Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

No 62. LE COMTE DE CHAUDORDY A M. TISSOT, A LONDRES.

Tours, le 29 novembre 1870.

Monsieur, comme je vous l'ai mandé hier par le télégraphe, M. l'ambassadeur d'Angleterre est venu dans la matinée nous proposer, de la la part de son gouvernement, la réunion d'une Conférence pour examiner la question soulevée par la Russie relativement au Traité de 1856, et qui serait composée des représentants des Etats signataires de cet acte international. Les décisions qui pourraient être prises ne devraient pas être préjugées à l'avance par les réserves d'aucune des Puissances. Le cabinet de Londres déclarait exclu, comme siége de cette réunion, Saint-Pétersbourg, et écartait, par réciprocité, Constinople. Paris ne pouvait être choisi par suite des circonstances actuelles; il en était de même de Berlin, et, dès lors, le Gouvernement britannique proposait Vienne, Florence ou Londres, comme capitales d'États signataires, ou bien Bruxelles, La Haye ou Berne.

Telle était la proposition anglaise. Je devais donner une réponse ce matin à M. l'ambasseur d'Angleterre, pensant que la Délégation se réunirait pour examiner la question. Cette réunion n'a pas eu lieu, MM. Crémieux et Glais-Bizoin n'ayant pas pu être de retour d'Orléans où ils s'étaient rendus. Les deux autres membres de la délégation auxquels j'avais fait part de la démarche de lord Lyons étaient personnellement d'avis d'accepter. Mais, le soir, j'ai reçu le télégramme ci-joint de Florence, dont je vous ai donné connaissance. Ensuite m'est parvenue une autre dépêche télégraphique de Vienne dont je vous envoie également copie. Il en résulte que la proposition de la Conférence est une proposition prussienne et que c'est la Prusse qui la présente aux grandes Puissances.

Lord Lyons a bien voulu, du reste, me faire part, dans l'entrevue que je viens d'avoir avec lui, d'une nouvelle communication qu'il avait reçue de Londres et qui semblait donner ce sens à la proposition qu'il était venu me faire la veille, sauf qu'elle aurait été amendée par l'Angleterre.

Les membres de la délégation, qui doivent se réunir aujourd'hui en conseil, en délibèreront. S'il y a lieu, je vous transmettrai immédiatement ce qu'ils auront décidé; mais vous comprenez d'avance l'embarras où nous jette la position qui nous est faite. Nous étions prêts à adhérer à une proposition émanant de l'Angleterre. Pouvons-nous agir de même vis-à-vis d'une proposition prussienne? Nous nous sommes abstenus de prendre un parti jusqu'à présent au sujet des dépêches russes, et il eût été préférable de laisser à l'une des Puis

sances neutres le soin de nous appeler à examiner cette affaire..... Vous voudrez bien entretenir lord Granville de ces impressions en !ui faisant remarquer les difficultés où nous nous trouvons placés; mais vous ajouterez que nous n'avons encore pris aucune décision et que nous allons examiner cette situation avec le plus grand esprit de modération.

Recevez, etc.

Signé CHAUDORDY.

No 63. - LE COMTE APPONYI AU COMTE DE BEUST.

(Télégramme.)

Londres, le 30 novembre 1870.

Lord Granville me charge de dire à Votre Excellence, en réponse au télégramme de Vienne du 28, qu'il a pris les précautions que vous recommandez relativement à la Conférence.

[ocr errors]

No 64. LE COMTE DE CHAUDORDY A M. TISSOT, A LONDRES.

[ocr errors]

Tours, le 30 novembre 1870:

Monsieur, je vous ai écrit hier pour vous mettre au courant de la façon dont se trouvait posée devant nous la proposition d'une Conférence relative au Traité de 1856. D'après la dépêche que vous m'avez envoyée par le télégraphe et qui m'est parvenue ce matin, d'après celles que j'ai reçues de Saint-Pétersbourg et de Vienne et une communication que m'a faite M. le ministre d'Italie, il ne me reste plus aucun doute sur la nature exclusivement prussienne de cette proposition. Du reste, M. l'ambassadeur d'Angleterre a bien voulu reconnaître que, tous renseignements pris, ce fait se trouvait désormais acquis dans l'examen de l'état de la question. C'est en ces termes qu'a commencé la conversation que j'ai eu l'honneur d'avoir aujourd'hui avec lord Lyons.

