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d'un morceau de craie, il écrivit sur les portes le nom des personnages devant occuper les chambres et les appartements; mon cabinet de consultation ne fut pas épargné. Il détermina le nombre des chevaux devant remplir les écuries, les remises, les étables, l'orangerie, après avoir donné l'ordre d'en expulser tout le matériel de l'Etablissement, de telle sorte que bêtes et voitures durent rester exposées aux intempéries atmosphériques, dans une partie écartée du parc, jusqu'à ce que les bêtes soient mortes de faim et que les voitures aient été volées.

Après avoir accompli, de cette manière toute militaire, son œuvre de maréchal-des-logis, M. le comte Polliet se mit en mesure de remplir ses devoirs de maître-d'hôtel; grimaçant un sourire, qui avait la prétention très mal fondée d'être gracieux, il s'approcha de la directrice, madame Vinant.

- Madame, veuillez faire préparer, pour midi, un » déjeuner de trente couverts. »

- Mais, monsieur, vous me prenez au dépourvu et de court; il m'est impossible de vous satisfaire.

« Cela vous sera, tout au contraire, très-facile, pour » peu que vous y mettiez de bonne volonté. Je vois d'ici » des poulets, des canards, des pigeons; vous devez avoir » des œufs, du fromage; cela suffira. Je vous recommande » toutefois le vin, et, en particulier, le champagne. Donc » à bientôt et surtout soyez exacte. »

Ces messieurs remontèrent à cheval et partirent au galop.

Vers midi, M. le lieutenant-général comte d'Obernitz, commandant en chef le contingent wurtembergeois fit son entrée à Plessis-Lalande, suivi de son état-major et de cinquante gendarmes à cheval.

Dans la même journée, la ferme Saint-Martin, appartenant à M. Edmond Santerre, le parc et le château de Couilly, appartenant à madame la comtesse de Bully, propriétés très-vastes et toutes deux mitoyennes de Ples sis-Lalande, furent occupées par l'ennemi: infanterie, cavalerie et artillerie. M. le général de cavalerie comte Scheller prit possession du château de Cœeuilly, après avoir constaté avec une vive satisfaction que ia ferme Saint-Martin contenait une quantité énorme de foin, de gerbes de blé, de seigle et d'avoine.

M. le général de brigade de Reitzenstein occupa comme je l'ai dit, le château de madame Gérard à Viiliers-sur-Marne.

M. le colonel de cavalerie comte Norman s'établit à Noisy-le-Grand, et ainsi l'occupation du pays fut solide et complète.

LE GÉNÉRAL D'OBERNITZ ET SON

ÉTAT-MAJOR.

Avant de continuer ce récit, je crois qu'il est bon de faire connaître au lecteur le nom, le grade, le caractère des principaux officiers réunis au quartier-général du corps d'armée prêté, aujourd'hui, au roi de Prusse par son ennemi de 1866, le roi, très-nominal mais fort peu effectif, du Wurtemberg.

1° M. le lieutenant-général comte d'Obernitz. Prussien, et l'un des héros de Sadowa; grand, raide, froid, guindé, mais très-distingué de formes, de manières et de langage, le comte d'Obernitz est un véritable gentilhomme; il a le sentiment du vrai, du juste, de l'honnête; il fait la guerre avec conscience et courage, mais il en déplore les malheurs et il en blâme les excès; il est humain, il est bon, dès qu'il ne se trouve plus en présence des implacables nécessités de la guerre. A la vérité, la guerre le passionne, et souvent il étend outre mesure le champ de ses devoirs militaires. Quelques traits le peindront suffisamment.

Le 23 septembre, vers huit heures du matin, je rencontre le général sur la terrasse du château; la garde montante passe devant la grille, et tout à coup éclate

une vive et brillante musique militaire. Une vive émotion s'empara de moi, et je ne pus retenir mes larmes. Le comte d'Obernitz me saisit le bras: « Monsieur, me dit-il, je comprends vos sentiments et les honore. »

Madame Fleury, atteinte, en ce moment, d'une angine grave, avait éprouvé, comme moi, une commotion violente. J'ignore par qui le général en fut instruit. Immédiatement défense fut faite à la musique de jouer jusqu'à nouvel ordre. Plusieurs jours s'écoulèrent pendant lesquels MM. les officiers témoignèrent hautement le mécontentement que leur causait le silence imposé à la musique. Je demandai avec instance au général de vouloir bien autoriser la musique à jouer. « Pas avant que la guérison de madame Fleury ne soit complète, » me répondit-il.

Le lendemain M. le comte Polliet aborda notre femme de chambre « Votre maîtresse n'est donc pas encore

morte?» lui demanda-t-il gracieusement.

Quelques jours après, madame Fleury écrivit ellemême au général, et voici la réponse qu'elle reçut:

« Madame,

» Votre lettre m'a vraiment touché, par la bonté et » l'amabilité qu'elle exprime. Vous désirez procurer à » mes officiers le plaisir de se distraire par la musique; je ne résiste plus, et je vais donner les ordres néces» saires pour remplir votre désir, très-satisfait et très» réjoui d'apprendre que votre vie est hors de danger, » et que votre rétablissement fait des progrès rapides.

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» Je vous prie, Madame, d'agréer l'assurance de la » haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, » Madame,

» Votre très-dévoué

>> D'OBERNITZ. »

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