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un jour le trésor d'une dette immense. L'honorable membre soutenait qu'elle n'était pas fondée, et qu'au contraire, s'il existait un droit à une restitution ou à une indemnité, c'était à l'État que ce droit appartiendrait, parce que, d'après les édits constitutifs de 1661 et 1672, l'apanage ne devait pas s'élever au-delà de 200,000 livres tournois par an.

• Remarquez la position des choses, disait ensuite M. Mauguin; on a demandé que la listę civile actuelle fût dotée comme l'avait été celle de Louis XVI, comme l'avait été celle de Napoléon. Eh bien! vous l'avez dotée en immeubles, à une seule exception près, à l'exception de Rambouillet, comme l'avait été celle de Louis XVI et celle de Napoléon. Pourquoi dépasseriez-vous cette limite que vous avez voulu atteindre? Vous avez donné au roi régnant la même dotation qu'avaient eue ses prédécesseurs; pourquoi y ajouter 60 mille hectares de forêts? Ne faut-il pas penser aux besoins de l'Etat ? Pensez aussi qu'une liste civile qui doit être convenablement dotée ne doit pas être exorbitamment dotée; qu'il ne faut pas donner au roi plus qu'il ne convient à son éclat, à sa richesse; qu'il ne faut pas lui donner les moyens d'agir sur le pays, sur les fonctionnaires; qu'enfin il y a des motifs politiques à ne donner que les richesses et les trésors qui conviennent à l'entretien royal.

Ne voyez-vous pas que la liste civile avec les biens apanagés aurait des domaines immenses? Quoi! elle aurait, avec ce que possédaient les anciens rois, tout ce qui est revenu au domaine de l'Etat, c'est-à-dire en outre 60 mille hectares? Ce serait ajouter un revenu de 3 millions d'un produit net; car ces domaines se composent de forêts qui sont exploitées, et donnent un revenu clair et net. Il faut donc que vous jugiez bien ce qu'on vous propose, et que vous sachiez qu'on vous propose d'ajouter une nouvelle dotation en immeubles de 3 millions de revenus. C'est pour l'empêcher que je présente l'amendement suivant :

• Les biens de toute nature composant l'ancien apanage d'Orléans, demeureront réunis au domaine de l'Etat, à l'exception toutefois du PalaisRoyal, qui fera partie de la dotation de la liste civile.

M. Dupin aîné se chargea de répondre à la discussion fort étendue à laquelle s'était livré le préopinant. M. Dupin accordait que les biens apanagés étaient rentrés dans le domaine public, et sur cette question qu'il s'était posée: « que faut-il faire de ces biens? »il était d'avis que l'apanage ne devait pas être reporté sur la tête du prince royal, comme le proposait le projet ministériel. On pouvait également laisser ces biens. dans le domaine de l'État, ou les attribuer en accroissement à la dotation de la couronne. Dans le premier cas la liste civile eu serait plus forte; dans le second, ce serait autant de moins à donner eu argent. Les convenances voulaient que l'apanage

fût réuni à la dotation de la couronne, si l'on considérait le sentiment d'affection du roi pour des propriétés qu'il avait retrouvées dans un état complet de dégradation, qu'il s'était complu à réparer et à embellir. Quant à l'accroissement des revenus, pour lequel M. Mauguin assurait qu'une action pourrait appartenir à l'État, M. Dupin objectait que cet accroissement n'avait rien de contraire à la loi constitutive de l'apanage, qu'il était l'effet du temps et d'améliorations, ouvrage des princes d'Orléans. Arrivant à la question de l'indemnité, M. Dupin n'émettait aucune opinion positive.

M. Mauguin revint sur la proposition, par lui établie, que l'apanage d'Orléans ne pouvait dépasser 200,000 livres tournois de revenus. En calculant la différence de valeur du marc d'argent en 1671 et en 1831, l'orateur défiait de prouver qu'un revenu de 200,000 livres sous Louis XIV fût la même chose qu'un revenu de 3 millions de francs aujourd'hui.

