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Il n'était pas depuis longtemps à New-York lorsqu'éclata la terrible crise, qui sembla un instant menacer l'Union américaine jusque dans son existence. Depuis le commencement jusqu'à la fin, Lieber demeura fidèle au parti de la liberté, de la constitution, de l'unité de la république, adversaire implacable de l'esclavagisme et de la rébellion. Dès 1861 il entre en lice par la publication de deux leçons où il interprète la constitution des États-Unis dans le sens de l'Union (1). En 1862 il prononce, à l'inauguration de la Loyal National League à New-York, un discours intitulé: No party now, but all for our Country, et souvent réédité depuis. En 1863, il fonde à New-York la Loyal Publication Society, pour la publication et la distribution de livres, brochures, traités etc., de nature à stimuler le patriotisme et à hâter la suppression de la rébellion. Le Dr Lieber en est élu président et occupe ces fonctions durant toute la guerre. Plus de cent brochures sont publiées et distribuées, par centaines de mille exemplaires. Une dizaine d'entre elles portent la signature de Lieber. Pendant la même période il écrit son excellente dissertation, souvent invoquée par nous et par d'autres dans la discussion à laquelle a donné lieu la guerre franco-allemande : Guerilla-Parties considered with References of Law and Usages of War, et ces Instructions pour les armées en campagne, que le président Lincoln rendit obligatoires pour les armées fédérales.

La guerre finie, Lieber reporte ses idées sur les questions de paix, de constitution, d'union internationale. En général il s'intéresse à tout ce qui se passe de grand et d'élevé dans le droit et la politique. Ses lettres à l'Evening-Post, signées Americus, reflètent son opinion sur les principaux évènements du jour. La forme en est concise, ingénieuse et frappante. Du reste, qu'il se passionne, s'indigne ou approuve, ce n'est jamais pour des motifs vulgaires. En économie politique, il s'enrôle sous la bannière, encore trop peu populaire aux États-Unis, du Libre-Échange. Sa brochure Notes on fallacies of American Protectionists, publiée à une immense quantité d'exemplaires par la free trade League américaine et rééditée par le Cobden Club anglais, est une excellente réfutation des sophismes à l'aide desquels le protectionisme parvient encore à se faire accepter par la majorité de la nation américaine. L'organisation et le fonctionnement du jury, la propriété littéraire, les changements projetés en 1867 dans la constitution de l'État de New-York, l'occupent tour-à-tour (en 1867 : Memorial relative to verdicts of Jurors. - The Unanimity of Juries. - Reflexions

(1) What is our Constitution. — League, Pact or Government ? Two lectures on the Constitution of the United States, etc.

REY, DE DR. INTER. 4e année, 4 liv.

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on the changes which may seem necessary in the present constitution of New-York; en 1868 International copyright). En 1868 il publie encore des Fragments of Political Science on Nationalism and Internationalism, qu'un publiciste italien, M. Garelli, appelle un' aureo opusculo.

Dès la fondation de cette Revue, M. Lieber, avec qui nous avions été mis en rapport par l'intermédiaire de MM. Laboulaye et Bluntschli, voulut bien s'intéresser à nos efforts. Bientôt notre correspondance prit un caractère plus personnellement intime, et durant ces dernières années il s'établit entre nous, malgré la différence d'âge et l'Océan qui nous séparait, une véritable amitié, empreinte en quelque sorte de tendresse paternelle d'un côté et de respect filial de l'autre. C'est dans ce fréquent et familier échange de lettres qu'il a été donné à l'auteur de cette notice de connaitre de près le caractère et l'individualité de Lieber, de recueillir ses impressions immédiates et confidentielles sur une quantité d'hommes et de choses, d'apprécier tout ce qu'il y avait de viril et de délicat, d'ingénieux et de profond dans cet esprit d'élite. Son attention s'était spécialement fixée dans ces derniers temps sur le droit international, sur l'avenir de cette science, sur la sanction pratique à lui donner. Tout en applaudissant aux succès de l'Allemagne, sa première patrie, il ne lui souhaitait pas un empire exclusif, et il appréciait vivement l'avantage qui doit résulter, pour la civilisation, de la rivalité pacifique de quelques grandes nations. Il caressait le rêve, à la réalisation duquel il nous exhortait à travailler avec lui, de venir en Europe, au siège mème de cette Revue, prendre part à une réunion de juristes internationaux, qui se seraient occupés d'asseoir le droit des gens sur des bases rationnelles, positives et efficaces. Ce qu'il désirait avant tout, ce qu'il pratiquait lui-même, c'était le respect du droit, et telle était la notoriété qu'il s'était acquise sous ce rapport dans son pays d'adoption que, en 1870, il se vit investi, du commun accord des deux parties, des fonctions éminentes de tiers-arbitre ou sur-arbitre, chargé de statuer en dernier ressort sur les graves questions pendantes entre les États-Unis et le Mexique depuis plusieurs années. La mort l'a malheureusement surpris avant qu'il n'ait pu rendre son jugement définitif.

