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fut donné à cet égard. L'instant était décisif; l'ennemi faisait hâter sur sa droite la marche de sa 13° division et attendait des renforts avec impatience. Déjà des batteries du 8 corps avaient pris part au combat. Le général de Goeben qui le commandait arrivait sur ces entrefaites avec son corps d'armée. La 16° division (général de Barnekow) fut aussitôt engagée et lancée, avec des troupes du 7° corps reformées, contre notre droite et notre centre où la division Laveaucoupet avait déjà fait bonne contenance. D'autre part, le 3 corps prussien avançait rapidement pour se mêler à la lutte; ses batteries se plaçaient en position, et bientôt sa 5o division put assaillir notre droite. Le combat reprit avec une nouvelle ardeur; la division Bataille, formant réserve, dut envoyer une brigade au secours de la division Laveaucoupet; mais nos troupes commençaient à être épuisées par la lutte; l'artillerie ennemie, trèsnombreuse, leur faisait éprouver des pertes sensibles; la journée s'avançait; les colonnes de la 13° division, parties de Wolklingen, apparaissant sur notre gauche, débouchérent du Frischwald et menacèrent de nous tourner. Nos soldats cédèrent alors du terrain; l'ennemi redoubla d'ardeur et parvint à s'emparer de Stiring et des hauteurs de Spicheren. La nuit était venue, le désordre se mettait dans nos rangs; le commandant du 2 corps prescrivit alors la retraite sur Sarreguemines. Elle s'effectua au milieu de la plus grande confusion, après avoir perdu tous les effets de campement et les bagages, et sans poursuite de la part de l'ennemi.

Du côté des Allemands, avaient pris part au combat, le 7° corps, la 16° division du 8°, la 5° du 3o, et au moins la 5o division de cavalerie (général de Rheinbaben) du 2o corps. Total, environ 67 000 hommes. Notre 2o corps n'avait encore à cette date qu'un effectif de 28 585 hommes, y compris sa cavalerie, ce qui donne une proportion de contre 2. Les Allemands prétendent pourtant avoir combattu contre des forces très-supérieures, notamment la 14 division. Or, pendant la première période de la lutte, la division de Kamecke, forte de 16000 hommes, attaqua nos deux divisions Vergé et Laveaucoupet qui comptaient à elles deux un effectif analogue. On combattait donc à égalité de forces, et toutes les tentatives de l'ennemi furent victorieusement repoussées. Les rapports allemands ne tiennent compte dans leur appréciation des effectifs que des troupes engagées en première ligne, c'est-à-dire :

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c'est-à-dire une infériorité sérieuse de notre côté.

Il est nécessaire de citer ces chiffres pour rétablir la vérité altérée par les rapports de nos ennemis et leur montrer que si nous avons eu des illusions, ils aiment à avoir les leurs; mais la question n'est pas là. Le fait important, c'est que le combat de Spicheren était perdu pour nous et par notre faute. C'était en effet un de ceux où il nous était le plus facile de vaincre. Pour cela, il fallait d'abord ne pas être surpris; mais la cavalerie fut mal employée, et celle de l'ennemi put s'avancer jusqu'à nos grand'gardes, sans que le chef de corps en fùt averti. Ce n'est pas tout: après avoir, quelques jours auparavant, commis la faute de ne pas franchir la Sarre, on en avait commis une seconde en ne prenant pas, sur la rive gauche, une position capable d'en défendre le passage. Celle du 2° corps était forte, mais elle n'exerçait aucune action sur le passage même de la rivière. Néanmoins les troupes du général Frossard s'y maintinrent sans peine pendant la moitié du combat; il ne fallait, pour couronner cet avantage, qu'un renfort important. Cet appui leur fit défaut, quoique le 3o corps eût trois de ses divisions à 10, 15 et 20 kilomètres du champ de bataille; prévenu comme il le fut dès le matin, le maréchal Bazaine aurait pu les faire arriver en ligne avant trois heures de l'après midi. Le 4 corps était en mesure d'envoyer une division et sa cavalerie qui étaient à Boulay, pour concourir à ce mouvement. Si ces dispositions avaient été prises, si seulement les troupes qui ont entendu le canon ce jour-là avaient marché au combat, conformément

au devoir le plus élémentaire, on peut assurer que le succès eût été pour nous. Le lendemain peut-être, il eût fallu recommencer la lutte; mais alors l'ennemi aurait été sous le coup d'un échec et de pertes nombreuses; de plus, la division Montaudon du 3° corps, dirigée sur Sarreguemines, et les deux divisions restantes du 4 corps, la valeur d'un nouveau corps, seraient entrées en ligne; enfin la Garde, qui, après plusieurs instructions contradictoires, avait reçu la veille, à quatre heures et demie du soir, l'ordre de se porter en avant, aurait pu, vers trois ou quatre heures de l'après-midi, avoir parcouru les 30 kilomètres qui séparent Courcelles-Chaussy de Forbach, et arriver sur le champ de bataille pour décider la victoire. On avait oublié dans cette circonstance ce principe de Napoléon Ier: « Les jours de combat, rassemblez toutes vos » forces; un bataillon assure quelquefois le succès. » Si l'on avait pu ainsi, après deux combats victorieux, détruire trois corps ennemis, l'échec de Mac-Mahon était réparé. La suite de la campagne ne nous eût probablement pas été plus favorable, car les Prussiens avaient encore treize corps frais. Mais un ou deux succès consécutifs, annulant une bataille perdue, ralentissaient au moins l'invasion, relevaient le moral, et, si l'on eût été bien inspiré, nous permettaient de traiter avec honneur. Pourquoi n'en fut-il pas ainsi, quand cela était si facile? Personne n'a pu encore le dire. Le général Frossard s'est plaint de la mauvaise volonté du maréchal Bazaine; celui-ci a rejeté la faute sur l'orgueil du gouverneur du prince qui voulait combattre

:

seul, se suffire à lui-même, et qui ne parut sur le lieu du combat qu'au moment où il était perdu. Bref, les récriminations ne firent pas naître la lumière; mais il fut permis aux soldats de penser qu'il y avait rivalité entre les deux chefs, et à tout le monde de se voir sous le coup d'un malheur irréparable. Les Prussiens de leur côté commirent une faute celle d'engager le combat sans en avoir l'intention arrêtée. Notre immobilité, leur ardeur, leur nombre, leur expérience des choses de la guerre leur permirent, il est vrai, de réparer promptement ce désavantage, et nous devons avouer que nous n'avons pas su en profiter. Un autre fait dont il importe de se souvenir, c'est le mauvais renseignement fourni par leur cavalerie, renseignement qui amena le combat malgré les projets de leurs chefs. Nous croyant en retraite, une division ennemie en a attaqué deux françaises; les gros effectifs prussiens égalisaient bien les chances. Mais ce qu'il faut établir, c'est que cette action a été l'effet du hasard; que bien dirigée par nous, elle devait conduire l'ennemi à engager successivement, et après les avoir fait décimer, des fractions partielles de trois de ses corps; qu'il y avait là un imprévu en notre faveur; qu'enfin le peu d'expérience et de coup d'oeil des chefs français a ajouté aux chances de revers. Il est avéré aujourd'hui, par exemple, que la 14° et la 13° divisions prussiennes furent prises par eux pour deux corps d'armée, comme cela fut écrit dans le rapport officiel.

Le combat de Spicheren fut aussi sanglant que celui de Worth; peut-être plus, si l'on ne tient compte que

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