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czars à renoncer pour toujours à la conquête de Constantinople, rêvée par eux depuis Pierre le Grand.

La quatrième garantie, motivée par la mission du prince Menschikoff, laquelle provoqua la lutte opiniâtre et sanglante entre la Russie et les puissances occidentales, rend au sultan la plénitude de sa souveraineté ; elle a pour but de mettre fin d'une manière efficace aux tiraillements intérieurs que l'incessante intervention de la cour de Pétersbourg avait soin de multiplier pour hâter la chute de l'empire ottoman, dont elle convoitait l'héritage.

On n'a pas assez relevé dans les journaux ce fait que le congrès de Paris, intervertissant l'ordre dans lequel les conditions de paix sont consignées dans l'annexe au protocole arrêté à Vienne le 1er février dernier, a placé dans l'instrument général de la paix la quatrième garantie en tête de toutes les autres. Les hautes parties contractantes ont évidemment entendu donner par là la mesure de l'importance qu'elles attachent à l'heureuse solution d'une question considérée à bon droit par tous les hommes d'État comme le véritable nœud des complications orientales. Les prétentions inadmissibles de la Russie et la constitution organique de la Turquie se réunissaient pour entraver le règlement des intérêts si opposés engagés sur ce terrain.

Nulle part le cabinet russe n'a plus carrément revendiqué ses droits prétendus d'ingérence en faveur des Grecs orthodoxes soumis à la domination de la Porte, que ne l'a fait le comte de Nesselrode dans la dépêche

du 1er juin 1853 adressée à M. de Brunnow, dont voici le passage le plus saillant :

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« Il y a un fait que toutes les précautions et les méfiances diplomatiques ne seront pas en état de déplacer c'est celui de la sympathie et de la communauté d'intérêts qui attachent notre population de cinquante millions d'orthodoxes aux douze millions et plus qui composent la majorité des sujets du sultan. « Que cela puisse être fàcheux pour ceux qu'inquiète notre influence, le fait n'en existe pas moins. Apparemment » on n'exigera pas de nous que nous renoncions à » cette influence pour dissiper des alarmes exagérées. » Nous le voudrions par impossible, que nous ne le » pourrions pas. »

"

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Que l'on compare un pareil langage avec l'article 9 du traité de paix signé le 30 mars dernier, interdisant aux puissances contractantes « de s'immiscer soit col>> lectivement, soit séparément, dans les rapports du » sultan avec ses sujets, ni dans l'administration inté>> rieure de son empire, » l'on reconnaîtra sans peine combien est profond le revirement qui, grâce aux alliés du 2 décembre, vient de s'opérer dans la politique moscovite par rapport à la Turquie. Il y a dans les annales de la diplomatie peu d'exemples d'une satisfaction plus large, plus complète, donnée aux intérêts de l'équilibre européen, que celle accordée par la cour de Pétersbourg dans l'article 9 du traité.

Avant d'aboutir à cet heureux résultat, la négociation entamée aux conférences de Vienne se présenta

d'abord hérissée de difficultés considérables. Non-seulement il paraissait impossible de concilier les vues diamétralement opposées que la Russie d'une part, et la Sublime Porte de l'autre, cherchaient à faire prévaloir dans le règlement de la quatrième garantie, mais il y avait aussi, entre l'Autriche et les puissances occidentales, dans la manière d'envisager le côté pratique de cette garantie, une nuance distincte qui rendait leur entente sinon problématique, du moins assez laborieuse.

Précisons plus particulièrement les trois opinions diverses qui se trouvaient en présence.

La conférence de Vienne avait, dans sa séance du 19 avril 1855, proclamé en principe que la Sublime Porte participerait dorénavant aux avantages du concert établi par le droit public entre les différents États de l'Europe. Le divan mettait donc en avant l'indépendance souveraine du sultan pour se refuser à ce que toute mesure à prendre en faveur des raïas devînt l'objet d'un engagement européen, attendu que de telles mesures émanées de la libre initiative du Grand Seigneur ne sauraient jamais, d'après les règles du droit des gens, assumer le caractère d'un contrat synallagmatique.

Dans une circulaire datée du 12 mai 1855, envoyée aux légations de la Russie établies à l'étranger, pour leur rendre compte des résultats obtenus par les négociations de Vienne, et leur expliquer les circonstances qui en avaient entravé le progrès, l'archi

chancelier s'efforce d'infirmer les arguments produits la Sublime Porte, et leur oppose le raisonnement

par

suivant :

« A cette question, vous le savez, dit le comte de Nesselrode s'adressant aux agents russes du dehors, le sentiment national de la Russie attache une importance si haute et si grave, que feu l'empereur avait prescrit à ses représentants de la placer au premier rang dans le texte du traité à conclure. Nul doute que toutes les puissances ne fussent appelées à reconnaître, de concert avec la Russie, la grandeur de l'intérêt commun à toute la chrétienté dans le but unanimement avoué de sauvegarder par une transaction européenne l'avenir des populations chrétiennes d'Orient, sans distinction du rite qu'elles professent. »

Le cabinet français, prenant en main la défense des principes invoqués par la Turquie, s'empressa de répondre au comte de Nesselrode dans une note adressée le 23 mai 1855 aux diverses légations de la France, par le comte Walewski:

<«< Une question religieuse, envenimée par les prétentions de la Russie, avait été la cause de la guerre.... Le cabinet de Saint-Pétersbourg avait exigé un engagement formel, qui, pour ne s'appliquer en apparence qu'à des immunités religieuses, n'en eût pas moins humilié la Porte, entravé son action administrative, et paralysé dans l'ordre civil toute réforme efficace. La France et l'Angleterre ont reconnu hautement que le gouvernement turc devait se refuser à subir de telles

conditions, qui eussent été la ruine de son indépendance; et, si l'on se réfère au texte de la quatrième garantie, il est facile de voir que la Russie s'obligeait à renoncer à les reproduire, et à laisser au sultan, sauf l'action amicale et les conseils de ses alliés, l'initiative des mesures à prendre dans l'intérêt matériel et moral de ses sujets.... Les dernières réformes opérées en Turquie, celles qu'elles provoquent, l'empressement que la Sublime Porte a mis à écouter nos conseils, prouvent

que le cœur du sultan est ouvert aux inspirations les plus généreuses. Ce qu'il faut, c'est que ces inspirations puissent être suivies sans trouble, c'est que celui qui les conçoit en ait le mérite aux yeux de ses sujets et du monde, et, pour que ce résultat soit obtenu, il est indispensable que la Russie, à l'avenir, abandonne les armes dont elle s'est servie tour à tour, soit pour arrêter d'utiles réformes, soit pour indisposer les populations contre leur souverain. >>

L'Autriche, tout en partageant l'avis des puissances occidentales, qu'il fallait ôter à la diplomatie russe le dernier prétexte d'immixtion dans les affaires intérieures de la Turquie, était très-préoccupée du danger qu'il y aurait à laisser le sort des chrétiens sujets de la Porte livré entièrement à l'arbitraire du divan et aux vicissitudes d'une administration troublée par les fréquentes crises ministérielles qui se succèdent à Constantinople.

Au défaut d'une direction supérieure bien établie, le pouvoir central en Turquie réunit un autre élément de

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