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sont des Français, dit-il, qui se sont battus contre des frères égarés dont les intentions étaient bonnes.... Ils auraient pu proclamer un autre gouvernement; ils étaient les maîtres; ils avaient une organisation; cependant les personnes, les propriétés, à très peu d'exceptions, ont été respectées. » Ici l'orateur fut interrompu par une nouvelle et plus forte explosion de murmures; les députés échangeaient entre eux les interpellations les plus vives, l'irritation était à son comble. Dans le but de mettre un terme à cette discussion passionnée, les membres assis aux extrémités demandaient la clôture; mais la Chambre voulut entendre encore M. Fulchiron. Comme député du Rhône, il réclama un instant d'attention pour réfuter des hérésies subversives de tout ordre social, et prit à tâche de relever des erreurs sans cesse reproduites à la tribune et dans les journaux sur la déplorable catastrophe de Lyon:

« On a obstinément représenté les événements de Lyon comme le résultat d'une guerre civile. Non, Messieurs, ce n'était pas une guerre civile; et dans le peu de mots que j'ai eu l'honneur de prononcer à cette tribune lors de l'enquête faite à propos des événements de Lyon, j'ai établi la distinction qu'il fallait faire. La guerre civile est le résultat de dissentiments politiques entre des citoyens nombreux qui discutent leurs droits et les conséquences de la forme de leur gouvernement. Il n'y a pas guerre civile quand il y a attaque à la propriété et à la liberté du commerce, et il y aeu attaque à la propriété.

Il y a eu des crimes que l'on peut plus ou moins condamner, mais qui out existé, et qui ont mis en péril les personnes, les propriétés et les

saintes lois de la France. »

Après ce discours, la loi, adoptée d'abord, article par article, avec les amendements de la commission, qui reduisaient le crédit supplémentaire à la somme de 7,899,000 fr., fut soumise à l'épreuve du scrutin, et obtint 264 votes contre 39 voix.

La nature des dépenses que ce crédit était destiné à couvrir et le chiffre dont se composait l'article unique de la loi n'ayant provoqué aucune observation nouvelle, ni de la part du ministre qui la porta, le 8 février, à la Chambre des pairs, ni de la part de la commission qui eut à l'examiner et qui fit son rapport à la Chambre le 20, cette loi y fut adoptée, sans discussion à la majorité de 87 voix sur 91 votants. (Séauce du 24.)

Cette délibération, si agitée dans la Chambre des députés, offre sous ce rapport un contraste complet avec celle dont nous avons maintenant à rendre compte, et qui eut lieu sur une proposition de M. Roger, tendant à autoriser le gouvernement à lever pour des causes graves la prohibition portée par l'article 162 du Code eivil aux mariages entre beaux frères et belles sœurs.

Depuis la promulgation du Code, cet article avait soulevé d'innombrables réclamatious. Dépourvu de sanction morale ou d'utilité publique, il défend d'une manière absolue ce que réclament la nature, l'intérêt des familles, ce qu'ont toujours permis ou consacré la religion, les lois et les usages. La modification proposée était donc généralement reconnue nécessaire et même urgente: un grand nombre de personnes l'attendaient pour régulariser leur position fausse; les mœurs l'appelaient pour faire cesser des scandales, des désordres qui naissaient de leur opposition avec la loi; les publicistes, les jurisconsultes, les ministres des cultes s'accordaient pour solliciter cette amélioration. Il appartenait à la Chambre de satisfaire à tant de vœux.

Tels furent en résumé les motifs développés par M. Roger, dans la séance du 31 décembre; ils déterminèrent la prise en considération de la proposition. Sortie avec succès de cette épreuve, elle ne fut pas accueillie moins favorablement dans le sein de la commission chargée de l'examiner. Unanimes sur la nécessité de modifier l'article 162 du Code, ses membres ne s'étaient partagés que sur la question de savoir si la prohibition qu'il renferme serait levée purement et simplement, ou si, à l'exemple de l'auteur de la proposition, on se bornerait à tempérer la rigueur de l'article par la faculté des dispenses. Mais, en songeant qu'il pourrait y avoir une sorte de légèreté ou d'imprévoyance à passer brusquement d'une défense absolue à une liberté indéfinie; que l'amélioration, pour être plus assurée et pour mieux porter ses fruits, devait être graduelle, la commission s'était réunie dans un

avis commun, et avait conclu le 7 janvier, par l'organe de son rapporteur, M. Parant, à l'admission du projet.

Arrivé le 21 à l'ordre du jour, ce projet ne trouva que deux contradicteurs. Suivant eux, la possibilité du mariage entre beaux-frères et belles-sœurs n'amènerait que prétexte à la séduction, troubles dans les ménages, abandon de l'orphelin ; et d'ailleurs il n'était pas exact de dire, comme MM. Roger et Panant, que la prohibition, en ce qu'elle avait d'absolu et d'exclusif de la faculté des dispenses, s'était glissée dans notre législation sans préparation, en quelque sorte par inadvertance, par hasard et contre l'opinion des rédacteurs du Code civil ( MM. Gaillard de Kerbertin et Petit). Ces objections, réfutées par MM. Martin (du Nord) et Parant, n'empêchèrent point une forte majorité (160 voix contre 71) de se prononcer, le 4 février, en faveur de la proposition, après le rejet de deux amendements dont l'un prescrivait un intervalle de quinze mois entre le premier et le second mariage, et dont l'autre supprimait la formalité des dispenses.

