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De l'Angleterre.

politique paradoxale. Lorsque les colonies la sentirent affaiblie, elles se révoltèrent et s'affranchirent aisément d'un pouvoir qui ne se soutenait plus. Mais comme elles portaient en elles-mêmes toutes les causes d'affaiblissement de la métropole, elles furent impuissantes à se régénérer; elles ne purent organiser que l'anarchie, et, en même temps que l'Espagne sur le vieux continent, les colonies espagnoles de l'Amérique semblent condamnées à s'acheminer au milieu des guerres civiles vers une inévitable décadence.

L'Angleterre réussit dans l'entreprise où l'Espagne avait échoué; elle trouva des richesses réelles et une puissance véritable dans ses entreprises maritimes; elle garda ses conquêtes et fonda des colonies prospères. Mais il lui fallut soutenir contre les États maritimes de l'Europe et contre les populations conquises en Asie des guerres incessantes; elle pratiqua un droit des gens implacable. Elle a trouvé en elle-même les forces nécessaires pour soutenir ces luttes, et c'est pour cela qu'elle a triomphé; mais pour tirer ces ressources de son sol et de sa population, elle a dù imposer à son travail national un régime aussi rude que le droit des gens qu'elle imposait à ses rivaux ou à ses ennemis. De là les étranges contrastes que présente son histoire : ce spectacle merveilleux de civilisation et de prospérité politique, et en regard, au dehors, tous les abus de la force dans la guerre maritime et dans la conquéte, au dedans l'effroyable misère et la dissolution sociale des populations ouvrières. L'Angleterre a tout sacrifié pour réaliser ce prodige de puissance maritime et de grandeur coloniale: l'avenir montrera si elle n'y a point

épuisé les trésors d'intelligence et d'énergie qu'elle portait en elle-même; si ces immenses efforts n'ont point ébranlé les fondements de sa prospérité intérieure; si les crises sociales provoquées par sa politique maritime n'absorberont pas désormais toute son activité, et si ce n'est pas une fatalité de son histoire que, pour conserver la puissance acquise au prix de tant de luttes, il lui faille renoncer à l'exercer sur le monde.

La France possédait des ressources maritimes incom- De la France. parables; elle avait dans les populations basques et bretonnes les premiers marins, dans les populations normandes les premiers colons du monde. Au lieu d'employer ces ressources à se constituer une puissance maritime et coloniale solide, elle n'a cherché dans sa marine qu'un moyen de soutenir sur le continent des prétentions exagérées et des ambitions sans fondement. Si, se contentant des frontières que l'histoire lui traçait, elle avait ajouté aux richesses de son empire celles de colonies prospères, elle fût arrivée, sans exposer tant de fois son avenir, à occuper et à conserver le premier rang en Europe. Pour avoir voulu étendre démesurément sa prépondérance continentale, elle perdit les plus belles colonies et compromit sa puissance sur le continent. L'esprit de système et les passions anarchiques qui l'ont tant agitée depuis la fin du dernier siècle ont, pour d'autres motifs et sous d'autres formes, précipité ces résultats. Les guerres de la Révolution et de l'Empire ont complété les effets désastreux de la politique maritime de l'ancien régime. Le génie colonisateur des populations maritimes de la France semble s'être épuisé à travers les mécomptes et les désastres. Ce génie dont

De la Hollande.

Conclusion.

l'État n'avait pas su soutenir les efforts et consacrer les œuvres, l'État n'y peut suppléer les gouvernements n'ont réussi jusqu'à ce jour à fonder et à conserver que des colonies militaires.

Un seul État, la Hollande, a pu, sans compromettre sa prospérité intérieure, trouver dans ses colonies une source de prospérité nouvelle. C'est que mesurant ses ambitions à sa puissance réelle, habituée de longue date aux efforts patients, capable de se connaître et d'étudier les étrangers, la Hollande a su se défendre dans sa politique maritime des illusions qui ont ruiné l'Espagne, des prétentions qui ont fatigué l'Angleterre, des ambitions et des systèmes qui ont compromis la France. Elle a souffert des abus du droit des gens naritime plus souvent qu'elle n'en a fait souffrir les autres : elle doit à la sagesse éclairée de ses chefs d'être restée prospère et indépendante.

C'est ainsi que dans le droit des gens tout acte emporte ses conséquences inévitables. Ces conséquences en sont la sanction. L'expérience qui en est faite doit être un enseignement constant pour les nations et les hommes d'État qui les dirigent. L'intelligence de la sanction du droit des gens est la condition nécessaire de tout progrès dans ce droit.

CONCLUSION

CHAPITRE PREMIER

DES PROJETS DE PAIX PERPÉTUELLE

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1. Toutes les nations aspirent à la paix, et, pour la conquérir comme pour la conserver, toutes les nations sont condamnées à se faire la guerre. Toutes les nations aspirent à fonder entre elles le règne de la justice; mais comme elles ne s'entendent point sur ce qu'elles croient juste, elles se combattent pour établir le règne de la justice, et elles ne peuvent fonder ce règne que sur la force. La guerre est une nécessité pour les États, et la nécessité est la seule loi de la guerre. C'est ce que Pascal avait senti lorsqu'il disait': << Il est juste que ce qui est juste soit suivi il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi... La justice est sujette à disputes: la force est très-reconnaissable et sans dispute... et ainsi ne pouvant faire que

1 Pensées, éd. Havet, art. VI, no 8.

Origine de l'utopie

de

la paix perpétuelle.

Caractère général

de

ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste! » Il n'y a pas autre chose dans toutes les guerres que se sont faites les nations, et il n'y a rien de plus accablant pour la raison des hommes. Ce contraste entre les aspirations des peuples et les nécessités de l'existence des États les a agités de la même inquiétude que celui qu'ils voyaient entre l'aspiration de tous les étres à la vie et l'implacable nécessité de la douleur et de la mort. Ils en ont recherché les causes et ont tenté d'en atténuer les effets. Leur esprit a suivi les mêmes routes dans l'étude de la vie de l'homme et dans l'étude de l'existence des nations. La science seule pouvait les rapprocher du but, mais il fallait à la science des investigations patientes et des méthodes réfléchies: les progrès en étaient très-lents, presque insensibles. L'imagination des hommes devança la science et prétendit y suppléer. Avant de chercher dans les rapports des choses la cause d'un phénomène, de la dégager par l'expérience, de la résumer en loi, d'en diriger et d'en modifier l'action, l'esprit humain a cru pouvoir pénétrer d'un seul coup la nature, en découvrir les forces cachées, s'en emparer et les gouverner. Avant de connaître les rapports véritables des nations et des États entre eux, il a voulu les régler; avant d'avoir déterminé la cause des conflits entre les nations, il a essayé de les prévenir à tout jamais. Ainsi s'est développée l'utopie de la paix perpétuelle.

Cette utopie se résume en l'établissement d'un tribunal suprême, formé de représentants des États soucette utopie. verains, et destiné à régler tous les différends internationaux; elle procède d'une assimilation erronée entre

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