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S'en va trouver sa sœur, et dès ce même jour,
Avec elle s'envole au céleste séjour.
Depuis, toujours ici riche de leur ruine,
Sur les tristes mortels le faux honneur domine,
Gouverne tout, fait tout, dans ce bas univers;
Et peut-être est-ce lui qui m'a dicté ces vers1.
Mais en fût-il l'auteur, je conclus de sa fable

Que ce n'est qu'en Dieu seul qu'est l'honneur véritable 2.

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Le Mauro, poëte italien du seizième siècle, peu connu en France, a composé sur l'honneur deux Capitoli, dont le premier, assez bizarrement intitulé, in Dishonor delľ honore, n'est qu'une froide et longue sortie contre l'honneur, considéré comme préjugé, qui contrarie notre liberté et nos plaisirs. Le second, del Dishonore, se termine par les vers suivants :

Io penso que mi soffia il traditore

Ne l'orecchie, e mi dice, ch'io non sono,

Come vorrei, di la sua legge fuore.

Mais ce n'est point le Mauro que Boileau imite ou traduit ici; c'est
Régnier, qui avoit dit, sat. vi, d'après l'auteur italien :

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Mais, mon Dieu, que ce traistre est d'une estrange sorte!
Tandis qu'à le blasmer la raison me transporte,

Que de lui je mesdis, il me flatte et me dit,

Que je veux par ces vers acquérir son crédit, etc.

Pope le fait consister, ainsi que la honte ( Essai sur l'Homme, épît. Iv, v. 183), moins dans notre rôle en lui-même, que dans la manière dont nous nous en acquittons ici-bas:

Honour and shame from no condition rise.

Act well your part: there all the honour lies.

La Harpe ne retrouve Boileau que dans les soixante premiers vers de cette satire. « Le reste est un sermon froid, languissant, chargé de redites. »

AVERTISSEMENT

SUR LA SATIRE XII.

QUELQUE heureux succès qu'aient eu mes ouvrages, j'avois résolu depuis leur dernière édition de ne plus rien donner au public; et quoiqu'à mes heures perdues, il y a environ cinq ans, j'eusse encore fait contre l'équivoque une satire que tous ceux à qui je l'ai communiquée ne jugeoient pas inférieure à mes autres écrits, bien loin de la publier, je la tenois soigneusement cachée, et je ne croyois pas que, moi vivant, elle dût jamais voir le jour. Ainsi donc, aussi soigneux désormais de me faire oublier que j'avois été autrefois curieux de faire parler de moi, je jouissois, à mes infirmités près, d'une assez grande tranquillité, lorsque tout d'un coup j'ai appris qu'on débitoit dans le monde, sous mon nom, quantité de méchants écrits, et entre autres une pièce en vers contre les jésuites', également odieuse et insipide, où l'on me faisoit, en mon propre nom, dire à toute leur société les injures les plus atroces et les plus grossières. J'avoue que cela m'a donné un très grand chagrin; car, bien que tous les gens sensés aient connu sans peine que la pièce n'étoit point de moi, et qu'il n'y ait que de très petits esprits qui aient présumé que j'en pouvois être l'auteur, la vérité est pourtant

1 Elle est intitulée, Réponse générale aux RR. PP. Jésuites, et fait partie du pamphlet, Boileau aux prises avec les jésuites,

que je n'ai pas regardé comme un médiocre affront de me voir soupçonné, même par des ridicules, d'avoir fait un ouvrage aussi ridicule.

J'ai donc cherché les moyens les plus propres pour me laver de cette infamie; et, tout bien considéré, je n'ai point trouvé de meilleur expédient que de faire imprimer ma satire contre l'ÉQUIVOQUE; parcequ'en la lisant, les moins éclairés, même de ces petits esprits, ouvriroient peut-être les yeux, et verroient manifestement le peu de rapport qu'il y a de mon style, même en l'âge où je suis, au style bas et rampant de l'auteur de ce pitoyable écrit. Ajoutez à cela que je pouvois mettre à la tête de ma satire, en la donnant au public, un avertissement en manière de préface, où je me justifierois pleinement, et tirerois tout le monde d'erreur. C'est ce que je fais aujourd'hui; et j'espère que le peu que je viens de dire produira l'effet que je me suis proposé. Il ne me reste donc plus maintenant qu'à parler de la satire pour laquelle est fait ce discours.