Après quelques considérations de M. de Schonen en faveur de l'article de la commission, et de nouveaux raisonnements de M. Salverte, qui avait réuni son amendement à celui de M. Mauguin, cet amendement fut rejeté à une faible majorité. Le premier paragraphe de la commission fut adopté, ainsi que le second, amendé de la manière suivante par M. Lefebvre : « Dans le cas où il y aurait lieu à indemnité, en raison des accroissements faits à cet apanage depuis le moment où il a été rendu à la maison d'Orléans, jusqu'au moment où il a fait retour au domaine de l'État, cette indemnité ne sera exigible qu'à la fin du règne actuel. »

Séance du 11. Les articles relatifs à la dotation mobilière de la couronne ne donnèrent lieu à aucune discussion digne de nous arrêter : ils furent votés tels à peu près que la commission les avait présentés à la Chambre.

Un débat plus sérieux s'engagea à propos de la caisse de vétérance. Le ministère avait proposé une disposition ainsi conçue: « La liste civile recueillera toutes les valeurs appartenant à la caisse des retraites, dite caisse de vétérance, créée

en vertu de l'article 17 de la loi du 8 novembre 1814, et elle restera chargée d'acquitter les pensions qui sont ou seront liquidées à la charge de cette caisse. » M. Laurence, par le motif que ce serait une prodigalité véritable que de mettre les pensions de la caisse de vétérance au compte de l'État, demandait le maintien de la disposition que la commission avait supprimée. On alléguait aussi, contre l'avis de la commission, qu'il jetterait plus de deux mille familles dans le désespoir la nécessité de surcharger le gouvernement actuel des obligations contractées par le régime déchu était un malheur qu'il était de la dignité de la France de supporter; ce n'était pas là une question à résoudre par les principes rigoureux du droit; et, en continuant à donner aux pensionnaires ce qu'ils recevaient de l'ancienne liste civile, ce serait remplir un devoir d'humanité et de justice (MM. de Marmier, Ganneron, de Vatismesnil ).

Dans un sens opposé, M. Odilon-Barrot accumulait d'abord les objections les plus graves contre l'institution elle-même, et faisait remarquer qu'il ne s'agissait pas seulement d'imposer à la nouvelle liste civile l'obligation de payer les serviteurs de Charles X, mais l'obligation de conserver, de fonder à toujours une caisse de vétérance, en telle sorte que les serviteurs d'un roi auraient un droit acquis à être employés par son successeur. L'orateur développait tous les inconvénients d'un pareil état de choses, et parvint sans doute à faire passer sa conviction dans l'esprit de ses collègues, puisque la Chambre décida, conformément aux conclusions de la commission, que les biens de la couronne ni le trésor public ne seraient jamais grevés des dettes des rois, ni des pensions par eux accordées. Un amendement qui tendait à mettre à la charge du trésor les droits acquis sur la caisse de vétérance de l'ancienne liste civile fut écarté à une grande majorité par la question préalable.

Séance du 12. La Chambre était enfin arrivée au chiffre de la liste civile. Ici la discussion devait se ranimer, et prit en effet

ane nouvelle physionomie. Elle eut d'abord cela de remarquable, que le président du conseil, qui jusqu'alors s'était abstenu d'intervenir dans la délibération, demanda à exposer à la Chambre quelques considérations sur la manière dont elle fixerait le chiffre de la liste civile.

Je sais tout ce qu'il y a de délicat, disait M. Casimir Périer, dans res questions de respect et de dignité auxquelles se rattachent des questions d'argent. Mais je veux dire que si, après avoir fixé le domaine de la liste civile d'une manière en rapport avec la constitution du pays, les revenus de l'État, la situation de la France, vous en abaissez trop le chiffre, vous lui enlevez plus que de l'argent.

Si vous adoptez un chiffre convenable, vous donnez plus que de l'argent. C'est cette explication qui domine tout mon discours. C'est une question de dignité, d'institution, d'avenir; le chiffre n'est ici qu'un symbole: ce qui doit surtout nous préoccuper au milieu des diverses nuances d'opinions, c'est donc le caractère que ce vote va imprimer à la monarchie de la Charte de 1830, c'est la définition qu'il va en donner. Sur ce terrain, comme sur plusieurs autres, vous avez un système à proclamer ; système d'une monarchie nationale et populaire, mais forte, qu'il faut préserver des dangers qui s'attacheraient à une monarchie sans pouvoir, sans dignité, sans consistance, à la merci de tous les orages.

