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d'un autre côté, on ne saurait méconnaître ce qu'il y a d'anormal dans la situation d'une puissance qui, pour se maintenir, a besoin d'être soutenue par des troupes étrangères.

M. le comte Walewski n'hésite pas à déclarer, et il espère que M. le comte de Buol s'associera en tout ce qui concerne l'Autriche à cette déclaration, que non-seulement la France est prête à retirer ses troupes, mais qu'elle appelle de tous ses vœux le moment où elle pourra le faire sans compromettre la tranquillité intérieure du pays et l'autorité du gouvernement pontifical, à la prospérité duquel l'Empereur, son auguste souverain, ne cessera jamais de prendre le plus vifintérêt.

M. le premier Plénipotentiaire de la France représente combien il est à désirer, dans l'intérêt de l'équilibre européen, que le gouvernement romain se consolide assez fortement pour que les troupes françaises et autrichiennes puissent évacuer sans inconvénient les États pontificaux, et il croit qu'un vou exprimé dans ce sens pourrait ne pas être sans utilité. Il ne doute pas, dans tous les cas, que les assurances qui seraient données par la France et par l'Autriche sur leurs intentions à cet égard ne produisent partout une impression favorable.

Poursuivant le même ordre d'idées, M. le comte Walewski se demande s'il n'est pas à souhaiter que certains gouvernements de la péninsule italique, appelant à eux, par des actes de clémence bien entendus, les esprits égarés et non pervertis, mettent fin à un système qui va directement contre son but, et qui, au lieu d'atteindre les ennemis de l'ordre, a pour effet d'affaiblir les gouvernements et de donner des partisans à la démagogie. Dans son opinion, ce serait rendre un service signalé au gouvernement des Deux-Siciles, aussi bien qu'à la cause de l'ordre dans la péninsule italienne, que d'éclairer ce gouvernement sur la fausse voie dans laquelle il s'est engagé. Il pense que des avertissements conçus dans ce sens et provenant des Puissances représentées au Congrès seraient d'autant mieux accueillis, que le Cabinet napolitain ne saurait mettre en doute les motifs qui les auraient dictés.

M. le premier Plénipotentiaire de la France appelle ensuite l'attention du Congrès sur un sujet qui, bien que concernant plus particulièrement la France, n'en est pas moins d'un intérêt réel pour toutes les Puissances européennes. Il croit superflu de dire qu'on imprime chaque jour en Belgique les publications les plus injurieuses, les plus hostiles, contre la France et son gouvernement; qu'on y prêche ouvertement la révolte et l'assassinat. Il rappelle que récemment encore des journaux belges ont osé préconiser la société dite la Marianne, dont on sait les tendances et l'objet; que toutes ces publications sont

autant de machines de guerre dirigées contre le repos et la tranquillité intérieure de la France par les ennemis de l'ordre social, qui, forts de l'impunité qu'ils trouvent à l'abri de la législation belge, nourrissent l'espoir de parvenir à réaliser leurs coupables desseins.

M. le comte Walewski déclare que l'unique désir du gouvernement de l'Empereur est de conserver les meilleurs rapports avec la Belgique. Il se hâte d'ajouter que la France n'a qu'à se louer du cabinet de Bruxelles et de ses efforts pour atténuer un état de choses qu'il n'est pas à même de changer, sa législation ne lui permettant ni de réprimer les excès de la presse ni de prendre l'initiative d'une réforme devenue absolument indispensable. « Nous regrettons, dit-il, d'être placés dans l'obligation de faire comprendre nous-mêmes à la Belgique la nécessité rigoureuse de modifier une législation qui ne permet pas à son gouvernement de remplir le premier des devoirs internationaux, celui de ne pas tolérer chez soi des menées ayant pour but avoué de porter atteinte à la tranquillité des États voisins. Les représentations du plus fort au moins fort ressemblent trop à la menace pour que nous ne cherchions pas à éviter d'y avoir recours. Si les représentants des grandes Puissances de l'Europe, appréciant, au même point de vue que nous, cette nécessité, jugeaient opportun d'émettre leur opinion à cet égard, il est probable que le gouvernement belge, s'appuyant sur la grande majorité du pays, se trouverait en mesure de mettre fin à un état de choses qui ne peut manquer, tôt ou tard, de faire naître des difficultés et même des dangers, qu'il est de l'intérêt de la Belgique de conjurer d'avance. »

M. le comte Walewski propose au Congrès de terminer son œuvre par une déclaration qui constituerait un progrès notable dans le droit international, et qui serait accueillie par le monde entier avec un sentiment de vive reconnaissance.

