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Protocole No. 4.

Séance du 15 janvier 1869. Présents: MM. les Plénipotentiaires d'Autriche - Hongrie, de France, de Grande-Bretagne, d'Italie, de Prusse et de la Confédération de l'Allemagne du Nord, de Russie, de Turquie; le Secrétaire de la Conférence.

M. le Plénipotentiaire de France rappelle que les membres de la Conférence, en se séparant hier, étaient convenus de délibérer dans la séance d'aujourd'hui sur un projet de déclaration destiné à être communiqué à la Grèce. Il a lui-même indiqué ses idées dans un travail, sans caractère officiel, élaboré uniquement pour servir de thème à la discussion. Il demande que chacun présente les observations auxquelles la rédaction proposée par lui aurait pu donner lieu.

La plupart des Plénipotentiaires déclarent qu'ils n'ont aucune objection à élever sur l'ensemble, et M. le Plénipotentiaire de Prusse propose que le document rédigé par M. le Marquis de La Valette soit lu paragraphe par paragraphe.

M. le Plénipotentiaire de Turquie dit que, n'étant pas encore en possession des instructions qu'il attend, il assistera à la discussion en faisant ses réserves.

Sur les explications qui lui sont demandées par MM. les Plénipotentiaires de Prusse et de Russie, M. l'Ambassadeur de Turquie ajoute que la déclaration projetée soulève ponr lui une question de conduite sur laquelle il a besoin de connaître l'avis préalable de son Gouvernement.

M. le Plénipotentiaire d'Italie reconnaît qu'en effet le Représentant de la Porte peut se demander sous quelle forme il devra s'associer à la déclaration collective, et suivant M. le Chevalier Nigra, il n'est pas nécessaire que M. le Plénipotentiaire de Turquie appose sa signature à ce document: il signerait simplement le Protocole dans lequel l'adoption de la déclaration sera constatée.

M. le Plénipotentiaire d'Autriche - Hongrie croit qu'il est indispensable que le Représentant de la Turquie soit lié par le Protocole, s'il ne croit pas pouvoir s'associer à la déclaration, et M. le Prince de Metternich fait remarquer, au surplus, que, dans le cas où le Plénipotentiaire de Turquie participerait à la déclaration, le projet présenté par M. le Marquis de La Valette devrait être modifié dans plusieurs passages de sa rédaction.

M. le Plénipotentiaire de France dit qu'il appartient à M. le Plénipotentiaire de Turquie d'examiner le parti qu'il lui convient de prendre, soit qu'il désire signer la déclaration finale ou simplement le Protocole, et les réserves qu'il peut faire à ce sujet n'empêchent pas la discussion sur la déclaration elle-même. M. le Plénipotentiaire de Turquie donne son assentiment à cette proposition.

M. le Marquis de La Valette lit le premier parapraphe, ainsi conçu, du projet communiqué par lui à ses Collègues:

Justement préoccupées des dangers qui peuvent naître de la rupture des relations entre la Turquie et la Grèce, les Puissances signataires du Traité de 1856 se sont entendues pour apai

ser le différend survenu entre les deux États et ont autorisé à cet effet leurs Représentants auprès de S. M. l'Empereur des Français à se constituer en Conférence.

»Après une étude attentive des documents échangés entre les deux Gouvernements, les Plénipotentaires sont tombés d'accord pour regretter que, cédant à des entraînements sur lesquels son patriotisme a pu l'égarer, la Grèce ait donné lieu aux griefs articulés par la Porte Ottomane dans l'Ultimatum remis le 11 décembre 1868 au Ministre des Affaires étrangères de S. M. le Roi des Hellènes. Il est constant, en effet, que les principes du droit des gens obligent la Grèce, comme toutes les autres nations, à ne pas permettre que des bandes se recrutent sur son territoire, ni que des bâtiments s'arment dans ses ports pour attaquer un État voisin."

M. le Plénipotentiaire de Turquie demande incidemment s'il était permis à la Grèce d'agir comme elle l'a fait dans l'affaire de Crète.

M. le Plénipotentiaire de France fait observer que la Conférence a jugé à dessein convenable de ne pas s'engager dans l'interprétation des lois helléniques, et qu'une semblable manière de procéder aurait des inconvénients qui se présentent d'euxmêmes à l'esprit.

M. le Chevalier Nigra pense qu'il est utile pour la Turquie, sans entrer dans l'examen des lois intérieures, qui sont révocables, de se placer sur le terrain du droit des gens, qui est per

manent.

A la suite de ces observations, le premier paragraphe du projet de déclaration est adopté.

M. le Marquis de La Valette donne lecture du deuxième paragraphe ci-après:

,Persuadée d'ailleurs que le Cabinet d'Athènes ne saurait méconnaître la pensée qui inspire cette appréciation aux trois Cours protectrices de la Grèce comme à toutes les autres Puissances signataires du Traité de 1856, la Conférence déclare que le Gouvernement hellénique est tenu d'observer, dans ses rapports avec la Turquie, les règles de conduite communes à tous les Gouvernements, et de satisfaire ainsi aux réclamations formulées par la Sublime Porte pour le passé, en la rassurant en même temps pour l'avenir.

