Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

chaient avant tout à faire campagne, puisque de là dépendait leur avenir l'Afrique s'offrait à eux, et c'était. déjà une faveur que d'y aller. Loin de nous de médire de ce beau pays et des services immenses qu'il a rendus à notre armée, bien qu'ils aient profité beaucoup plus aux soldats et aux officiers subalternes qu'à nos généraux.

Si un de ces officiers, arrivé au grade de capitaine, était assez heureux pour pouvoir se faire distinguer dans une action, s'il recevait une blessure grave, il était nommé commandant, souvent dans des conditions d'âge exceptionnelles. Sa carrière dès lors était assurée, et il n'avait plus qu'à attendre patiemment tous les grades successifs jusqu'aux plus élevés. Un seul jour avait décidé de tout un avenir. La vie au grand air et errante de l'Afrique, les fatigues et les privations de la guerre avaient fait perdre à beaucoup le goût du travail; la nature même de leur esprit pouvait ne pas s'y prêter; ils arrivaient ainsi, et pour ainsi dire par la force des choses, généraux de brigade et de division, ayant perdu peu à peu la vigueur et l'énergie de leurs jeunes années, sans avoir acquis par le travail les connaissances qui pouvaient alors leur faire défaut.

La justification de l'avancement par les campagnes était d'ailleurs une porte ouverte à la faveur et dont le gouvernement de l'empereur n'a pas manqué de se servir. Voulait-on faire arriver rapidement un courtisan, un favori, sans soulever la conscience publique, on l'envoyait faire une courte campagne, on lui conférait un grade et ainsi de suite jusqu'à ce que son ambition fût satisfaite.

L'avancement dans les états-majors était donné d'une façon plus déplorable encore là, on n'était pas récompensé en raison de sa valeur ou de ses services person

nels, mais bien d'après le degré d'influence du général près duquel on servait; il fallait, pour trouver grâce devant le comité des maréchaux, être attaché à leur personne ou en être connu; c'était uniquement affaire d'intrigue et de relations.

L'avancement dans les régiments dépendait de l'arbitraire du colonel qui le répartissait suivant ses vues personnelles, car le contrôle des inspecteurs généraux était illusoire. Les considérations les plus étranges avaient une influence dans ces propositions: la position de famille, la fortune, les relations, la prestance physique, tout, excepté l'instruction et les connaissances acquises.

Disons d'ailleurs que notre principe d'avancement concurremment au choix et à l'ancienneté est absurde; car, si on considère comme utile de s'assurer pour certains grades de l'aptitude et de la capacité des candidats, il ne faut point les donner à l'ancienneté; si cette mesure est inutile, il n'y a point lieu d'établir des choix.

Le choix est particulièrement choquant pour le grade de lieutenant ce sont identiquement les mêmes fonctions que celles de sous-lieutenant, et ces deux grades devraient être considérés comme un stage pour celui de capitaine. Par contre, les fonctions et le grade de chef de bataillon doivent être donnés uniquement au choix. Quelle satisfaction d'ailleurs peut éprouver celui qui ne parvient à cette position qu'après avoir subi le choix de camarades plus jeunes, et uniquement parce que la loi ne permet pas de faire autrement.

Notre loi sur l'avancement, en voulant donner satisfaction à notre esprit démocratique et en consacrant les droits de l'ancienneté pour arriver officier supérieur, n'a fait que protéger l'ignorance contre l'instruction, la paresse contre le travail.

La loi prussienne est bien plus intelligente après avoir établi comme principe que l'instruction seule en temps de paix donne des droits pour devenir officier, elle exige des candidats des connaissances solides et suffisamment étendues, et ensuite l'avancement aux grades successifs a lieu à l'ancienneté jusqu'à capitaine inclusivement.

Il n'y a qu'un nombre très-restreint de vacances de lieutenants et de capitaines qui soient données au choix : ce sont celles qui se produisent par suite de suicide, mort en duel, désertion, cassation ou pensions anticipées, et qui sont à la disposition du roi. Elles servent à récompenser les officiers qui ont fait preuve d'une instruction et d'une capacité remarquables; encore, pour ne point violer le principe de l'ancienneté dans chaque régiment, est-on obligé de les placer préalablement dans le service de l'adjudantur ou de l'état-major, et avec leur nouveau grade ils changent de corps.