• Le Congrès de Wetsphalie, ajoute-t-il, a consacré la liberté de conscience; le Congrès de Vienne, l'abolition de la traite des noirs et la liberté de la navigation des fleuves.

«Il serait digne du Congrès de Paris de mettre fin à de trop longues dissidences en posant les bases d'un droit maritime uniforme en temps de guerre. Les quatre principes suivants atteindraient complétement ce but :

« 1° Abolition de la course;

2o Le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, excepté la contrebande de guerre;

« 3° La marchandise neutre, excepté la contrebande de guerre, n'est pas saisissable même sous pavillon ennemi;

<< 4° Les blocus ne sont obligatoires qu'autant qu'ils sont effec

tifs.

M. le comte de Clarendon, partageant les opinions émises par M. le comte Walewski, déclare que, comme la France, l'Angleterre entend rappeler les troupes qu'elle a été dans l'obligation d'envoyer en Grèce, dès qu'elle pourra le faire sans inconvénient pour la tranquillité publique; mais qu'il faut d'abord combiner des garanties solides pour le maintien d'un ordre de choses satisfaisant. Selon lui, les Puissances protectrices pourront s'entendre sur le remède qu'il est indispensable d'apporter à un système préjudiciable au pays, et qui s'est complétement éloigné du but qu'elles s'étaient proposé en y établissant une monarchie indépendante, pour le bien-être et la prospérité du peuple grec.

M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne rappelle que le Traité du 30 mars ouvre une ère nouvelle; que, ainsi que l'Empereur le disait au Congrès, en le recevant après la signature du Traité, cette ère est celle de la paix; mais que, pour être conséquent, on ne devait rien négliger pour rendre cette paix solide et durable; que, représentant les principales puissances de l'Europe, le Congrès manquerait à son devoir, si, en se séparant, il consacrait par son silence des situations qui nuisent à l'équilibre politique, et qui sont loin de mettre la paix à l'abri de tout danger dans un des pays les plus intéressants de l'Europe.

« Nous venons, continue M. le comte de Clarendon, de pourvoir à l'évacuation des différents territoires occupés par les armées étrangères pendant la guerre; nous venons de prendre l'engagement solennel d'effectuer cette évacuation dans le plus bref délai; comment pourrions-nous ne pas nous préoccuper des occupations qui ont eu lieu avant la guerre, et nous abstenir de rechercher les moyens d'y mettre fin? »

M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne ne croit pas utile de s'enquérir des causes qui ont amené des armées étrangères sur plusieurs points de l'Italie; mais il pense qu'en admettant même que ces causes étaient légitimes, il n'est pas moins vrai qu'il en résulte un état anormal, irrégulier, qui ne peut être justifié que par une nécessité extrême, et qui doit cesser dès que cette nécessité ne se fait plus impérieusement sentir; que, cependant, si on ne travaille pas à mettre un terme à cette nécessité, elle continuera d'exister; que, si on se contente de s'appuyer sur la force armée, au lieu de chercher à porter remède aux justes causes du mécontentement, il est certain qu'on rendra permanent un système peu honorable pour les gouvernements et regrettable pour les peuples. Il pense que

l'administration des États romains offre des inconvénients d'où peuvent naître des dangers que le Congrès a le droit de chercher à conjurer; que les négliger, ce serait s'exposer à travailler au profit de la révolution que tous les gouvernements condamnent et veulent prévenir. Le problème, qu'il est urgent de résoudre, consiste à combiner, selon lui, la retraite des troupes étrangères avec le maintien de la tranquillité, et cette solution repose dans l'organisation d'une administration qui, en faisant renaître la confiance, rendrait le gouvernement indépendant de l'appui étranger; cet appui ne réussissant jamais à maintenir un gouvernement auquel le sentiment public est hostile, il en résulterait, dans son opinion, un rôle que la France et l'Autriche ne voudraient pas accepter pour leurs armées. Pour le bien-être des États pontificaux, comme dans l'intérêt de l'autorité souveraine du Pape, il serait donc utile, selon lui, de recommander la sécularisation du gouvernement et l'organisation d'un système administratif en harmonie avec l'esprit du siècle et ayant pour but le bonheur du peuple. Il admet que cette réforme présenterait peut-être à Rome, même en ce moment, certaines difficultés; mais il croit qu'elle pourrait s'accomplir facilement dans les Légations.

