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midi nous tenions sur toute la ligne, et les Prussiens, bien qu'ils fussent deux fois supérieurs en nombre, voyaient la victoire leur échapper, lorsque l'arrivée sur le champ de bataille de la 22e division allemande et du corps d'armée wurtembergeois, vint tout à coup changer la face des choses.

A Borny, à Mars-la-Tour, à Gravelotte, nos soldats se sont battus comme des héros.

Il a fallu un concours de circonstances inouïes pour paralyser les efforts de l'héroïque Bourbaki.

Malgré leurs défaites, les soldats français sont encore les premiers du monde; les Allemands le savaient si bien, que jamais ils n'ont osé les aborder à la baïonnette ou soutenir leur choc, et partout c'est en s'abritant derrière des bois ou des murs qu'ils les ont fusillés.

Pour nous vaincre, il a fallu aux Allemands leur admirable organisation militaire, leur immense supériorité numérique, leur écrasante artillerie, et la nouvelle tactique, plus habilement prudente qu'héroïque, qu'ils ont introduite dans l'art de la guerre.

Sedan avait capitulé le 1er septembre, Metz capitula le 27 octobre. Si Bazaine avait tenu quinze jours de plus, l'armée du prince Frédéric-Charles n'aurait pas. pu marcher en temps opportun contre l'armée de Chanzy; celle-ci arrivait alors sous Paris, et la France était encore sauvée.

Le procès du maréchal Bazaine nous paraît être complétement instruit. Cet homme qui, selon les expressions de Changarnier, « a eu l'insigne malheur de ne » pas assister à la bataille de Borny »; cet homme qui, toujours au témoignage de Changarnier, aurait pu

percer les lignes ennemies, et qui ne l'a pas fait; cet homme qui a commis des fautes graves qui ont toutes les apparences du crime, cet homme n'est pas seulement un chef malhabile et négligent, c'est un vulgaire et coupable ambitieux qui a sacrifié ses devoirs de soldat et de citoyen à des visées politiques, et à l'espérance de devenir l'instrument d'une restauration impériale de laquelle il aurait eu le droit de tout exiger, et le titre de prince et une principauté de plusieurs millions!

Les preuves qui justifient cette assertion surabondent, et la justification que leur a opposée l'homme du Mexique est absolument dérisoire (voy. Histoire de la capitulation de Metz. Enquête sur la trahison de Bazaine et de Coffinières. France et Belgique, 1871).

Les troupes et la garde nationale enfermées dans Paris depuis le 19 septembre pouvaient-elles encore sauver la France? Sans revenir ici sur des questions que déjà nous avons traitées, constatons seulement ici que Paris ne nous a pas sauvés! Et c'est alors (9 novembre) qu'un grand citoyen, qu'un ardent patriote, c'est alors que Gambetta s'écrie:

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<< Français !

» Élevez vos âmes et vos résolutions à la hauteur des >> effroyables périls qui fondent sur la patrie; il dépend encore de nous de lasser la mauvaise fortune et de » montrer à l'univers ce que peut un grand peuple qui » ne veut pas périr, et dont le courage s'exalte au sein » même des catastrophes. »

Hélas! le grand peuple ne répondit pas à l'appel de Gambetta; son courage, au lieu de s'exalter, s'anéantit.

Les Français de 1870 ne surent pas opposer aux soldats de Guillaume l'invincible résistance que les Espagnols avaient opposée aux soldats de Napoléon Ier et les Mexicains aux soldats de Napoléon III.

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Malgré les héroïques efforts de Chanzy, de Faidherbe, la France s'abandonna! Et c'est ici qu'apparaît la cinquième et suprême cause de nos désastres : l'extinction du patriotisme francais! Grande question, que nous ne pourrions étudier convenablement qu'en entrant dans des considérations d'histoire, de politique, de morale, de sociologie, qui nous entraîneraient beaucoup trop loin.

Bornons-nous à quelques propositions aphoristiques, en nous réservant de les développer ailleurs.