- Vous prévoyez, d'après cet exposé, que notre intention n'est pas de nous appesantir sur la question financière, mais nous ne pouvons laisser sans réponse quelques observations élevées dans le cours de cette discussion, celles surtout qui auraient pour résultat d'égarer l'opinion sur le rapport réel qui existe entre les dépenses du dernier roi de la dynastie déchue, et la liste civile que votre commission vous propose d'allouer au roi régnant.

Dans cette partie de son discours, M. Casimir Périer établissait la différence des deux listes civiles et s'attachait à faire apprécier les améliorations obtenues au profit des contribuables; améliorations qui ne s'élevaient pas à moins de 25 millions, selon le ministre. Après avoir invité la Chambre à réfléchir sur ce résultat qui réalisait les vues de celui des honorables orateurs qui, en croyant demander beaucoup, avait émis le vœu que la nouvelle liste civile fût deux fois moins forte que l'ancienne, le président du conseil poursuivait

en ces termes :

.Et maintenant, Messieurs, à côté de l'intérêt des contribuables, consultons celui de la royauté, de cette royauté qui, renfermée dans les limites où nous l'avons sagement circonscrite, est devenue la sauvegarde de tous les intérêts; de cette royauté que nous voulons tous dans cette enceinte, mais autour de laquelle les factions et les partis s'agitent d'au

tant plus, qu'elle fut et qu'elle est restée plus modeste, plus confiante, plus généreuse; de cette royauté, enfin, dont nous sentons tous la nécessité, et dans laquelle quelques personnes s'effarouchent de rencontrer un pouvoir, une dignité! Sur ce point, vous nous permettrez le développement franc et sincère de nos pensées, yous comprendrez l'énergie de nos convictions: il s'agit de liberté, d'ordre, de monarchie constitutionnelle.

Et d'abord, Messieurs, en mesurant la distance matérielle qui sépare les deux chiffres que je viens de vous représenter, n'avez-vous pas mesuré en même temps la distance morale que cette diminution considérable établira en quelque sorte entre deux trônes, je ne dis pas dans les esprits éclairés, qui ne réservent point leurs respects à la magnificence extérieure, mais dans l'imagination des masses peut-être, dont les regards s'arrêtent naturellement aux apparences, et cherchent de l'éclat dans les hautes situations.

Tout le monde n'envisage pas la royauté des mêmes yeux. Dans un grand nombre d'individus le respect s'attache involontairement aux dehors. Et quand, déjà, les formes sévères du gouvernement légal qui attire à un ministère responsable tous les détails du pouvoir; quand les désanchantements de la philosophie politique ont enlevé à la royauté tout ce qu'elle avait de prestiges; quand une économie considérable est opérée dans l'appareil de sa puissance, voudrez-vous risquer de porter atteinte à sa force réelle, par une transition plus brusque, plus tranchante encore, entre ce qui fut et ce qui est ?»

De ces considérations, le président du conseil passait à l'examen des opinions que la question de la liste civile avait suscitées hors des Chambres. Il reprochait amèrement aux divers partis d'avoir fait remonter cette question jusqu'à celle de la royauté elle-même; de n'avoir jamais montré plus de mauvaise foi et plus d'audace; d'avoir tout attaqué, contesté, travesti; de ne s'être épargné ni l'amère ironie, ni les injurieuses allusions, ni les perfides rapprochements. Puis, rapportant une citation littérale des lettres de M. de Cormenin: «Est-ce là un zèle sincère pour l'économie, s'écriait M. Périer? sont-ce là les discussions de bonne foi d'un adversaire même rigoureux? (1) » Mais, ajoutait le ministre, l'opinion publique a deviné les pensées cachées sous de telles paroles; car si l'opinion publique veut des économies, elle veut aussi la royauté. Plus loin M. Périer, répondant à ceux qui avaient parlé du système ministériel en l'opposant en quel

(1) Cette circonstance motiva une nouvelle lettre de M. de Cormenin, qui parut dans le National et dans le Courrier français du 26 janvier.

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