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H. FEHR

LES MATHÉMATIQUES

DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE EN SUISSE

1. Il est réjouissant de constater qu'à l'heure actuelle, dans les principaux pays, l'enseignement scientifique fait l'objet d'études approfondies en vue d'une meilleure adaptation des plans d'études et des méthodes aux besoins de la vie économique et de la science moderne. D'importantes réformes sont proposées; elles intéressent également les divers degrés de l'enseignement. Les savants ont compris dès le début qu'ils ne devaient pas rester étrangers à ce mouvement dont ils seront les premiers à utiliser les bons résultats. Le comité du Congrès a donc été bien inspiré en provoquant une série d'études similaires sur l'enseignement mathématique dans les principaux pays.

Je veux essayer de donner ici un aperçu très bref de ce qui se fait en Suisse. La tâche n'est pas aussi simple qu'on pourrait l'imaginer à première vue, car on se trouve en présence, non pas d'un type unique d'écoles, mais d'établissements variant d'un canton à un autre. En Suisse l'instruction publique est en effet du ressort des cantons, au nombre de vingt-deux. Si j'ajoute que dans plusieurs d'entre eux l'organisation est municipale, vous comprendrez que la plus grande diversité règne chez nous dans les plans d'études ou tout au moins dans l'organisation des études.

Les inconvénients d'un pareil système sont minimes à côté des avantages qu'offre une organisation qui permet de tenir compte, dans la mesure du possible, des intérêts régionaux. Cette grand indépendance des autorités scolaires facilite considérablement l'étude et l'accomplissement de réformes, d'autant plus qu'une grande liberté d'initiative est généralement laissée au corps enseignant. Moins il y a de rouages purement administratifs, plus les progrès sont faciles à réaliser. On ne sera donc pas surpris de constater que des demandes de réformes faisant encore l'objet de nombreuses démarches dans les grands pays, ont reçu satisfaction depuis longtemps en Suisse. Ainsi, pour ne donner qu'un exemple, je signalerai le fait que dans plusieurs gymnases scientifiques (1) la première initiation au calcul différentiel figure au programme depuis plus d'un demi-siècle.

(1) Ainsi à Bâle, l'Ecole réale supérieure a été prolongée d'une classe en 1856-57 avec le programme suivant: Algèbre supérieure, 2 heures; Géométrie analytique, 2; Calcul différentiel et intégral 2; Mécanique 4; Géométrie descriptive 4; Minéralogie 2; Histoire des découvertes 1 (V. Geschichte der obern Realschule zu Basel, 1905).

Le temps nécessairement très limité accordé à chaque communication m'oblige de restreindre le plus possible le sujet. Je me bornerai à vous montrer la place qui est faite aux mathématiques dans nos gymnases. Toutefois, avant d'aborder cette question, il est indispensable de jeter un coup d'œil très rapide sur l'organisation même des établissements secondaires.

2. Les écoles moyennes conduisant aux études supérieures, portent des noms divers suivant les cantons: Collège, Gymnase, obere Realschule, Kantonsschule. C'est cette dernière dénomination qui est la plus répandue dans les cantons de langue allemande.

Examinés au point de vue de leur organisation extérieure, ces établissements présentent des différences assez notables. On y trouve généralement deux cycles. Le premier cycle est de 3 ou 4 ans et forme le collège ou gymnase inférieur; le second cycle comprend 4 ans (ou 4 ans 1/2 dans certains cantons); les élèves y entrent à l'âge de 14 ou 15 ans.

Les gymnases se divisent en 2 ou 3, quelquefois même 4 sections, suivant les langues étrangères qui y sont enseignées. Nous laisserons de côté la section commerciale que l'on trouve dans plusieurs établissements. Dans quelques villes l'école de commerce forme en effet une section de l'Ecole cantonale, par exemple à Zurich, Berne, Lucerne, Aarau, Bâle, St-Gall.

Les deux grandes sections, communes à tous les gymnases sont:

a) la section classique, qui conduit à toutes les Facultés universitaires (et à l'Ecole polytechnique fédérale moyennant un complément d'études mathématiques); les branches spéciales sont le Latin, le Grec et la Philosophie.

b) la section technique ou industrielle, qui conduit plus particulièrement aux carrières scientifiques, techniques ou industrielles. Elle porte des noms différents suivant les villes à Aarau et à Genève, c'est la section technique, à Berne l'école réale (Realschule), à Bâle l'obere Realschule, à Zurich, Frauenfeld et St-Gall l'Industrieschule, dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel c'est le Gymnase ou la sectio scientifique, etc.

Les élèves qui sortent de cette section sont admis directement aux Facultés des Sciences et des Lettres, à la Faculté technique de Lausanne et à l'Ecole polytechnique fédérale.