Les membres de la Délégation s'étaient réunis pour délibérer sur la réponse que nous devions faire, et j'étais chargé de dire à l'ambassadeur d'Angleterre, après lui avoir expliqué les raisons de notre embarras, que nous nous trouvions obligés d'en référer à Paris. Ayant en face de nous un ennemi aussi dur et aussi habile que l'est la Prusse, il nous paraît naturel d'être prudents et de penser qu'un acte de sa part, quel qu'il soit, doit provoquer de notre côté, une grande réserve d'appréciation; car tous les rapports que nous avons essayé de

[ocr errors]

nouer avec ce gouvernement, ont toujours eu pour résultat d'augmenter nos difficultés. Du reste, ai-je dit, nous sommes étonnés de voir l'Europe laisser prendre à la Prusse le rôle principal dans une pareille question, quand il est facile de se rappeler qu'elle n'a signé le Traité de 1856, que lorsqu'il avait déjà été arrêté entre toutes les autres Puissances. Cela indique d'avance la position prépondérante que cherchera à prendre la Prusse dans cette Conférence, et sans vouloir en quoi que ce soit préjuger, ni nous refuser à régler la question à fond, nous nous trouverions peut-être placés à cette réunion dans une situation inégale à celle de notre ennemi.

C'est en prévision d'une situation pareille qu'avait été faite notre première réponse au cabinet de Londres, après la communication que nous avions reçue du prince Gortschakoff. Nous disions alors qu'en présence des graves questions qui nous préoccupent, nous trouverions plus naturel que ce fût l'Angleterre et les autres Puissances signataires du Traité de 1856 qui examinassent la déclaration russe et nous fissent connaître ensuite l'impression qu'elles en auraient ressentie.

Nous nous attendions, et cela se comprend, à voir la Prusse agir à peu près comme nous. Quelques-uns des représentants étrangers, auxquels j'avais demandé leur opinion, le supposaient également, et, pour ne pas compliquer les difficultés, nous nous étions abstenus provisoirement de répondre à la dépêche du Chancelier. Si les choses s'étaient passées comme nous l'espérions, la situation en aurait été grandement simplifiée et la proposition d'une Conférence eût pu venir alors de l'une des Puissances non engagées dans la guerre présente. Nous n'aurions pas éprouvé d'embarras à nous y rendre, car nous nous y serions trouvés sur un pied d'égalité parfait avec la Prusse.

Malheureusement, vous le voyez, il n'en a pas été ainsi. On se tromperait si on voulait voir dans l'expression de notre pensée une vaine apparence de susceptibilité. Il y a des moments cruels où la susceptibilité n'est plus que le point d'honneur et, malgré nos désastres, nous devons à la France de le conserver intact. Mais, il y a, en outre, en ceci une question d'intérêt pratique : c'est l'obligation où nous sommes de nous défier de tout ce qui vient du Gouvernement prussien.

Vous voudrez bien présenter ces réflexions à lord Granville.
Recevez, etc.

[ocr errors]

Signé : CHAUDORDY.

P.S. 2 décembre. Le départ du courrier anglais qui vous apportera cette dépêche ayant été retardé, je m'empresse d'ajouter les

lignes suivantes qui vous feront connaître les nouvelles résolutions prises en conseil. A la suite du désir qui m'a été exprimé par lord Lyons au nom de son gouvernement, et par égard pour le cabinet anglais dont vous m'avez marqué l'insistance auprès de vous, la Délégation a décidé qu'en transmettant à Paris la proposition d'une conférence, elle l'appuierait.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Mylord, le général Ignatieff m'a dit aujourd'hui qu'il avait reçu l'avis que la Conférence ayant été acceptée par son gouvernement et par celui de la Reine, une proposition dans ce sens serait faite par la Prusse aux gouvernements de la Turquie, de l'Autriche et de l'Italie, et par votre Seigneurie à celui de France.