Pour les grades supérieurs, la même loi a su merveilleusement allier les conditions d'ancienneté et d'aptitude, tout en empêchant qu'un officier ne voie son prestige moral diminué aux yeux de sa troupe par la nomination à un grade plus élevé d'un de ses camarades moins ancien que lui.

Il faut, pour être nommé major, avoir été reconnu capable d'en remplir les fonctions; mais si l'officier que son ancienneté appellerait à ce grade n'a point une aptitude suffisante et qu'on soit obligé de nommer un capitaine plus jeune, il est forcé de se retirer du service. Il est mis à la retraite si ses services lui y donnent droit, sinon il reste à disposition, avec une pension proportionnelle à ses services. Il n'est fait d'exception à cette règle que pour les capitaines qui n'ont plus que quelques mois à

faire avant d'arriver à leur retraite et qu'on maintient en activité jusqu'à cette limite, mais ils sont envoyés en congé.

Les mêmes principes sont suivis également pour le grade de lieutenant-colonel : les majors qu'on ne juge point capables de commander un régiment doivent prendre leur retraite ou accepter un service spécial dans les places ou dans les districts de landwehr.

En outre, d'après l'ordre du cabinet du roi du 8 mai 1849, ne peuvent être nommés aux grades de général-lieutenant, général-major et colonel, que les généraux-majors, colonels et lieutenants-colonels qui sont à la tête d'une division, brigade ou régiment. Cette disposition est excellente et permet de ne conférer des grades aussi importants qu'après avoir vérifié dans la pratique la valeur des candidats.

Cet ordre ajoute : « L'armée doit reconnaître dans ces dispositions une preuve du soin vigilant du chef de l'armée pour l'entretien de sa gloire et de sa solidité, en même temps qu'il est indispensable qu'il n'arrive aux plus hauts grades militaires que des officiers réunissant des capacités supérieures, une instruction solide avec les vertus de caractère correspondantes et une vigueur physique suffi

sante.

» L'ardeur si honorable du corps d'officiers à chercher par tous les moyens possibles à augmenter l'honneur de l'armée comme son patrimoine propre, me garantit que les officiers, dont l'avancement à des positions plus élevées ne peut avoir lieu, n'en persévèreront pas moins à remplir leurs fonctions avec un zèle qui ne faiblira pas une fidélité au devoir invariable. Ils peuvent être d'ailleurs convaincus que je ne tiendrai pas moins en honneur leurs services que ceux des officiers arrivés à des grades plus

et

élevés, et que je saurai les reconnaître par tous les moyens possibles. >>

Certaines personnes ont attribué la faiblesse de nos généraux à leur trop grand âge, et ont pensé que le rajeunissement des chefs de notre armée lui donnerait un nouvel élément de force et d'action. C'est une erreur. L'expérience n'est pas, comme nous le disions plus haut, en raison directe des années et des services, mais en général elle croît avec eux à capacité égale comme intelligence, le chef le plus ancien sera probablement le meilleur. D'ailleurs, en raison de l'habitude qui s'est introduite dans notre armée et qui maintenant a presque force de loi, de ne mettre à la retraite les officiers qu'à une limite déterminée, les jeunes généraux d'aujourd'hui seraient vieux dans quelques années, et ce serait un cercle vicieux.

Nous voyons du reste qu'en Prusse les généraux sont âgés, et même plus en moyenne que dans l'armée française; ils ont cependant conservé toute leur vigueur physique, toute leur énergie morale.

Cela vient de ce que chez eux les officiers de tout grade n'ont de garantie de conserver leurs fonctions que l'aptitude et le zèle qu'ils apportent à les remplir; ils n'ont point devant eux un temps déterminé pour jouir de leur grade et leur permettre de vivre sur le passé; par contre, tant que leurs forces physiques le leur permettent, ils continuent de servir et l'armée n'est point privée à jour fixe de l'expérience et des lumières de chefs qui ne sauraient être avantageusement remplacés.

Il faut donc abroger pour tous les grades la limite d'âge, renvoyer ceux qui n'ont plus l'aptitude suffisante et conserver le plus longtemps possible ceux dont l'instruction et l'expérience sont une garantie de force pour l'armée.

« ZurückWeiter »