:

La devise de Lieber était no right without its duties, no duty without its rights. Il l'avait lui-même élégamment traduite en français par ces deux mots droit oblige, et la formule anglaise était imprimée en tête de toutes ses lettres. Un jour il s'aperçut que la société « l'Internationale » s'était, au Congrès de Genève, approprié cette maxime et que plus tard on avait, pendant le règne de la Commune à Paris, inscrit sur quelques bannières :

pas de droits sans devoirs, pas de devoirs sans droits. Nous avons encore sous les yeux la lettre par laquelle il nous exprimait la vive contrariété, le dégoût que lui inspirait cette espèce de profanation de son aphorisme favori. C'est qu'en effet Lieber aimait la liberté, les réformes, mais comme un droit emportant une responsabilité morale et juridique d'autant plus grande qu'on en jouit dans une plus large mesure. Un journal américain, The Nation (17 octobre 1872) lui rend ce singulier témoignage qu'il était le plus grand parmi les rares publicistes américains qui eussent foi en la république, et qui eussent la claire perception de ses mérites et de ses défauts. Ajoutons de science personnelle, qu'il haïssait d'une haine égale l'absolutisme monarchique et l'absolutisme démagogique, sous quelque nom qu'il leur plût de se déguiser.

Lieber est mort le 2 octobre 1872, après une courte maladie, travaillant pour ainsi dire jusqu'à sa dernière heure à un ouvrage dont le titre était : the Rise of the Constitution. Il laisse une veuve, compagne dévouée de quarante-trois années de son existence. Lorsque la guerre civile éclata, ses trois fils s'engagèrent au service de la cause fédérale. L'ainé, Oscar, qui s'était déjà fait connaître par des travaux estimés sur la géologie et les mines, tomba victime de la guerre en 1862. Le second, Hamilton, eut un bras emporté au fort Donelson. Le troisième, Norman, qui est sorti de l'armée avec le titre de colonel, occupe maintenant les fonctions de JugeAvocat.

Nous ne prenons pas, dans cette notice trop rapidement écrite, congé définitif de notre cher et regretté collaborateur. Peut-être retrouveronsnous l'occasion de communiquer à nos lecteurs quelques-uns des trésors que renferment ses écrits, trop ignorés en Europe. Dans tous les cas la mémoire de cet ami, que nous n'aurons jamais vu en ce monde que par les yeux de l'âme, nous sera toujours présente, et soit en écrivant, soit en dirigeant cette Revue nous tàcherons de l'honorer en respectant sa devise Droit oblige.

G. ROLIN-JAEQUEMYNS.

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Encore un de nos collaborateurs que la mort vient d'enlever! Albéric Allard, professeur ordinaire de droit civil à l'université de Gand, a succombé prématurément, le 24 novembre dernier, à une longue et cruelle maladie. C'est une perte sensible pour la science du droit et pour l'enseignement supérieur belge. Albéric Allard était né à Tournai le 23 mars 1834. Après de brillantes études et une thèse sur les Preuves de la filiation hors mariage, il fut reçu docteur-agrégé à l'université de Bruxelles, où il enseigna en 1859-1860 l'histoire politique moderne. En 1863 il fut nommé juge d'instruction à Verviers. En 1866 l'Institut de France (Académie des sciences morales et politiques) lui décerna le prix Bordin pour son traité sur l'Administration de la justice criminelle au 16me siècle(1). C'est à la suite de ce succès que le gouvernement Belge l'appela à donner à l'Université de Gand d'abord le cours de droit civil moderne, puis celui de procédure civile, d'organisation et d'attribution judiciaires. Il était impossible de faire un meilleur choix. Tous les anciens élèves d'Allard sont unanimes à reconnaître les rares qualités de son enseignement, sa lucidité, sa science, l'indépendance de ses jugements.

