l'Assemblée élective ne peut s'empêcher d'exposer à Votre Altesse, en toute sincérité, que la solution de la question rurale ne peut se faire en même temps et d'une manière définitive et utile que par la réunion des Chambres.

Mandataires de la nation, nous plaçons dans le cœur et les sentiments patriotiques de Votre Altesse, toutes nos espérances les plus chères et les plus légitimes, mais nous croyons remplir un devoir sacré envers la nation et envers Votre Altesse, en lui exprimant notre vif désir de voir le plus tôt possible l'union des Chambres, afin de débattre et de décider la grande question qui préoccupe aujourd'hui tout le pays.

Que Dieu prolonge et bénisse les jours de Votre Altesse !

Ouverture à Bucharest de l'Assemblée législative de Valachie, le 22 avril 1861.

Mémoire adressé par le prince Couza à M. Negri, agent des Principautés à Constantinople, transmis le 1er mai 1861 au ministre de la Porte à l'étranger.

Monsieur,

Lorsqu'aux Conférences de Paris de 1856 on eut mis sur le tapis la question de la réunion de la Moldavie et de la Valachie, et qu'en se fondant sur l'utilité et la convenance de prendre en sérieuse considération les vœux des populations dont, suivant la remarque de lord Clarendon, il est toujours bon de tenir compte, on eut proposé et admis ensuite de consulter les Principautés à propos de leur future organisation, un indicible mouvement d'attente et d'espoir se manifesta d'un bout du pays à l'autre. L'arrivée des Commissaires des hautes Puissances contractantes et l'ouverture des Divans ad hoc qui suivirent de près le Traité du 30 mars, furent saluées par des acclamations enthousiastes et unanimes. On croyait déjà toucher chez nous à la réalisation du rêve séculaire dont naguère encore on avait à peine osé admettre la possibilité.

La Convention conclue plus tard, le 19 août 1858, pour la réorganisation définitive des Principautés, n'a malheureusement pas répondu complétement à toutes les espérances que le Traité de Paris avait fait concevoir aux Roumains. Le sentiment national se sentit arrêté et enchaîné dans son élan. Malgré les grands principes civilisateurs qu'il proclame et qui assurent à ses auteurs des titres impérissables à notre reconnaissance, cet acte ne pouvait pas répondre à toutes les nécessités politiques de notre position sociale. Dans le dualisme qu'il maintient à côté des stipulations destinées à cimenter l'union; dans le mécanisme compliqué de deux Gouvernements distincts, devant cependant marcher de concert, la nation roumaine ne vit qu'un problème impossible à résoudre. Elle ne pouvait espérer une marche unie et parallèle des deux hospodars et des deux assemblées générales, car les uns et les autres pouvaient essentiellement différer d'opinion et de tendances et imprimer aux Gouvernements des deux Principautés des directions de plus en plus divergentes que l'action unificatrice de la commission centrale ne serait jamais parvenue à rapprocher. Au bout de la pénible expérience que les Roumains auraient faite ainsi de la forme gouvernementale hybride qui a prévalu dans la Convention, ils n'entrevoyaient donc qu'une triste et irréparable séparation.

Le vote du 24 janvier 1859, qui appela à l'hospodarat de Valachie l'élu de la Moldavie, n'a été que la réaction impérieuse de l'instinct national qu'il n'était plus permis à aucune assemblée représentative

de méconnaître impunément. Il ranima les espérances déçues, car ce vote faisait au moins croire à la possibilité de mettre à exécution le mécanisme gouvernemental de la Convention, et marquait une première étape vers le but désiré.

Le mouvement des esprits poussait alors violemment les Roumains à avancer jusqu'au bout dans la voie de l'union, et ils étaient encouragés dans cette tendance par les complications survenues en Italie, qui semblaient plus que jamais favoriser leurs vœux.

J'eus alors le courage de résister à l'entraînement presque général de més compatriotes. Tout en partageant et en chérissant moi-même leur religion politique, j'ai dû reculer devant la responsabilité que j'aurais assumée en jouant sur une seule carte la position que les Puissances avaient faite aux Principautés-Unies, quelque insuffisante quelle fût à notre gré. Je ne voulus point hasarder les titres que nous pouvions avoir à leur sollicitude ultérieure, en prenant une initiative qui remettrait tout en question, et dont rien ne garantissait le succès, et je résolus d'attendre avec confiance la décision de l'aréopage europeen. Je crois avoir bien mérité de ma patrie et de l'Europe, en maintenant dans cette circonstance l'ordre et la tranquillité dans les Principautés-Unies, toutes prêtes à se lancer dans les incertitudes d'un mouvement qui menaçait de compliquer la guerre d'Italie d'une grave conflagration orientale.

Cette détermination, dictée par la prudence autant que par le respect des intentions qui avaient présidé à la Convention du 19 août, exposait cependant mon Gouvernement, dès son debut, à de trèsgrands inconvénients intérieurs. Ma double élection avait été le résultat d'un mouvement national; elle était fondée sur la confiance que mes convictions bien connues inspiraient à mes compatriotes; j'étais pour ainsi dire et j'étais toujours lié d'honneur à faire prévaloir ces convictions.

Appelé à réorganiser le pays par l'application des principes civilisateurs de la Convention, et à déraciner les tenaces abus d'un passé déplorable, j'avais de plus besoin de tout le prestige que la foi générale dans le patriotisme de l'élu de la nation pouvait seule me conserver. Or, en commençant par résister à l'élan national qui, peu disposé à tenir compte des motifs d'opportunité ou de danger, me pressait d'achever sur-le-champ l'œuvre de l'union, je devais craindre de m'aliéner la confiance qui m'avait élevé.

