Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

« Du 30 au soir au 1er juillet à midi, toute la flotte partit d'Antivari par groupes, comme elle y était venue; inais le premier de ces groupes, que je conduisais, et que je dirigeai, avec toute la rapidité possible, vers le fond de l'Adriatique, où j'avais mission de m'emparer de l'île de Lossini, était composé, en vue d'une résistance à vaincre, de la manière suivante: « Les vaisseaux la Bretagne et le Redoutable;

« Les frégates le Mogador (contre-amiral Bouët-Willaumez) et l'Isly; « La frégate sarde Victor-Emmanuel;

<«< Huit canonnières, une batterie flottante.

« L'île de Lossini, située à l'entrée de l'archipel de Quarnero, est un point central entre Venise, Trieste, Pola, Fiume et Zara, qui sont les principaux établissements maritimes de l'Autriche sur le littoral de la Vénétie, de l'Illyrie, de l'Istrie, de la Hongrie et de la Dalmatie.

« La possession de cette île était pour nous d'une importance extrême et devait nous assurer une excellente base d'opérations; l'ennemi ne pouvait manquer de le comprendre, et nous devions dès lors penser qu'il chercherait à nous opposer une résistance que nous étions d'ailleurs en mesure de briser.

« Il n'en fut rien, et, soit crainte de nous laisser une garnison prisonnière, soit plutôt impuissance de se garder sur toute l'étendue des côtes menacées par la flotte alliée, les Autrichiens avaient complétement abandonné à elle-même la nombreuse population de Lossini et désarmé les tours Maximiliennes qui dominent la ville et le port Augusto.

« Après avoir substitué, sur la ville et sur les tours de Lossini Piccolo, les couleurs françaises et piémontaises à celles de l'Autriche, je fis savoir aux habitants que je les traiterais comme des compatriotes si, de leur côté, ils nous assistaient de toutes leurs ressources. Je fus compris de cette population essentiellement pacifique et commerçante; aussi je jugeai à propos de ne pas user du droit que j'avais de confisquer les quatorze ou quinze navires du commerce mouillés dans le port, après m'être assuré qu'ils étaient bien la propriété d'habitants de l'ile.

« Alors commencèrent les préparatifs de l'attaque des côtes de la Vénétie. Les batteries flottantes reçurent le complément de leur artillerie et se démȧtèrent entièrement, afin d'être moins vulnérables aux coups de l'ennemi; les canonnières en firent autant. Les unes et les autres, dirigées par le contre-amiral Bouët-Willaumez et le capitaine de vaisseau de la Roncière de Neucy, se rendirent dans une baie voisine pour y exécuter des tirs d'exercice, que ces bâtiments, armés en toute hâte, et pourvus, d'ailleurs, d'excellents matelots canonniers brevetés, n'avaient encore pu faire convenablement.

« Le commandant Bourgeois, du Mogador, faisait en même temps, et avec succès, des essais répétés de puissants pétards sous-marins pour faire sauter des estacades imitées de celles qui barraient l'entrée des trois ports de Venise, savoir: Chioggia, Malamocco et Lido.

« Trois jours à peine avaient suffi pour nous établir fortement à Lossini, dont je confiai la garde à quatre cents marins et quatre cents soldats d'infanterie de la marine, sous le commandement supérieur du capitaine de fregate Duvauroux, officier énergique, instruit et vigilant. Des magasins, loués en ville, se remplissaient de nos approvisionnements en vivres, en charbon; des appareils distillatoires se montaient sur la plage, pour nous fournir de l'eau par la distillation de l'eau de mer; enfin un hôpital de cent vingt lits établi à terre, avec nos ressources, recevait les malades des bâtiments de flottille, tandis que nous disposions un des transports mixtes de la flotte pour recevoir les blessés le jour du combat.