Le Gymnase de Genève possède encore deux autres sections:

c) la section réale, créée en 1886, qui comprend, à côté de l'étude des langues modernes, celle du latin. Elle correspond à peu près à la section Latin-sciences en France et au Realgymnasium allemand. Une section analogue a été créée à Zurich en 1905. L'examen de sortie donne accès à toutes les Facultés universitaires.

d) la section pédagogique, qui prépare les candidats à l'enseignement primaire et qui, en outre, conduit aux Facultés des Sciences et des Lettres (pour les lettres modernes et les sciences sociales). L'enseignement scientifique est le même que dans la section réale.

A la fin du Gymnase les élèves obtiennent, après examen, un diplôme de maturitė qui porte le nom de la section correspondante.

3. Passons à l'organisation des études mathématiques. Dans plusieurs établissements celles-ci se répartissent sur deux cycles; le premier cycle correspond au Gymnase inférieur et a pour but de fournir une première initiation à l'Algèbre et à la Géométrie. Dans cette première étude, qui est déjà précédée d'une première préparation fournie par l'Ecole primaire, l'enseignement de la Géométrie est basé uniquement sur la méthode intuitive, le maître a recours à la superposition et à la décomposition des figures; les élèves sont appelés à faire des constructions à l'aide des instruments, notamment des exercices simples sur des lieux géométriques.

Le temps consacré à l'Arithmétique et à l'introduction à l'Algèbre et à la Géométrie est généralement de 4 heures par semaine.

Sans doute cette période d'initiation n'existe pas dans tous les établissements. d'une manière également complète, mais partout où elle a été appliquée elle a donné d'excellents résultats. Il me paraît inutile d'insister ici sur la nécessité de faire précéder l'étude théorique des mathématiques d'un enseignement intuitif dans lequel on familiarise les jeunes élèves avec les figures géométriques et leurs propriétés les plus simples et avec l'emploi de la règle et du compas dans la résolution des problèmes élémentaires. En procédant ainsi les maîtres n'ont fait que suivre la voie tracée par PESTALOZZI, qui devait nécessairement laisser de nombreux disciples parmi ses compatriotes, dont le plus illustre est sans doute le grand géomètre STEiner. Une nouvelle impulsion vient d'être donnée à cet enseignement d'initiation, tout au moins dans les milieux où il n'avait pas encore obtenu son plein développement, par M. LAISANT, l'un des fondateurs de nos Congrès. grâce à son récent livre sur l'Initiation mathématique (1).

4. Examinons maintenant quel est le but et le plan d'études de l'enseignement mathématique dans la division supérieure des gymnases. Si l'on parcourt les divers programmes, on constate que l'on a généralement reconnu qu'à côté du rôle qu'exercent les mathématiques sur le développement logique de la pensée chez l'élève, il y avait à tenir compte de l'importance des mathématiques dans la vie journalière et dans l'étude des phénomènes de la nature.

Je citerai le texte suivant du but de l'enseignement mathématique de la Kantonsschule de Zurich (Programme 1907, section classique):

"Lehrziel. Fertigkeit im numerischen Rechnen, besonders auch im Kopfrechnen, und Gewandheit in der Auflösung von Aufgaben des bürgerlichen Lebens. Erziehung zu klarem, logischem Denken und Ausbildung des räumlichen Anschauungs« vermögens. Einsicht in die mathematische Behandlungsweise von Fragen des prak- tischen Lebens und einfachen gesetzmässigen Erscheinungen der Natur.

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Dans le programme de la section réale cette dernière partie a été complétée comme suit:

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Erwerbung der Fähigkeit, Aufgaben des praktischen Lebens, der Natur und « der Technik auf mathematischem Wege behandeln und lösen zu können » .

(1) 4me édition, Paris-Genève, 1908, prix: 2 frs. ; traduction allemand par SCHICHT, LeipzigWien, 1908; traduction italienne par G. LAZZERI, Firenze, 1908. Il y a aussi une traduction polonaise.

Pour atteindre ce but les gymnase accordent une large place aux considérations empruntées aux sciences appliquées. Ainsi dans plusieurs établissements (classiques et industriels) l'enseignement des notions de Trigonométrie sphérique est suivi d'un cours de Géographie mathématique ou de Cosmographie. Dans les section industrielles des principaux gymnases le dessin technique comprend, dans les dernières classes, une série de leçons de levé de plans avec de nombreux exercices pratiques sur le terrain. Quant au temps affecté à l'enseignement mathématique, il est généralement de 4 heures, dans les section classiques, et de 6 a 8 heures (quelquefois même dix heures dans la dernière classe) dans les sections industrielles.

Le plan d'études des sections classiques comprend l'Algèbre, la Géométrie, la Trigonométrie, la Géométrie analytique, la Cosmographie.

Dans les sections industrielles ces mêmes branches sont étudiées d'une manière plus approfondie; on y trouve en outre les éléments de l'Algèbre supérieure et du Calcul différentiel et intégral et la Géométrie descriptive.

5. L'étendue des programmes de ces différentes branches présente quelques différences lorsqu'on passe d'une ville à l'autre. C'est surtout dans le domaine de la Géométrie que l'on trouve une plus grand variété. Les gymnases de la Suisse orientale accordent généralement une place plus grande aux notions empruntées à la Géométrie moderne.