En réponse à ma question s'il savait sur quelle base les délibérations auraient lieu, il me dit que cette base doit naturellement être celle de la déclaration de son gouvernement, à savoir que la neutralisation de la mer Noire était à présent abolie.

Il ajouta qu'en fait le gouvernement russe considérait que cette neutralisation avait cessé du jour où le bâtiment de Sa Majesté le Gannet était entré dans les eaux de la mer Noire il y a six ans.

Je lui dis qu'aucune communication reçue par moi de votre Seigneurie ne m'a porté à croire que le gouvernement de la Reine ait admis que la neutralisation de la mer Noire ou toute autre partie du Traité de Paris pût être abrogée par la simple déclaration d'une puissance. Je croyais aussi que mon gouvernement apprendrait avec surprise que la Russie, comme il venait de le déclarer, considérait les clauses de neutralisation comme étant déjà annulées depuis autant d'années avant la notification du prince Gortschakoff.

[blocks in formation]

La dignité des Puissances et l'égard pour l'opinion publique, surtout en Turquie, font paraître essentiel à la Porte Ottomane que la Conférence n'envisage la déclaration russe que comme le désir d'un

ARCH. DIPL. 1873. III.

66

des co-signataires, qu'elle délibère sur la base du Traité et précise finalement de commun accord la modification du Traité. La Russie devrait approuver ce procédé qui la tire de l'embarras d'un pas illégal.

La Porte se considère en plein accord avec Votre Excellence.

N. 67.- LE COMTE DE GRANVILLE A SIR H. ELLIOT, A CONSTANTINOPLE

(Extrait.)

Foreign-Office, le 1er décembre 1870. L'ambassadeur de Turquie m'a donné ce matin communication d'un télégramme d'Aali-Pacha, daté du 24 dernier, dont voici le résumé :

Il commence par exprimer la surprise que la circulaire russe a causée à la Porte, et tout en refusant de discuter les arguments qu'elle renferme, arguments d'ailleurs en grande partie refutés par les protocoles des Conférences de 1858, il s'appesantit sur ce qu'il appelle la question pratique que la circulaire renferme.

Tout en ressentant vivement l'abrogation d'une des garanties dont sa sûreté dépendait, la Porte n'examinerait pas moins l'état des choses avec le calme qui excluerait l'adoption de toute résolution précipitée. La Russie a déclaré qu'elle ne se considérait plus longtemps liée par les articles du Traité de Paris relatifs à la neutralité de la mer Noire; elle n'a pas demandé le consentement des autres parties, mais elle leur a simplement signifié sa décision.

Musurus Pacha me parla de l'allusion qu'avait faite le prince Gortschakoff à l'intervention amicale de la Russie pour apaiser le mécontentement des sujets grecs de la Porte. Son Excellence me dit que toute intervention était contraire à l'art. 9 du Traité de Paris, qui enregistre le Firman de la Porte et en même temps défend aux autres co-signataires de s'immiscer en aucun cas, soit collectivement, soit séparément dans les affaires intérieures de la Russie.

Il me dit que, depuis la publication de ce firman, les Grecs ont été mis dans une bien meilleure position qu'ils n'étaient avant le firman, qu'ils étaient sur un pied d'égalité avec les sujets musulmans du Sultan, et que toute intervention de ce genre dans leurs affaires aurait ce manifeste désavantage de faire attribuer par les Grecs toute mesure favorable à leurs intérêts, non pas à la bienveillance de leur souverain, mais à la pression de quelque puissance étrangère, et cela au grand détriment de l'autorité du Sultan.

« ZurückWeiter »