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et l'autre une loi de circonstance; le législateur de 1884 n'a pas touché à la première; il a seulement achevé l'abrogation de la seconde.

La première de ces deux lois est celle du 2 mars 1791, intitulée : « Loi portant suppression de tous les droits d'aide et de toutes les « maîtrises et jurandes, et établissement des patentes ». C'est cette loi qui, dans son article 7, a repris les dispositions de l'édit de Turgot de février 1776, en proclamant la liberté du travail de la manière suivante: « A compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute per<< sonne de faire tel négoce, ou d'exercer telle profession, art ou mé« tier qu'elle trouvera bon; mais elle sera tenue de se pourvoir au« paravant d'une patente, d'en acquitter le prix suivant les taux « déterminés, et de se conformer aux règlements de police qui sont « ou pourront être faits. » Telle est la loi qui a consommé en France la destruction des anciennes corporations d'arts et métiers, et repris heureusement l'œuvre de Turgot, en consacrant enfin la liberté du travail dont les corporations étaient la négation.

Mais des résistances se produisirent de la part des membres de quelques-unes des corporations privilégiées et de certains groupes d'ouvriers; et c'est pour triompher de ces révoltes contre la loi d'égalité et d'émancipation du travail qu'elle venait de proclamer, que l'Assemblée constituante fut amenée à refuser à tous les patrons et ouvriers d'une même profession le droit de se rassembler pour la défense de leurs incontestables intérêts communs, c'est-à-dire ce droit de réunion et d'association qu'elle accordait largement à tous les Français en matière politique. Tel a été le but et l'objet de la seconde loi, celle des 14-17 juin 1791, intitulée : « Loi relative aux ‹ assemblées d'ouvriers et artisans de même état et profession. » Cette loi édictait trois sortes de prescriptions: elle punissait le refus concerté de travail; elle interdisait toute représentation des industriels et commerçants en communication avec les pouvoirs publics; elle proscrivait toute réunion et association de personnes exerçant la même profession.

Les deux premières de ces trois prohibitions étaient depuis longtemps abrogées, et il était étrange que les patrons ou ouvriers, devenus libres de se coaliser, ne pussent se réunir pour arriver à l'entente commune. Aussi, malgré la troisième prohibition, ces réunions ne s'en produisaient pas moins, et, en fait, les syndicats professionnels, soit de patrons, soit d'ouvriers, étaient nombreux malgré la défense de la loi des 14-17 juin 1791. Il faut bien reconnaître en effet ce qu'il y avait d'excessif dans ces défenses relatives à ce que l'article 2 de cette loi appelait « les prétendus intérêts communs des citoyens

« d'un même état et profession ». Les circonstances rappelées expliquaient seules ces dispositions, dont le caractère n'était pas d'être définitives et permanentes, contrairement au texte cité de la loi de principe du 2 mars 1791.

Aussi le fait était-il en désaccord absolu avec le droit, lorsqu'est survenue la loi de 1884. Les syndicats professionnels existaient, presque officiellement, bien que défendus. Les tribunaux de commerce y trouvaient, pour les arbitrages et les expertises, les compétences les plus sûres, appréciées par eux, et y avaient souvent recours; à ce point qu'il existe une circulaire, bientôt oubliée, d'un garde des sceaux, qui, en 1874, rappelait les tribunaux de commerce aux prescriptions de la loi des 14-17 juin 1791. L'administration elle-même avait souvent cherché et trouvé, près des syndicats professionnels, ses meilleurs éléments d'information.

La loi de 1884 a donc eu pour objet principal de mettre le droit d'accord avec les faits patents et existants avec une sorte de complicité des pouvoirs publics. Par celles de ses dispositions qui prononcent l'abrogation de la loi des 14-17 juin 1791, elle n'a fait qu'achever l'abrogation d'une loi déjà abrogée dans deux parties essentielles sur trois, et qui, sur la troisième, n'était plus appliquée depuis longtemps.

Mais la loi de 1884, dont d'autres dispositions peuvent être critiquées, s'est bien gardée d'abroger, et n'a jamais songé à abroger la première de ces deux lois, celle du 2 mai 1791, qui, en abolissant les corporations d'arts et métiers et proclamant la liberté du travail, « ce droit inaliénable de l'humanité », suivant le magnifique langage de Turgot, a mérité, à la grande Assemblée, l'éternelle reconnaissance de la postérité.

Le rédacteur du compte rendu, CHARLES LETORT.

OUVRAGES PRÉSENTÉS.

Direzione generale della statistica. Statistica giudiziaria penale per l'anno 1883 1.

Amministrazione della cassa dei depositi e prestiti presso la direzione generale del debito pubblico. Relazione e rendiconti consuntivi per la cassa dei depositi e prestiti e per le gestioni annesse. Esercizi 1o semestre 1884 e 1884-85 *.