,,La Grèce devra donc s'abstenir désormais de favoriser ou de tolérer la formation, sur son territoire, de toute bande armée en vue d'une agression contre la Turquie, et prendre les dispositions nécessaires pour empêcher l'armement, dans ses ports, de bâtiments destinés à secourir, sous quelque forme que ce soit, toute tentative d'insurrection dans les possessions de S. M. le Sultan."

Sur les observations de plusieurs Plénipotentiaires, la seconde partie de ce paragraphe est modifiée ainsi qu'il suit:

,,La Grèce devra donc s'abstenir désormais de favoriser ou de tolérer:

,,1° La formation, sur son territoire, de toute bande armée en vue d'une agression contre la Turquie;

,,2° L'armement, dans ses ports, de bâtiments destinés à se

courir, sous quelque forme que ce soit, toute tentative d'insurrection dans les possessions de S. M. le Sultan."

M. le Marquis de La Valette continue la lecture de son projet et propose la rédaction suivante au sujet du repatriement des Crétois:

,,En ce qui regarde les demandes de la Porte relatives au repatriement des sujets turcsr éfugiés sur le territoire hellénique, la Conférence prend acte des déclarations faites par le Cabinet d'Athènes dans ses notes des 9 et 13 décembre, et demeure convaincue qu'il se prêtera à faciliter, autant qu'il dépend de lui, le départ des familles candiotes qui désireraint rentrer dans leur patrie."

Ce paragraphe est adopté, avec la substitution des mots,,Crétois émigrés" à ceux de,,sujets turcs."

Le paragraphe suivant est ainsi conçu:

,,Quant aux dommages privés encourus par des sujets ottomans, le Gouvernement hellénique ne contestant nullement à la Turquie le droit de faire poursuivre, par la voie judiciaire, les réparations qui pourraient être dues, et la Turquie acceptant, de son côté, la juridiction des tribunaux grecs, les Plénipotentiaires ne croient pas devoir entrer dans l'examen des faits, et sont d'avis que le Cabinet d'Athènes ne doit négliger aucune des voies légales pour que l'oeuvre de la justice suive son cours régulier." Cette rédaction n'ayant donné lieu à aucune observation, M. le Plénipotentiaire de France achève en ces termes la lecture de son projet:

,,La Conférence ne saurait douter que, devant l'expression unanime de l'opinion des Plénipotentiaires sur les questions soumises à leur examen, le Gouvernement hellénique ne s'empresse de conformer ses actes aux principes qui viennent d'être rappelés, et que les griefs exposés dans l'Ultimatum de la Porte ne se trouvent, par le fait même, définitivement écartés.

> Cette déclaration sera portée sans délai à la connaissance du Cabinet d'Athènes, et les Plénipotentiaires ont la conviction que la Sublime Porte renoncera à donner suite aux mesures annoncées par elle comme devant être la conséquence de la rupture des relations diplomatiques, si, dans une communication notifiée aux Cabinets, la Grèce défère à l'opinion émise par la Conférence.

> Les Plénipotentiaires, faisant dès lors appel aux mêmes sentiments de conciliation et de paix qui animent les Cours dont ils sont les Représentants, expriment l'espoir que les deux Gouvernements n'hésiteront pas à renouer leurs rapports et à effacer ainsi, dans l'intérêt commun de leurs sujets, toute trace du dissentiment qui a motivé la réunion de la Conférence.<<

M. le Prince de Metternich propose qu'un délai soit fixé à la Grèce pour faire connaître si elle s'engage à se conformer à la déclaration qui lui sera transmise.

M. le Plénipotentiaire de France appuie cette proposition, qui lui paraît d'un intérêt égal pour les deux parties, et il pense que le délai, auquel d'ailleurs on devrait s'abstenir avec soin de donner un caractère comminatoire, pourrait courir du jour de la remise de la déclaration entre les mains du Ministre des Affaires étrangères de Grèce.

M. le Chevalier Nigra regarde comme essentiel que la Turquie adhère préalablement à la déclaration, et elle pourrait le faire en reproduisant les termes de ce document, c'est-à-dire en affirmant qu'elle renoncera à donner suite aux mesures qu'implique le rejet de son Ultimatum, si la Grèce défère à l'opinion émise par la Conférence.

M. l'Ambassadeur de Turquie exprime l'espoir que, si la Grèce prend l'engagement d'observer désormais les prescriptions du droit international, la Porte ne fera pas d'objection au rétablissement des rapports diplomatiques; mais il ne voit pas la nécessité de faire dès à présent une déclaration à ce sujet.

M. le Plénipotentiaire de France constate qu'il ne s'agit plus en ce moment que de déterminer dans quels termes et dans quel délai il serait nécessaire que le Gouvernement hellénique répondit pour que la Porte pût retirer les mesures résultant de son Ultimatum.

