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CHAPITRE 1.

I. PRÉPARATION INSUFFISANTE DE LA GUERRE EN PERSONNEL ET MATÉRIEL. MAUVAIS SYSTÈME DE MOBILISATION : CONFU

SION ET LENTEUR POUR GROUPER LES ÉLÉMENTS, MANQUE D'UNITÉ ET DE CONFIANCE DANS L'ENSEMBLE.

I. Préparation insuffisante de la guerre.

Nous avons fait ressortir dans la première partie de cet écrit les fautes qui ont précédé les opérations effectives de la campagne : combien la préparation de la guerre avait été défectueuse au point de vue politique et militaire; dans quelle infériorité numérique se trouvaient les forces de la France par rapport à celles réunies de l'Allemagne du Nord et de l'Allemagne du Sud, les ressources restreintes dont nous disposions pour constituer en arrière nos réserves; l'imprévoyance et l'incurie qui avaient présidé à l'organisation de nos places fortes: On avait laissé dans les petites un matériel énorme qui devint successivement la proie de l'ennemi, et les grandes n'étaient ni approvisionnées ni armées; l'absurdité enfin du plan de campagne adopté, qui consistait à prendre l'offensive dans de telles conditions.

Ce sont là, bien évidemment, au point de vue militaire, les causes premières et capitales de nos désastres, et nous espérons avoir démontré que nos forces, si res

treintes qu'elles fussent, eussent été suffisantes si on les avait employées selon les règles de l'art, pour arrêter, momentanément du moins, la marche de l'ennemi et nous permettre d'organiser les moyens qui nous restaient et d'avoir ainsi la seule force qui nous ait manqué dans cette campagne, la force du nombre.

Ces fautes, si graves, étaient cependant celles qu'on pouvait le plus facilement éviter. Elles proviennent en effet, non d'un vice de notre organisation militaire, mais de l'incurie, de l'imprévoyance et de l'incapacité de ceux qui présidaient aux opérations. La responsabilité en retombe non sur l'armée elle-même, mais sur l'Empereur et ses conseillers intimes, particulièrement sur le maréchal Leboeuf, ministre de la guerre, qui était assez aveugle pour croire ou assez flatteur pour dire que notre armée était prête à entrer en campagne, alors que les événements sont venus prouver que nous n'avions ni hommes, ni chevaux, ni matériel, pas même des fusils en nombre suffisant.

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Lorsque les destinées de l'armée ne dépendront plus du caprice d'un homme entouré de courtisans cherchant plutôt à plaire au maître qu'à lui dépeindre d'une façon vraie et énergique la situation, lorsqu'elle marchera non dans un intérêt dynastique, mais pour l'indépendance ou l'honneur du pays, que la direction en sera confiée aux plus dignes et aux plus capables, de pareilles erreurs, de pareilles fautes ne seront pas à craindre. Il ne faut pas juger de la solidité et de l'étendue des connaissances militaires des chefs de notre armée par celles de généraux qui, depuis dix ans, étudiaient l'art militaire dans les salons des Tuileries, y cherchaient l'inspiration de leurs plans de campagne, et en sortaient appauvris au physique comme au moral, certains mêmes n'ayant plus la

bravoure et le courage qui avaient fait leur réputation et leur avancement dans leurs jeunes années.

D'autres généraux, au contraire, intelligents, expérimentés, ayant fait leurs preuves, que l'opinion publique dans l'armée désignait pour des commandements importants, étaient laissés de côté on les accusait de tiédeur pour la personne ou pour le gouvernement de l'Empereur, et ces motifs futiles privaient l'armée de lumières don elle avait tant besoin. Toutefois, nous ne devons pas le regretter aujourd'hui et c'est bien le cas de dire avec La Fontaine Dieu fait bien ce qu'il fait. » Si le général Trochu avait eu un commandement au début de la guerre, il serait probablement prisonnier comme nous en ce moment, et il est permis de croire qu'aucun autre ne serait parvenu à imprimer à la défense de la capitale autant d'énergie, à improviser en aussi peu de temps des armées et un matériel formidables, à ménager enfin avec autant de prévoyance les approvisionnements destinés à nourrir deux millions d'hommes; si bien qu'on ne sait · lequel admirer le plus en lui, ou de son génie militaire ou de son génie administratif.