Je l'ai composée par le caprice du monde le plus bizarre, et par une espèce de dépit et de colère poétique, s'il faut ainsi dire, qui me saisit à l'occasion de ce que je vais raconter. Je me promenois dans mon jardin à Auteuil, et rêvois en marchant à un poëme que je voulois faire contre les mauvais eritiques de notre siècle 1. J'en avois même déja com

'Il est fâcheux que Boileau n'ait pas suivi son idée; mais elle n'a été perdue ni pour le goût ni pour la poésie: Pope s'en est emparé; et nous avons, dans l'Essai sur la Critique, sinon un dédommagement complet, au moins un juste motif de consolation.

posé quelques vers, dont j'étois assez content. Mais voulant continuer, je m'aperçus qu'il y avoit dans ces vers une équivoque de langue; et m'étant sur-lechamp mis en devoir de la corriger, je n'en pus jamais venir à bout. Cela m'irrita de telle manière, qu'au lieu de m'appliquer davantage à réformer cette équivoque, et de poursuivre mon poëme contre les faux critiques, la folle pensée me vint de faire contre l'équivoque même une satire qui pût me venger de tous les chagrins qu'elle m'a causés depuis que je me mêle d'écrire. Je vis bien que je ne rencontrerois pas de médiocres difficultés à mettre en vers un sujet si sec; et même il s'en présenta d'abord une qui m'arrêta tout court: ce fut de savoir duquel des deux genres, masculin ou féminin, je ferois le mot d'équivoque, beaucoup d'habiles écrivains, ainsi que le remarque Vaugelas, le faisant masculin. Je me déterminai pourtant assez vite au féminin, comme au plus usité des deux : et bien loin que cela empêchât l'exécution de mon projet, je crus que ce ne seroit pas une méchante plaisanterie de commencer ma satire par cette difficulté même. C'est ainsi que je m'engageai dans la composition de cet ouvrage. Je croyois d'abord faire tout au plus cinquante ou soixante vers; mais ensuite les pensées me venant en foule, et les choses que j'avois à reprocher à l'équivoque se multipliant à mes yeux, j'ai poussé ces vers jusqu'à près de trois cent cinquante.

C'est au public maintenant à voir si j'ai bien ou mal réussi. Je n'emploierai point ici, non plus que dans les préfaces de mes autres écrits, mon adresse

et ma rhétorique à le prévenir en ma faveur. Tout ce que je puis lui dire, c'est que j'ai travaillé cette pièce avec le même soin que toutes mes autres poésies. Une chose pourtant dont il est bon que les jésuites soient avertis, c'est qu'en attaquant l'équivoque je n'ai pas pris ce mot dans toute l'étroite rigueur de sa signification grammaticale; le mot d'équivoque, en ce sens-là, ne voulant dire qu'une ambiguité de paroles; mais que je l'ai pris, comme le prend ordinairement le commun des hommes, pour toutes sortes d'ambiguités de sens, de pensées, d'expressions, et enfin pour tous ces abus et toutes ces méprises de l'esprit humain qui font qu'il prend souvent une chose pour une autre. Et c'est dans ce sens que j'ai dit que l'idolâtrie avoit pris naissance de l'équivoque; les hommes, à mon avis, ne pouvant pas s'équivoquer plus lourdement que de prendre des pierres, de l'or, et du cuivre, pour Dieu. J'ajouterai à cela que la Providence divine, ainsi que je l'établis clairement dans ma satire, n'ayant permis chez eux cet horrible aveuglement qu'en punition de ce que leur premier père avoit prêté l'oreille aux promesses du démon, j'ai pu conclure infailliblement que l'idolâtrie est un fruit, ou, pour mieux dire, un véritable enfant de l'équivoque. Je ne vois donc pas qu'on me puisse faire sur cela aucune bonne critique, et sur-tout ma satire étant un pur jeu d'esprit, où il seroit ridicule d'exiger une précision géométrique de pensées et de paroles.

'C'est là le principal défaut du poëme : le sujet, qui n'étoit pas très heureux, devoit être au moins mieux circonscrit.

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