Les mêmes raisons qui avaient decidé la Chambre des députés à admettre la proposition de M. Roger, prévalurent à la Chambre des pairs, où, conformément aux conclusions d'un rapport fait par M. le comte Gilbert de Voisyns dans la séance du 28 février, cette proposition fut adoptée par 94 voix sur 111 votants ( séance du 3 mars ).

Ainsi sanctionnée par deux pouvoirs, elle n'attendait plus que l'assentiment du pouvoir royal pour revêtir le caractère d'une loi définitive, et rien n'annonçait que cet assentiment dût être refusé. Toutefois, comme les deux paragraphes de la proposition étaient destinés à former une loi particulière, sans liaison aucune avec le Code, le gouvernement pensa qu'il convenait mieux de la rattacher à ce Code, Â l'exemple de ce qu'on avait déjà pratiqué plusieurs fois, et de ce que la Chambre elle-même venait de faire pour la législation criminelle. Dès lors il devenait indispensable de changer la formule originaire. Celle qui fut présentée le 21 mars par

M. le garde des sceaux ne différait essentiellement de la première qu'en ce qu'elle ne reproduisait pas le paragraphe interdisant les dispenses entre alliés ou parents dont l'un était divorcé. La commission, dans son rapport (séance du 23), approuva cette omission, attendu que la véritable place du paragraphe était au chapitre du divorce; et quoique des explications de M. le garde des sceaux aient appris ensuite que cette omission était l'effet d'un oubli, quoique MM. Poulle et Roger se soient efforcés de ramener la Chambre à sa résolution primitive, la rédaction de la commission n'en fut pas moins accueillie le 26 à la majorité de 212 voix sur 245 votants.

Il en fut de même à la Chambre des pairs, où 72 membres contre 4 donnèrent leur adhésion au nouveau projet, dans la séance du 11 avril.

L'adoption de cette loi par la Chambre inamovible, dans sa forme première, c'est-à-dire telle qu'elle avait été votée par les députés en vertu de leur droit d'initiative, était un fait assez remarquable. Jusqu'alors, en effet, les résolutions émanées de la même source avaient échoué devant cette Chambre, après avoir révélé, dans les deux plus grands corps de l'État, une divergence d'opinion dont le projet de loi sur le divorce devait donner un nouvel exemple.

Ce projet, adopté dès le 14 décembre dernier (Voy. l'Annuaire précédent, pag. 353) par la Chambre des députés, sur la proposition de M. de Schonen, avait été transmis immédiatement à celle des pairs. Mais ce fut le 12 mars seulement que la commission qui avait été chargée de l'examiner fit son rapport, par l'organe de M. le comte Portalis.

Recherchant d'abord si le divorce était le complément nécessaire de l'institution du mariage, la commission, après un long et sérieux examen, était arrivée à ce résultat, que le mariage, considéré comme engagement naturel ou civil, ne comporte point de condition résolutoire. Le divorce ne saurait donc être qu'une dérogation à la condition essentielle du mariage, qu'une exception contraire à sa nature. Mais qu'est-ce que le divorce en lui

même, et quels en sont les effets? C'est peu qu'il soit moins favorable à la femme qu'au mari, et tandis que, avec le mariage, tout suit la pente ordinaire des choses et marche au gré de la nature, avec le divorce, au contraire, tous les rapports sont intervertis, la vie morale des individus ne suit plus son cours, le développement progressif de leurs sentiments s'arrête. D'ailleurs faut-il un remède aux imperfections de l'humanité? La séparation de corps existe; et bien qu'en ce point, de l'aveu de M. Portalis, la législation soit incomplète, la séparation atteint le même but que le divorce; elle a en outre l'avantage d'être plus conforme à l'intérêt des familles et de l'État.

Au surplus, l'état actuel de nos mœurs nationales ne réclame pas impérieusement le divorce. Il serait impuissant à pallier les désordres sociaux pour lesquels on prétend qu'il est indispensable, et enfin la liberté des cultes ne commande pas nécessairement qu'il soit réintégré dans le Code de nos lois civiles.

Toutefois, ajoutait M. le rapporteur, en admettant la thèse contraire, voyons si le moment serait opportun et bien choisi pour opérer ce rétablissement; car aux grandes questions de droit et d'ordre public que nous venons de traiter vient se mêler une question de conduite et de politique spéciale.

Une révolution vient de s'accomplir. Un gouvernement nouveau a pris naissance au sein de cette révolution. Un gouvernement qui commence est naturellement faible; souvent il est moins menacé par les attaques de ses ennemis naturels que par l'indifférence de ceux qui s'abstiennent de le défendre. Cependant il faudrait qu'il eût beaucoup de force, pour tout contenir, et qu'il inspirât une grande confiance, afin de tout recomposer. Les révolutions désapprennent l'obéissance aux peuples et le commandement à ceux qui gouvernent. Au milieu des nombreux et prodigieux obstacles que les éléments dispersés de l'autorité ont à surmonter pour se coordonner de nouveau, il faut soigneusement éviter tout ce qui peut accroître les embarras et compliquer la position.

« On a touché à peu près à tout. La famille restait intacte, voilà qu'on propose de la révolutionner à son tour. Le pouvoir politique était vacillant et incertain, toute magistrature amoindrie, toute autorité civile contestée, toute obéissance problématique; et l'on vient mettre en question, la clef de la voûte, le pouvoir domestique.

Le sentiment religieux de la grande majorité des Français était profondément froissé, en voyant disparaître du faite des temples et des lieux publics cet emblème sacré du christianisme, que Mirabeau, ce provocateur éloquent de notre révolution, voulait qu'on arborât solennellement

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