Mais tous les programmes ont nécessairement une partie commune, un minimum, correspondant aux prescriptions de deux Commissions fédérales. En effet, bien que les écoles moyennes ne dépendent que de l'administration cantonale ou municipale, le Gouvernement fédéral exerce cependant une certaine influence, et indirectement un contrôle, sur les études secondaires supérieures dans les sections classiques et industrielle. Cela provient de ce qu'en Suisse les carrières médicales sont soumises à un diplôme fédéral. Il a été institué des examens fédéraux de maturité pour les candidats aux professions médicales. Les diplômes cantonaux peuvent être jugés équivalents, s'ils sont délivrés par des écoles dont l'organisation et le programme garantissent une bonne préparation aux études universitaires. A cet effet le Conseil fédéral fait dresser une liste des écoles moyennes suisses dont les certificats de sortie sont reconnus comme certificats de maturité.

Le programme fédéral exigeant la connaissance du latin, avec le grec comme branche facultative, les gymnases classiques ou réaux doivent nécessairement en tenir compte dans le plan d'études. Il constitue pour eux un minimum qui est généralement dépassé.

Voici le texte du programme fédéral de maturité pour les candidats aux professions médicales, en ce qui concerne les Mathématiques et la Physique.

MATHÉMATIQUES. - a) Algèbre. Opérations algébriques. Equations du premier et du deuxième degré à une et à plusieurs inconnues. Logarithmes. Progressions arithmétiques et géométriques. Intérêts composés et annuités. Eléments de la théorie des combinaisons et du calcul des probabilités. Binôme de Newton avec exposants entiers.

b) Géométrie. Planimétrie, stéréométrie, trigonométrie plane. Habileté dans la construction de figures géométriques. Géométrie analytique plane: point, ligne droit, cercle; théorie élémentaire

des sections coniques (formes d'équations les plus simples). Application de la théorie des coordonnées à la représentation graphique de fonctions analytiques simples et de fonctions élémentaires de quantités physiques et mécaniques.

PHYSIQUE. Propriétés générales des corps solides, liquides et gazeux. Lois principales du son, de la lumière, de la chaleur, du magnétisme et de l'électricité. Eléments de géographie physique.

(Programme du 6 Juillet 1906).

C'est là le minimum des connaissance mathématiques que fournissent les gymnases classiques en Suisse. Vous constatez qu'il contient la Géométrie analytique, qui est du reste enseignée depuis longtemps dans le Gymnase classique avant même que le programme fédéral en fit mention. On y trouve aussi les applications à la représentation graphique de fonctions simples. Cette dernière partie a été ajoutée en 1906. Ces notions se trouvaient déjà implicitement comprises dans l'enseignement de la géométrie analytique; il s'agissait surtout de les développer en tenant compte des besoins modernes des sciences appliquées. L'Association suisse des professeurs de mathématiques l'a reconnu sans peine en adoptant à l'unanimité les thèses que j'ai eu l'honneur de lui soumettre en Décembre 1904 et dont voici le texte (1):

I. En raison de leur importance et de leur portée, la notion de fonction et les problèmes fondamentaux qui s'y rattachent appartiennent au programme de l'enseignement mathématique des écoles moyennes.

II. Quant à l'étendue et à la méthode on devra, d'une part, se borner aux notions fondamentales, et à leurs applications typiques les plus simples, et, d'autre part, éviter un exposé purement abstrait.

Sur la proposition de M. le professeur SUTER il a été ajouté un troisième vou, adopté également à l'unanimité:

III. Il est désirable que dans l'enseignement secondaire supérieur, notamment dans les gymnases, une plus grande place soit accordée au développement historique des mathématiques.

6. Le programme ci-dessus se retrouve donc nécessairement dans le programme des gymnases qui doivent en tenir compte dans l'élaboration de leur plan d'études. Chaque établissement étant libre de fixer son programme détaillé, on trouve une grande variété dans les programmes. En général le programme fédéral est dépassé ou tout au moins traité d'une façon très large. Ainsi les uns accordent une place impor tante aux notions de la géométrie moderne et à l'étude synthétique des sections coniques. La Stéréométrie comprend quelquefois des notions de Géométrie descriptive (par ex. Frauenfeld) et cette façon plus large d'envisager la stéréométrie devrait être adoptée dans tous les établissements n'ayant pas un enseignement proprement dit de Géométrie descriptive. Plusieurs gymnases (par ex. Berne, La Chaux-de-Fonds, St-Gall) font suivre la Trigonométrie plane des éléments de Trigonométrie sphérique et de ses applications simples à la Géographie mathémathique. Quelques programmes mentionnent encore des équations cubiques, les notions sur les nombres complexes et les

(1) Der Funktionsbegriff im mathematischen Unterricht der Mittelschule. (Vortrage gehalten. in der Vereinigung der Mathematiklehrer an schweizerischen Mittelschulen am 17. Dezember 1904. Traduction française dans l'enseignement mathématique, 7e année. La notion de fonction dans l'enseignement mathématique des écoles moyennes, pp. 178-187,1905).

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