<< Pendant qu'une partie de nos infatigables matelots accomplissaient ces travaux de première urgence, sous l'énergique et active direction du contre-amiral Chopart, mon chef d'état-major, les autres complétaient le charbon des bâtiments, dégréaient et démâtaient les batteries blindées, ainsi que les petites canonnières, travaillaient à établir sur des traboccoli capturés des mortiers de trente-deux centimètres que Votre Excellence m'avait accordés avant mon départ de Toulon.

« Le 6 juillet, deux grands transports mixtes arrivaient à Lossini, m'apportant, dans le moment le plus opportun, les trois mille hommes d'infanterie de ligne faisant partie des troupes que l'Empereur avait ordonné d'adjoindre à l'expédition. Je les fis immédiatement répartir sur les vaisseaux j'appris en même temps que le général de division de Wimpffen venait, par ordre de Sa Majesté, pour prendre le commandement des troupes de débarquement.

« Le 7, un aviso que j'avais envoyé à Rimini porter une dépêche télégraphique par laquelle je rendais compte à Votre Excellence de la prise de possession de Lossini et lui demandais les ordres de l'Empereur, ainsi que la recommandation m'en avait été faite avant de quitter Toulon, rentra au port Auguste, porteur d'une dépêche qui y attendait l'arrivée de l'escadre, et par laquelle l'Empereur m'ordonnait d'attaquer les défenses extérieures de Venise.

« La flotte était prête; je fixai le départ au lendemain matin, 8 juillet, laissant seulement deux canonnières toscanes à la disposition du commandant supérieur pour concourir à la sécurité de notre établissement.

« L'attaque combinée de la flotte et du corps expéditionnaire devait

avoir lieu le 10 juillet, et j'en avais avisé Votre Excellence dès le 7, par le télégraphe de Rimini. Personne ne doutait de son succès.

« Le 8 juin, au point du jour, la flotte était sous vapeur et sortait de Lossini, lorsque parut le vaisseau l'Eylau, expédié la veille au soir par le contre-amiral Jurien, pour m'apporter une lettre du gouverneur général de la Vénétie et une dépêche de Vérone par laquelle le général Fleury, aide de camp de l'Empereur, en m'annonçant qu'une suspension d'armes venait d'être signée, m'ordonnait de la part de Sa Majesté de suspendre toute hostilité.

« Un instant après, un aviso parlementaire expédié de Zara me ralliait, et son capitaine me remettait une note par laquelle le gouverneur général de la Dalmatic me donnait également avis de la suspension d'armes.

<«< Cet événement imprévu ne devait pas modifier nos dispositions de départ, et je pensais même que la présence d'une flotte nombreuse devant Venise emprunterait à la suspension des hostilités une nouvelle et grande importance.

<< Toutes les remorques prises, nous nous dirigeâmes donc vers les plages vénitiennes, et le lendemain, au lever du soleil, la flotte entière, forte de quarante-cinq bâtiments de guerre de tous rangs, mouillait sur cinq lignes parallèles à la côte, en vue des dômes de Saint-Marc et d'une population agitée, à ce moment solennel, de sentiments bien divers.

« J'expédiai immédiatement un officier parlementaire à Malamocco, porteur d'une lettre par laquelle j'avertissais le feld-maréchal que je suspendais toute hostilité. Je lui demandais, en même temps, qu'un saufconduit me fût accordé pour un officier que je désirais envoyer au quartier général de l'Empereur, par le chemin de fer de Venise à Vérone. Il me fut répondu que l'on allait en référer à Sa Majesté Apostolique ellemême.

« Le 10 au matin, un aviso portant le pavillon parlementaire vint, le long de la Bretagne, se mettre à ma disposition pour porter l'officier que j'avais demandé à envoyer près de l'Empereur. Mon premier aide de camp, le capitaine de frégate Foullioy, s'y embarqua porteur d'un rapport dans lequel je rendais compte sommairement à Sa Majesté de la situation de la flotte, de ce qu'elle avait fait jusqu'à ce jour et de ce qu'elle était prête à entreprendre au premier signal qui lui en serait donné.

