Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Il s'engagea même à ce sujet une correspondance particulière très-animée entre M. Drouyn de Lhuys et le principal secrétaire d'État de Sa Majesté Britannique : le premier soutenait que la convention des détroits donnait non-seulement le droit, mais imposait aussi l'obligation aux puissances signataires d'intervenir en faveur de la Turquie, tandis que le ministre des affaires étrangères de la Grande-Bretagne s'efforçait de le contester.

Ce qui plus est, à la date du 18 juin 1853, le cabinet britannique adressait à la Sublime Porte la pressante recommandation de ne pas considérer l'entrée des Russes dans les principautés danubiennes comme un casus belli, dans le cas où une telle éventualité s'accomplirait. Assuré d'avance que la Grande-Bretagne ne tirerait pas l'épée si les Russes occupaient les provinces danubiennes, le czar ordonna à ses troupes de franchir le Pruth le 7 juillet suivant.

La tiédeur dont faisait preuve le ministère anglais en présence des complications toujours croissantes d'Orient, poussa lord Clanricarde à proposer dans la séance du 14 février 1854, à la chambre des lords, une humble adresse à la reine. Résumant les tergiversations et l'insouciance de la politique anglaise, le noble lord soutint qu'elle n'avait été qu'un encouragement pour la Russie à tout oser.

Lord Clarendon fut contraint d'avouer que l'Angleterre n'était ni en paix ni en guerre, mais dans cette situation intermédiaire qui n'était plus l'une sans être encore l'autre. Le ministre des affaires étrangères ex

prima l'espoir que la guerre pourrait être évitée, et

le

gou

finit par promettre, dans le cas contraire, que vernement la pousserait avec vigueur, d'accord avec la France, dont il vanta beaucoup la loyauté.

Depuis lors, en effet, la politique anglaise abonda chaque jour davantage dans le sens d'une étroite solidarité avec la France, dont la persévérance et la fermeté vinrent enfin à bout de toutes les difficultés qui s'étaient opposées à son désir de voir l'indépendance de l'empire ottoman placée sous la garantie collective des puissances signataires de la convention du 13 juillet 1841.

Durant la conférence de Vienne, l'entente la plus complète s'était déjà établie entre les alliés du 2 décembre sur la nécessité d'insérer dans le traité de paix une stipulation sanctionnant le principe de garantie collective, touchant l'indépendance et l'intégralité territoriale de l'empire ottoman. C'est cette garantie, laquelle se trouve formulée à l'article 7 du traité de Paris, dans des termes presque identiques à ceux arrêtés par la conférence de Vienne dans la séance du 19 avril, où le comte Buol proposa de la renforcer par une stipulation complémentaire qui, en rendant à la Turquie toute son autonomie, consacre en droit et en fait son entrée dans le système politique de l'Europe.

Si l'on remonte à la véritable cause de la guerre entre la Russie et les puissances occidentales, elle n'est autre que l'outrecuidance opiniâtre avec laquelle la cour de Pétersbourg, jusqu'au mois de novembre 1854,

a repoussé l'intervention des tierces puissances dans ses démêlés avec la Turquie. On se rappelle sans doute avec quel ton dédaigneux le comte de Nesselrode répondit aux avances de la conférence de Vienne touchant les quatre points de garantie consignés dans les notes du 8 août. Les contre-propositions de l'archichancelier pivotaient sur le refus de la Russie d'admettre aucune intervention diplomatique étrangère. Lorsque le comte Buol déclara au baron de Meyendorf qu'il allait néanmoins soumettre ses contre-propositions à la conférence de Vienne, le représentant russe s'écria: «Que la conférence n'existait pas pour lui, et que sa communication s'adressait uniquement au gouvernement autrichien. »

Prenant bonne note de ces paroles, le comte Buol appela l'attention de la conférence de Vienne sur la possibilité d'un conflit entre la Sublime Porte et la Russie, et, afin de parer aux nouvelles complications qui pourraient en résulter, il lui proposa l'adoption de l'article suivant :

[ocr errors]

« Si un conflit survenait entre la Porte et l'une des

puissances contractantes, ces deux États, avant de

» recourir à l'emploi de la force, devraient mettre les >> autres puissances en mesure de prévenir cette extré» mité par les voies pacifiques.

[ocr errors]

La même proposition, après avoir subi quelques légers changements de rédaction, forme l'article 10 du traité de paix de Paris, et efface d'un seul trait de plume les prétentions que la Russie avait depuis si

longtemps affichées par rapport à l'immixtion dans les affaires intérieures de la Porte.

C'est ainsi que la révision de la convention des détroits, laquelle n'offre à des esprits superficiels que le caractère d'une question secondaire, constitue en réalité un des plus grands triomphes dont la diplomatie française puisse s'enorgueillir, triomphe auquel le cabinet de Vienne a prêté un concours aussi ferme que loyal. Le grand principe que la France, d'accord avec ses alliés, a inscrit dans le traité du 30 mars, en le substituant aux doctrines que la Russie, s'appuyant sur la convention des détroits, maintenait depuis quinze ans avec tant d'opiniâtreté, est le principal lien qui rattache l'empire ottoman à la famille européenne, et le fera dorénavant participer aux avantages du droit public et du concert des États occidentaux.

Comme l'a si bien dit M. le baron de Bourqueney au sein de la conférence de Vienne, l'obligation internationale inscrite dans les articles du traité de paix, en vertu dudit principe, impose à toutes les parties contractantes des devoirs dont le prompt accomplissement étouffera dans leurs germes les complications futures.

IV.

NEUTRALISATION DE LA MER NOIRE. LIBELLÉ DU 30 MARS 1855.

MEMORANDUM DU 14 NOVEMBRE 1855.

« ZurückWeiter »