L'extinction du patriotisme en France est le résultat direct de la démoralisation du peuple français.

La démoralisation du peuple français se rattache à trois influences principales :

Une influence gouvernementale,
Une influence cléricale,
Une influence démagogique.

Influence gouvernementale. Partout et toujours la corruption a été l'un des instruments préférés des gouvernements. Malgré les dures leçons de l'expérience, les gouvernants se transmettent traditionnellement cette énorme erreur historique, philosophique et morale, à savoir que pour tout gouvernement, le moyen le plus facile et le plus sûr de se défendre et de se consolider est, non d'éclairer et de moraliser le peuple,

mais de l'abêtir et de le sensualiser; de faire appel, non à ses idées et à ses sentiments, mais à ses appétits et à ses convoitises.

De là, l'opposition à l'instruction gratuite et obligatoire et à l'adjonction électorale des capacités; la protection, l'appui donnés au parti clérical; la surexcitation imprimée à l'égoïsme, aux intérêts personnels et matériels, au luxe; de là, le culte du veau d'or, substitué à celui de l'honneur, de l'abnégation et du dé

vouement.

La corruption gouvernementale est donc de tous les temps et de tous les lieux; mais, au point de vue de la pratique et des résultats sociaux immédiats, l'influence corruptrice est ramenée à une question de limites, de degré, de voies et moyens.

En ce qui concerne la France, et sans remonter bien haut dans son histoire, l'on doit dire, à l'honneur de la Restauration, que, sous Louis XVIII et Charles X, le gouvernement et l'opposition se sont également maintenus sur le noble terrain des principes, des convictions philosophiques, politiques et religieuses. Aussi la révolution de 1830 a-t-elle été exclusivement politique et philosophique. C'est aux cris de vive la Charte! vive la liberté de la presse! que Charles X a été renversé.

C'est sous le gouvernement de Louis Philippe que la corruption a été erigée en système de gouvernement, par l'austère intrigant que Royer Collard se défendait d'avoir appelé austère.

M. Guizot, en s'écriant à Lizieux: « Mes chers élec»teurs, enrichissez vous et ne vous sentez pas corrom» pus; » M. Duchâtel, en multipliant outre mesure le nombre des électeurs achetés et payés, ont commencé la démoralisation du Peuple français. Aussi la révolu

tion de 1848 a-t-elle été surtout morale, et c'est aux cris de: A bas la corruption qu'est tombé Louis-Philippe.

Et cependant ce roi était un honnête homme; ses fils étaient de braves jeunes gens élevés dans le culte de la liberté; la Cour était digne et probe; les ministres eux-mêmes, MM. Duchâtel et Guizot en tête, étaient des hommes d'une intégrité absolue qui, à titre d'électeurs, auraient repoussé avec indignation et mépris la corruption électorale; tous les hommes d'Etat du règne ont quitté les affaires plus pauvres qu'ils n'y étaient entrés, et dans ces temps relativement heureux, la peccadille de Cubières fut considérée comme une honteuse infamie! Morny, Saint-Arnaud, Magnan, Espinasse et tutti quanti, combien vous avez dû rire de cette mesquine pruderie!

Et cependant l'instruction publique et l'enseignement supérieur étaient favorisés et dirigés dans les voies libérales. Et cependant le parti clérical était maintenu dans les limites du domaine spirituel et théologique.

Et au gouvernement de Louis-Philippe devait succéder le gouvernement de Napoléon III!

Sous ce règne, la corruption sue par tous les pores; partie du sommet, elle envahit l'édifice social jusque dans sa base; les courtisans, les ministres, la Cour sont également corrompus; l'aristocratie impériale est aussi corrompue que la Cour; la bourgeoisie se met à l'unisson de l'aristocratie, et enfin le peuple se corrompt jusqu'à la moelle !

Louis XIV était le Roi-Soleil; Napoléon III devient l'Empereur-argent!

De l'argent, beaucoup d'argent, toujours de l'argent;

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