Il semble que la Providence ait voulu que cette admirable défense de Paris servît de poids pour le jugement et la condamnation de tous les actes de la campagne qui l'ont précédée.

II. Mauvais système de mobilisation.

Ce fut au moment de la mobilisation de l'armée qu'éclata le vice de notre système militaire, qui ne comporte en temps de paix aucune organisation d'ensemble.

Tout était à créer et à organiser comme personnel et matériel: nous avions des régiments d'infanterie et de cavalerie, des batteries d'artillerie, des compagnies de génie et du train, mais tous ces éléments étaient épars et isolés; il fallait les grouper en brigades, divisions, corps d'armée, donner des généraux et des états-majors à toutes ces fractions constituées. Ce travail si important, qui exige le calme, la réflexion, une connaissance approfondie du personnel, devait, par suite de notre système abusif de concentration, être fait en quelques jours par le ministre ou par ses bureaux.

C'était précisément au moment où celui-ci avait besoin de toute son activité, de toutes ses lumières pour assurer les intérêts généraux de l'armée, pour veiller à sa concentration rapide sur sa base d'opérations, à la formation d'approvisionnements nombreux en vivres et munitions, pour faire mettre nos places fortes de la frontière en état de défense, pour constituer en arrière de puissantes réserves en hommes, chevaux, matériel et subsistances, qu'il avait à s'occuper d'une foule de détails, importants sans doute, mais qui, dans une bonne organisation militaire, doivent être réglés à l'avance. Il avait à signer les lettres de service des généraux, aides de camp, états-majors, membres de l'intendance, officiers d'administration, médecins, pharmaciens, officiers du train des équipages; en outre, il fallait ne pas désorganiser le service à l'intérieur et pourvoir en même temps au remplacement des généraux dans leurs commandements et des intendants dans leurs fonctions administratives. Toute initiative était enlevée aux généraux commandant les divisions territoriales, et les opérations les plus simples, une permutation entre deux officiers du même corps dans un intérêt de service, l'obtention d'un cheval de la

remonte, devaient être soumises à l'approbation ministérielle.

. On faisait également passer dans la garde nationale mobile, dont les cadres n'étaient pas encore constitués, les officiers de l'armée active qui étaient peu propres au service de campagne; il en résultait de nombreux changements de grades, de positions, de résidences, qui contribuaient à augmenter le désordre déjà trop grand.

Ajoutons que les hommes en congé, ceux de la rẻserve, et des deuxièmes portions du contingent, étaient en même temps rappelés : réunis d'abord au chef-lieu de chaque département, ils étaient dirigés sur leurs régiments respectifs, et de là sur le point de concentration indiqué; les mêmes hommes étaient exposés à faire plusieurs longs voyages dans des directions opposées. Les chemins de fer qui, à ce moment, auraient dû être employés exclusivement au transport de nos troupes, du matériel ou des approvisionnements vers la frontière, furent pendant quatre ou cinq jours absorbés par les réservés, et malgré leur disposition si favorable, malgré leur immense matériel, ils furent impuissants à faire face à de pareils besoins.

Une autre erreur du ministre de la guerre fut de croire qu'il suffisait de réunir ensemble un certain nombre de régiments et de batteries pour en former des brigades, des divisions et des corps d'armée. La composition de l'armée comme personnel était l'unique préoccupation : le matériel et les divers services étaient considérés comme accessoires. Au lieu d'assurer à l'avance, et même en temps de paix, les divers besoins des troupes pour entrer en campagne, on s'était contenté de les évaluer et il se trouva, comme toujours en pareille circonstance, que les prévisions étaient au-dessous de la réalité. Les pre

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