Par arrêté royal du 23 juillet 1866, le gouvernement belge nomma une commission de sept membres, chargée de préparer la révision du Code de procédure civile. Dans cette commission figurait Albéric Allard qui dut bientôt à son zèle, à ses lumières, aux connaissances spéciales dont il fit preuve l'honneur d'être investi, par ses collègues, des fonctions de rapporteur. L'œuvre entreprise par la commission n'est malheureusement pas terminée. Sur trois parties, que doit comprendre le projet de révision, deux sont terminées. La première, relative à la procédure devant les diverses juridictions a paru, avec un exposé des motifs dù à la plume du jeune professeur de Gand. C'est un travail considérable, aussi remarquable par le fond que par la forme. On y rencontre une unité, une suite dans les idées, une inflexible fermeté de raisonnement qui lui assureront une valeur durable, quelle que doive être en définitive l'opinion du gouvernement et de la législature au sujet du projet lui-même (2).

C'est pendant qu'il préparait son rapport, que M. Allard écrivit pour la Revue de droit international et de législation comparée son Examen

(1) Il a été rendu compte de cet ouvrage au T. III de la Revue, p. 167.
(2) V. ce que nous avons dit de ce rapport T. II, p. 347 de cette Revue.

critique du Code de procédure du royaume d'Italie (V. T. I, pp. 199 et ss., 313 et ss. et T. II, pp. 217 et ss., 377 et ss.). Il serait superflu de faire, auprès de nos lecteurs, l'éloge de ce travail. Qu'il nous suffise de dire qu'il a fait, en Italie même, la plus grande sensation, et qu'il était encore en cours de publication lorsque déjà un jurisconsulte distingué s'occupait de le traduire et de le publier en langue italienne.

Il serait trop long de mentionner ici, et les articles bibliographiques dont M. Allard a bien voulu enrichir cette Revue, et les nombreuses dissertations qu'il a publiées dans la Belgique judiciaire. Partout se retrouvent ces éminentes qualités juridiques, qui eussent assuré à notre collaborateur, si nous avions eu le bonheur de le conserver parmi nous, une des premières places parmi les représentants de la science contemporaine.

G. R.-J.

CORRESPONDANCE.

M. C à Lucques. - Voici les renseignements demandés quant à l'organisation du ministère public dans les pays suivants :

DANEMARK.

Dans ce pays l'institution du ministère public est inconnue.

Dans les procès civils tout est confié aux parties elles-mêmes.

En matière criminelle et correctionnelle il rentre dans les attributions des chefs d'arrondissement (Amtmand) de décider si le fait constaté dans l'instruction doit être poursuivi.

Si la poursuite a lieu, l'accusation est soutenue par un avocat, qui reçoit son salaire de l'État, pour chaque affaire qu'il plaide.

Le Ministre de la Justice désigne un certain nombre d'avocats, plaidant devant les cours ou les tribunaux, pour remplir les fonctions de ministère public dans les affaires criminelles et correctionnelles. Parmi les avocats à Copenhague, plaidant devant la Cour d'appel et la Cour suprême (actuellement 88), il y en a 57 qui sont chargés de soutenir tour à tour l'accusation dans les affaires criminelles et correctionnelles (1). ESPAGNE. - L'origine du ministère public en Espagne remonte aux fiscales du droit romain sous le Bas-Empire. Dans le droit des Partidas, les membres du ministère public s'appelaient patrons du fisc; dans le droit de la Recopilacion, ils s'appellent procureurs fiscaux ou fiscaux (promotores fiscales). C'est sous ce nom que les désigne le Code de procédure espagnol de 1855. Il y a un fiscal auprès de chaque

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(1) Nous devons ces renseignements à notre collaborateur M. Hindenburg, de Copenhague.

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