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raient autrement. Cependant, ils peuvent se tromper, ils ne disposent pas de l'avenir, et la force des choses dont ils ont cherché à tenir compte peut dérouter leurs calculs et tromper leurs espérances. Le traité qui paraissait, au moment où il a été conclu, le plus nécessaire ou le plus équitable, peut devenir avec le temps inutile ou abusif. Les rapports de force peuvent se modifier entre les États contractants; leur culture intellectuelle et leur état moral changent, et le traité ne répond plus à leurs devoirs, à leurs droits et à leurs intérêts respectifs. Cela est vrai des traités les mieux faits; cela est vrai, à plus forte raison, de ceux qui ont suivi des négociations où la passion et l'égoïsme ont obscurci les intelligences et étouffé le sentiment des intérêts généraux. Un État plus fort, un négociateur plus habile a pu imposer à un État plus faible, à un négociateur plus maladroit des concessions exagérées. Un gouvernement a pu abuser de sa prépondérance pour imposer une interprétation abusive des événements; les faits dont il n'a pas tenu compte portent leurs conséquences. Le traité devient aussi nuisible à celui qui l'a imposé qu'insupportable à celui qui l'a subi. En un mot, les rapports étant changés, le traité a contre lui la force des choses, et sa raison d'être disparaît. C'est en vain alors qu'on essaierait de le maintenir, il tombe de lui-même et l'on voit fatalement se produire des circonstances qui obligent les États à en constater officiellement l'abrogation.

Vouloir qu'il en soit autrement, c'est méconnaître les lois de l'histoire. Pour qu'un État qui, à tel moment de son histoire, a considéré un traité comme équitable et bienfaisant, le considérȧt comme tel à

tout jamais, il faudrait non-seulement que cet État s'immobilisát, mais qu'il en fût de même des autres États qui l'entourent. Car, bien qu'un État en reste au mème point, il suffit que les autres se modifient pour que ses rapports avec eux soient changés et pour que le traité qui exprimait ces rapports perde sa raison d'être. En matière de commerce et d'économie politique, cette vérité est devenue si évidente que les États ne concluent plus que des traités temporaires; c'est qu'ici les rapports sont simples et peuvent être déterminés avec netteté ; d'autre part, les expériences qui sont faites de ces traités sont concluantes ; une transformation dans le commerce et dans l'industrie fait de traités qui étaient auparavant avantageux un objet de ruine. La cause et l'effet ressortent à tous les yeux, et justement parce qu'on ne possède plus d'éléments positifs de décision, on prend une décision plus réservée et plus prudente; on discerne les lois économiques et on s'efforce d'en tenir compte.

On connaît mal les lois de l'histoire, et c'est pour cela qu'on les enfreint si souvent dans les traités politiques. Justement parce qu'ici les éléments positifs de décision font défaut, on cherche à masquer l'incertitude réelle où l'on se trouve par la solennité des formes dont on entoure la décision. Et cependant, par le fait même que les nations se modifient sans cesse, les traités ne peuvent acquérir de fixité que dans la mesure où ils tiennent compte des lois de l'histoire des nations. On a voulu tracer des règles pour juger de la validité des traités; on a dit qu'ils sont nuls de plein droit quand ils reposent sur une erreur maté

rielle, ou quand leur exécution soulève d'inextricables difficultés que les États ne pouvaient prévoir au moment où ils signaient les traités. C'est prendre l'effet pour la cause et tirer une règle générale d'un fait qui n'est qu'un des phénomènes de la fin des traités. L'erreur où sont tombés les négociateurs, tant sur l'objet du traité que sur la possibilité de son exécution, provient de leur ignorance ou de leurs passions, et c'est là qu'il faut chercher la véritable cause de la fin du traité. Depuis la plus simple méprise sur les rapports de force morale et matérielle des États, jusqu'à l'erreur absolue sur l'objet du traité, il n'y a qu'une différence de degré, et tous les traités, dans une mesure proportionnelle, portent en eux-mêmes les causes de leur chute. Ils tombent tous parce qu'ils sont mal faits et tombent d'autant plus vite qu'ils ont été plus mal faits.

La durée des traités n'a donc, comme leur valeur, d'autre fondement que l'intelligence et la sincérité avec lesquelles les négociateurs ont tenu compte des devoirs, des droits et des intérêts des États contractants. Les traités sont d'autant plus solides qu'ils ont été plus sages, d'autant plus durables qu'ils ont été plus bienfaisants. Ils ne peuvent étre qualifiés de perpétuels que dans la mesure où ils concilient les lois permanentes de l'histoire générale avec les caractères propres à l'histoire particulière des États qui les concluent.

CHAPITRE VIII

DES TRAITÉS GÉNÉRAUX

Définition et division

des traités généraux.

Des traités de paix.

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I. Les traités généraux sont ceux qui embrassent toutes les relations ou tout un groupe de relations générales entre les États. Ce sont, dans l'ordre politique, les traités de paix, d'union politique, d'alliance, d'amitié, de subside, de garantie, de protection, de neutralité, de cession de territoire; dans l'ordre économique, les traités d'union douanière et les traités de commerce. Ainsi qu'on l'a dit au chapitre précédent, plusieurs de ces traités succèdent à la guerre ou sont conclus en vue de la guerre, mais ils organisent la paix ou sont conclus pendant la paix. C'est à ce point de vue et dans les rapports qu'ils ont avec le droit des gens en temps de paix qu'ils seront étudiés en ce chapitre; les rapports qu'ils ont avec le droit des gens en temps de guerre et avec le droit des gens des neutres seront étudiés au livre de la guerre et au chapitre des neutres.

II. C'est quand tous les rapports de droit ont été suspendus entre les États qu'il est le plus nécessaire de les rétablir. Les traités de paix n'ont pas d'autre objet, et de là vient leur grande importance. Ils forment le fond du droit des gens. Tous les traités de paix ont un caractère commun: ils constatent la fin des hostilités entre les États et le retour au régime du droit des

gens en temps de paix. En dehors de cette clause générale, les traités de paix diffèrent d'après la manière dont ils consacrent les résultats de la guerre et établissent les relations pacifiques entre les États contractants. Il n'y a pas lieu de les diviser et de les classer: chacun d'eux doit être examiné et jugé dans ses rapports avec les circonstances où il a été négocié.

Lorsque les États entretiennent entre eux des relations pacifiques, ils peuvent contracter des engagements plus ou moins étendus. On va les étudier et les définir successivement.

Des traités conclus dans l'état

de paix.

d'union politique.

III. Les traités d'union politique sont les plus Des traités étroits de tous ceux qui peuvent unir des États. Ils présentent plusieurs degrés. Lorsque des États confondent leur souveraineté, se donnent le même chef et le même gouvernement, l'union politique est complète à partir de la signature du traité, ils ne forment plus à l'égard des autres États qu'un seul État indépendant et souverain. Tels furent, par exemple, sous la forme d'union réelle, le traité qui réunit l'Écosse à l'Angleterre, et, sous la forme d'union fédérale, celui qui constitua des États-Unis de l'Amérique du Nord. Lorsque les États, tout en confondant leur souveraineté sous certains rapports, prétendent la séparer sous d'autres rapports, lorsqu'ils déterminent les objets en vue desquels ils s'unissent et ceux pour lesquels ils prétendent garder leur indépendance, l'union politique est incomplète. Au point de vue du droit des gens, ces États se dédoublent en quelque sorte; ils continuent de former autant d'États distincts qu'il y a de

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