Pour bien apprécier les difficultés de ma position, il est nécessaire de se représenter les circonstances qui ont accompagné et suivi le vote du 24 janvier. En posant des conditions accessibles au grand nombre, la Convention avait ouvert la perspective de l'hospodarat à une foule de candidats entourés chacun d'un certain nombre de clients. Par

mon élection, bien des aspirants ont dû se trouver blessés, et l'on sait combien les plaies faites à l'amour-propre sont lentes à se cicatriser, et combien les rancunes qui en naissent sont vivaces et irréconciliables. Les difficultés que la reconnaissance de la double élection avaient rencontrées auprès de quelques cabinets, ne permettaient pas de croire à l'unanimité des sympathies des Puissances pour la double élection; ces difficultés devaient donc encourager certains esprits, même après l'obtention de l'investiture de la Sublime-Porte, à susciter des embarras au nouvel ordre de choses, afin de le discréditer aux yeux de la nation et de l'Europe et de faciliter par là un revirement éventuel.

Le mécanisme compliqué de la machine gouvernementale instituée par la Convention, les difficultés d'exécution qui en seraient résultées même entre des mains moins novices, et, j'en suis persuadé, même sans le dérangement de quelques-uns de ses rouages par le fait de la double élection, offraient d'ailleurs aux mécontents autant d'occasions. précieuses pour entraver la marche de mon Gouvernement. Il y fant joindre les dispositions électorales annexées à la convention, lesquelles, concentrant la représentation nationale entre un petit nombre d'anciens privilégiés, pour la plupart très-sensibles à la perte de leurs prérogatives, fournissaient aux mécontents des prétextes d'opposition légaux, sinon sincères, et toujours retentissants. C'est de la tribune des Chambres électives et des fauteuils de la commission centrale qu'on en appela en effet d'une manière plus ou moins couverte, tantôt aux intérêts exclusifs et aux regrets de la classe jadis privilégiée, tantôt aux aspirations unionistes, flattant les uns par les obstacles jetés à la réalisation des réformes conventionnelles, et cherchant à pousser les autres dans des exagérations dangereuses ou inopportunes, afin de me mettre dans l'alternative de léser ou la Convention ou le sentiment national. Le projet de constitution élaboré par la commission centrale en est une preuve. C'est ainsi que je fus obligé de dissoudre les Chambres, ces mêmes Chambres qui, suivant le mouvement national, avaient cependant réuni sur ma tête les couronnes des deux Principautés.

On l'a dit et répété souvent, la Convention du 19 août, étant le résultat d'un compromis entre des opinions et des intérêts différents, n'est pas exempte de contradictions et permet dans plusieurs points des interprétations contraires. En comparant, par exemple, le principe posé par l'article 14 l'hospodar gouverne avec le concours de ses Ministres, avec la maxime connue des États constitutionnels : le roi règne et ne gouverne pas, on serait porté à croire que la Convention a voulu accorder à l'hospodar une plus grande latitude d'action que ne le comporte généralement le régime parlementaire procédant de la souveraineté

nationale. Dans une époque de réorganisation et de lutte contre les abus et une corruption invétérée, une pareille latitude semble en effet être une condition essentielle de succès pour un Gouvernement honnête. L'article 15 de la Convention, au contraire, établissant la responsabilité des Ministres que les déréglements du passé rendent malheureusement chez nous plus indispensable encore qu'ailleurs, paraît donner la prépondérance à la représentation nationale appelée à contrôler l'action des Ministres, et à les mettre même, le cas échéant, en accusation.

Je suis loin de me plaindre des bornes posées aux excès du pouvoir exécutif et de nier l'utilité de confier, dans les circonstances normales, au pouvoir législatif toutes les armes dont jouissent les parlements assis sur une souveraineté nationale incontestée. Qu'on se représente cependant l'usage que peut faire de ces armes une assemblée dont la majorité se compose d'anciens privilégiés regrettant le passé, et conduite habituellement par des ci-devant aspirants au trône, et on comprendra les pénibles tiraillements parlementaires auxquels l'ordre des choses créé par la Convention du 19 août s'est vu exposé dès son début. Nos jeunes assemblées n'ont en effet épargné au Gouvernement aucune des chicanes parlementaires connues. Elles ont largement usé du droit d'interpellation à propos des plus minces objets; elles ont prodigué les votes de blâme ou de méfiance contre les Ministres qui ne flattaient pas certains intérêts exclusifs ou leur faisaient obstacle. Elles ont essayé même de les traduire en accusation, interprétant à leur manière l'article 47 de la Convention. Cet article établissant que, dans les dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations conventionnelles, l'ancienne législation devra être maintenue jusqu'à ce qu'il ait été procédé à sa révision, mon ministère en Moldavie s'était prévalu de la restriction statuée dans cet article pour procéder immédiatement, par des règlements, à l'application de certaines dispositions claires et péremptoires de la Convention, et concernant surtout l'extension des impôts déjà existants à la classe jusqu'ici exemptée. Une pareille mesure parut d'autant plus indispensable, que l'attente des lois organiques aurait trop longtemps retardé, grâce à la lenteur de nos formes législatives, la réalisation de l'une des promesses les plus populaires de la Convention; l'égalité devant l'impôt. Il n'en fallut pas cependant davantage pour motiver un acte d'accusation formel contre mon ministère de Jassy, se réduisant ensuite, de la part de la Chambre, en un vote de désapprobation qui amena la chute du ministère. Mais cette tactique des mécontents n'aboutissant pas toujours ou menaçant de les trop compromettre aux yeux de la nation impatiente de ces escarmouches parlementaires sans résultats, ils ont recours, dans d'autres cas, à une force d'inertie impossible à remuer. Ils traînent

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