<< Mon aide de camp était de retour le 12 au matin; il avait été accompagné pendant son voyage au travers de l'armée ennemie par des officiers autrichiens et traité avec une extrême courtoisie. Arrivé au quartier général français à Valeggio, il eut l'honneur d'être reçu le 11 au matin par

l'Empereur, qui voulut bien le questionner longuement sur la flotte et sur ses moyens d'action.

« Sa Majesté eut la bonté de lui remettre pour moi la lettre autographe suivante':

« Mon cher amiral,

« Valeggio, le 11 juillet 1859.

« Une suspension d'armes est conclue jusqu'au 15 août; je vous prie << donc de renvoyer à Lossini tous les bâtiments qui n'ont pas besoin de « tenir la mer.

« Si la paix ne se fait pas, je compte sur l'énergie de la flotte et sur « l'habileté de son chef pour concourir avec l'armée de terre au but que « je me suis proposé.

Employez le temps jusqu'au 15 août à exercer les équipages, à faire

« des reconnaissances sur toutes les côtes, et à tâcher d'avoir des rensei«gnements sur les points faibles de l'ennemi.

« Recevez l'assurance de mon amitié.

« NAPOLÉON. »

<«< Je termine ici, monsieur l'amiral; le reste est connu de Votre Excellence; elle sait que l'abnégation est une vertu nécessaire et essentielle de notre profession : les marins de la flotte de l'Adriatique, déçus de l'espoir de voir couronner de grands efforts d'activité par une participation honorable aux glorieux travaux de l'armée, savent encore se réjouir des triomphes auxquels il ne leur a pas été donné de concourir les armes à la main, et s'associer aux joies ainsi qu'à la reconnaissance de la patrie.

« Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon profond respect.

« Le vice-amiral, sénateur, commandant en chef

l'escadre de la Méditerranée,

« ROMAIN-DESFOSSÉS. »

111.

39

XIII

LA PAIX DE VILLAFRANCA

C'était le 7 juillet; le cinquième corps était réuni au gros de l'armée alliée. Il était trois heures du matin. Toutes les troupes franco-sardes étaient sous les armes, déployées à l'est de Peschiera, attendant l'ennemi qu'on annonçait s'avançant pour débloquer cette place et espérant une nouvelle bataille et une nouvelle victoire. A six heures, les troupes rentraient au camp, sans avoir eu à brûler une seule amorce, et reprenaient leurs positions respectives. Ces positions, les voici : les Piémontais, appuyés par notre premier corps, assiégeaient Peschiera; le deuxième corps avait son quartier général à Monzambano; le quatrième corps observait Villafranca, l'ennemi venant de Vérone; le troisième corps et la garde impériale étaient à Valeggio; enfin le cinquième corps était placé en arrière, à Goïto, sur la rive droite du Mincio, observant Mantoue.

Le 8 juillet, l'armée alliée occupait donc une ligne admirablement disposée pour forcer le quadrilatère, pendant que l'escadre française s'apprêtait à seconder les opérations de cette armée, en attaquant Venise du côté de la mer, mouvement qui devait avoir lieu le 15. Mais bientôt on apprit, par l'ordre du jour suivant, qu'un armistice, préliminaire de la paix, avait été arrêté entre l'empereur des Français et l'empereur d'Autriche.

« Soldats,

« Valeggio, 10 juillet.

« Une suspension d'armes a été conclue, le 8 juillet, entre les parties belligérantes, jusqu'au 15 août prochain. Cette trêve vous permet de vous reposer de vos glorieux travaux, et de puiser, s'il le faut, de nouvelles forces pour continuer l'œuvre que vous avez si bravement inaugurée par votre courage et votre dévouement. Je retourne à Paris et je laisse le commandement provisoire de mon armée au maréchal Vaillant, major général. Mais, dès que l'heure des combats aura sonné, vous me reverrez au milieu de vous pour partager vos dangers. »

<< NAPOLEON. »

« ZurückWeiter »