M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne fait remarquer que depuis huit ans Bologne est en état de siége, et que les campagnes sont tourmentées par le brigandage. On peut espérer, pense-t-il, qu'en constituant dans cette partie des États romains un régime administratif et judiciaire à la fois laïque et séparé, et qu'en y organisant une force armée nationale, la sécurité et la confiance s'y rétabliraient rapidement, et que les troupes autrichiennes pour. raient se retirer avant peu sans qu'on eût à redouter le retour de nouvelles agitations; c'est du moins une expérience qu'à son sens on devrait tenter, et ce remède offert à des maux incontestables devrait être soumis par le Congrès à la sérieuse considération du Pape.

En ce qui concerne le gouvernement napolitain, M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne désire imiter l'exemple que lui a donné M. le comte Walewski, en passant sous silence des actes qui ont eu un si fâcheux retentissement. Il est d'avis qu'on doit sans nul doute reconnaître en principe qu'aucun gouvernement n'a le droit d'intervenir dans les affaires intérieures des autres États; mais il croit qu'il est des cas où l'exception à cette règle devient également un droit et un devoir. Le gouvernement napolitain lui semble avoir conféré ce droit et imposé ce devoir à l'Europe; et, puisque les gouvernements représentés au Congrès veulent tous, au même degré, soutenir le principe monarchique et repousser la révolution, on doit élever la voix contre un système qui entretient au sein des masses, au

lieu de chercher à l'apaiser, l'effervescence révolutionnaire. « Nous ne voulons pas, dit-il, que la paix soit troublée, et il n'y a pas de paix sans justice; nous devons donc faire parvenir au roi de Naples le vœu du Congrès pour l'amélioration de son système de gouvernement, vœu qui ne saurait rester stérile, et lui demander une amnistie en faveur des personnes qui ont été condamnées, ou qui sont détenues sans jugement pour délits politiques. >>

Quant aux observations présentées par M. le comte Walewski sur les excès de la presse belge, et les dangers qui en résultent pour les pays limitrophes, les Plénipotentiaires de l'Angleterre en reconnaissent l'importance; mais, représentants d'un pays où une presse libre et indépendante est, pour ainsi dire, une des institutions fondamentales, ils ne sauraient s'associer à des mesures de coercition contre la presse d'un autre État. M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, en déplorant la violence à laquelle se livrent certains organes de la presse belge, n'hésite pas à déclarer que les auteurs des exécrables doctrines auxquelles faisait allusion M. le comte Walewski, que les hommes qui prêchent l'assassinat comme moyen d'atteindre un but politique, sont indignes de la protection qui garantit à la presse sa liberté et son indépendance.

En terminant, M. le comte de Clarendon rappelle qu'ainsi que la France, l'Angleterre, au commencement de la guerre, a cherché par tous les moyens à en atténuer les effets, et que, dans ce but, elle a renoncé, au profit des neutres, durant la lutte qui vient de cesser, à des principes qu'elle avait jusque-là invariablement maintenus. Il ajoute que l'Angleterre est disposée à y renoncer définitivement, pourvu que la course soit également abolie pour toujours; que la course n'est autre chose qu'une piraterie organisée et légale, que les corsaires sont un des plus grands fléaux de la guerre, et que notre état de civilisation et d'humanité exige qu'il soit mis fin à un système qui n'est plus de notre temps. Si le Congrès tout entier se ralliait à la proposition de M. le comte Walewski, il serait bien entendu qu'elle n'engagerait qu'à l'égard des puissances qui auraient accédé, et qu'elle ne pourrait être invoquée par les gouvernements qui auraient refusé de s'y associer.

M. le comte Orloff fait observer que les pouvoirs dont il a été muni ayant pour objet unique le rétablissement de la paix, il ne se croit pas autorisé à prendre part à une discussion que ses instructions n'ont pas pu prévoir.

M. le comte de Buol se félicite de voir les gouvernements de France et d'Angleterre disposés à mettre fin aussi promptement que possible à l'occupation de la Grèce. L'Autriche, assure-t-il, forme les vœux

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