M. le Chevalier Nigra est d'avis que la déclaration devrait être portée à la connaissance du Gouvernement hellénique par une dépêche du Président de la Conférence. Cette dépêche tracerait implicitement au Cabinet d'Athènes sa réponse, qui devrait consister dans une acceptation pure et simple.

M. le Comte de Stackelberg approuve cette manière de procéder; il pense que la fixation d'un terme dans la déclaration y donnerait un caractère impératif qu'elle ne doit pas revêtir, et qu'il suffira de mentionner le délai dans la dépêche que le Président adressera au Gouvernement hellénique au nom de la Conférence, et dont les termes pourraient être discutés et arrêtés d'un commun accord.

M. le Marquis de La Valette dit qu'il est prêt à se conformer aux intentions de la Conférence.

Au moment où la séance allait être levée, M. le Plénipotentiaire de France reçoit communication d'un document autographié et non signé, portant le titre de Mémoire sur le conflit Gréco-Turc, et qui lui est transmis par M. le Ministre de Grèce à Paris. Après avoir pris connaissance de cette pièce, ainsi que de ses annexes, et en avoir lu les principaux passages à la Conférence, M. le Marquis de La Valette propose, pour en faciliter l'étude, d'en faire distribuer des copies à chacun des Plénipotentiaires, qui pourront ainsi en mieux apprécier l'argumentation.

Afin de déférer au voeu, unanimement exprimé dans la dernière réunion, que les communications de la Grèce soient accueillies avec bienveillance et sérieusement examinées, les Plénipotentiaires décident que le projet de déclaration sur lequel ils sont tombés d'accord, ne sera pas parafé avant que chacun d'eux ait pu se rendre compte de la valeur du document émané de la Chancellerie hellénique.

Fait à Paris, le 15 janvier 1869.

(Suivent les signatures.)

Nouv. Recueil gén. Tome XVIII.

G

Protocole No. 5.

Séance du 16 janvier 1869.

Présents: MM. les Plénipotentiaires de l'Autriche-Hongrie, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de la Prusse et de la Confédération de l'Allemagne du Nord, de la Russie, de la Turquie; le Secrétaire de la Conférence.

en

M. le Plénipotentiaire de France ouvre la délibération constatant que le document qui lui a été transmis hier par M. le Ministre de Grèce à Paris à été distribué, ainsi qu'il avait été convenu dans la séance d'hier, et que chacun des Membres de la Conférence a pu s'en rendre compte. M. le Marquis de La Valette annonce qu'il a reçu aujourd'hui de M. Rangabé l'extrait d'une dépêche de M. Delyanni, datée d'Athènes le 7 janvier, et qui reproduit les conclusions des différentes notes adressées par le Cabinet hellénique au Ministre de Turquie en Grèce, en formant une demande reconventionelle contre le Gouvernement turc pour les préjudices que les sujets grecs auraient éprouvés par suite des dernières mesures aussi bien que de l'inobservation des Traités.

Il est donné lecture de cette pièce à la Conférence.

M. le Prince de Metternich déclare qu'après avoir examiné le Mémoire qui a été distribué aux Plénipotentiaires, et entendu celui qui vient d'être porté à leur connaissance, il ne croit pas qu'il y ait lieu de s'écarter des principes, ni de modifier la base de la déclaration discutée dans la séance précédente.

M. le Plénipotentiaire d'Angleterre dit qu'il a lu avec le plus grand soin le document adressé hier à la Conférence par M. le Ministre de Grèce; il l'a comparé avec d'autres documents et spécialement avec le projet de déclaration; il a en outre écouté avec une très-grande attention la lecture de la dépêche de M. Delyanni, et il juge que les arguments développés dans les deux pièces transmises à la Conférence laissent subsister toutes les raisons qui l'ont déterminé à adhérer au projet de déclaration.

M. le Plénipotentiaire d'Italie déclare qu'il a prêté la même attention scrupuleuse à l'examen des documents grecs, mais qu'à ses yeux il y a lieu de maintenir des résolutions qui sont fondées sur une juste et équitable appréciation des questions soumises à la Conférence.

M. le Plénipotentiaire de Prusse, tout en témoignant de l'intérêt avec lequel il a entendu la lecture de ces documents, est d'avis que les prendre en considération ce serait rentrer dans la discussion des faits, que la Conférence a tenu à éviter.

M. le Plénipotentiaire de Russie tronve les documents émanés du Cabinet d'Athènes remplis d'utiles informations, et il en apprécie la forme modérée; mais il doit reconnaître que les satisfactions proposées par la Grèce ne suffiraient pas à écarter les demandes de la Porte, ni à conjurer les calamités de la guerre. Or, comme le but de la Conférence est d'aplanir un différend qui menace la paix, et que l'on est tout près de s'entendre sur une déclaration établissant des principes généraux obligatoires pour la Grèce comme pour les autres États, M. le Comte de Stackelberg est d'avis de maintenir la marche adoptée, en approuvant le projet élaboré avant la communication des documents

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