Estadistica commercial de la Republica de Chile, 1884 '.

1 Roma, tip. Eredi Botta, 1885, in-4.

2 Roma, tip. Elzeviriana, 1885, 2 vol. in-fol. 3 Valparaiso, impr. del Universo, 1885, in-8.

Memoria presentado por el ministro de relaciones esteriores i de colonizacion de Chile al Congresso nacional en 1885 1.

Ministero del Tesoro. Direzione generale del debito publico. Relazione del direttore generale alla Commissione di vigilanza sui rendiconti dell' amministrazione del debito pubblico per gli esercizi 1o semestre 1884 e 1884-85 *.

Bibliothèque des sciences contemporaines. La politique expérimentale, par LEON DONNAT 3.

Les solutions démocratiques de la question des impôts. Conférences faites à l'École des sciences politiques, par M. Léox SAY. T. I^.

Memoria del ministerio de hacienda presentado al Congreso nacional por el ministro del ramo en 1885 '.

49th Congress. 1st Session. House of representatives. Statistical abstract of the United States, 1885 °.

The Contemporary Review. May, 1886 '.

HENRI CERNUSCHI. Remarques financières (23 mars-16 avril 1886), tirées du « Siècle »".

Ligue permanente pour la défense des intérêts des contribuables et des consommateurs. YVES GUYOT, Paris ouvert '.

Sinopsis estadistica y geografica de Chile en 1885. Oficina central de estadistica 10.

Banca popolare di Milano. Resoconto dell' Assemblea generale dei Socj, 21 febrario 1886 11.

Banca cooperativa milanese. Rendiconto, 1885 **.

13

L'emprunt de 1886, par EUGÈNE Reboul 13.

Reports from the consuls of the United States on the commerce, manufactures, of their consular districts 1⁄4.

14

'Santiago de Chile, impr. nacional, 1886, gr. in-8.

2 Roma, tip. Eredi Botta, 1885, fol.

3 Paris, Reinwald, 1885, in-16.

Paris, Guillaumin et C, 1886, in-18.

* Santiago de Chile, impr. de la Republica, 1885, in-8.

6 Washington, Government printing Office, 1886, in-8.

7 London, in-8.

› Paris, impr. de V• Éthiou-Pérou et fils, in-8.

9 Paris, Guillaumin et C, in-8.

10 Santiago de Chile, impr. nacional, 1886, in-8.

11 Milano, tip. sociale, 1886, in-4.

12 Milano, tip. sociale, 1886, fol.

13 Paris, Warnier, 1886, in-8.

14 Washington, 1885-86, 3 vol. in-8.

4o SÉRIE, T. XXXIV. 15 mai 1886.

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SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS

RÉUNION DU 21 AVRIL 1886.

DISCUSSION: La question de l'Alcool.

La séance est présidée par M. A. de Foville, président.

M. H. Destrem, secrétaire général de la Société d'études philosophiques et morales, est élu membre titulaire de la Société de statistique. M. T. Loua, secrétaire général, énumère les ouvrages parvenus à la Société depuis la précédente réunion.

M. de Foville, président, offre spécialemeut, de la part de l'auteur, M. A. Vührer, un important ouvrage en deux volumes publié chez Berger-Levrault sous le titre de Histoire de la Dette publique en France. C'est, dit-il, un livre d'autant plus précieux et d'autant plus utile, que M. Vührer, attaché jadis au Ministère des Finances, avait pu alors profiter, pour son travail commencé depuis de longues années, de documents et de matériaux aujourd'hui disparus, par suite de l'incendie du Ministère en mai 1871. En outre, cette étude, impartiale et toujours fondée sur des documents précis et positifs, écrite sans esprit de parti, dans une forme claire et dégagée de tous détails oiseux et inutiles, présente ainsi à l'esprit un tableau net et lucide de cette partie si considérable et si intéressante de nos finances nationales. Cette Histoire de la Dette française restera désormais classique.

L'ordre du jour appelle la communication de M. René Stourm sur la question de l'alcool.

Cette question, dit M. Stourm, touche aux intérêts les plus multiples: le médecin, le moraliste, le financier, s'en occupent aussi bien que l'écomiste; l'agriculteur aussi bien que l'industriel et le commerçant. C'est plus spécialement au point de vue financier que le sujet sera envisagé par lui.

Les taxes qui sont assises sur l'alcool jouent un rôle considérable dans le budget des grandes nations; elle peuvent avoir pour effet de mettre un frein à la consommation de ce produit dangereux pour l'hygiène et la morale publiques; elles ont surtout pour but d'apporter un large contingent de ressources dans les caisses de l'État. Les statistiques fiscales en cette matière constituent un élément important des études des médecins et des moralistes.

En France, la production et la consommation de l'alcool ont reçu de singuliers développements depuis un demi-siècle; et chose digne de remarque, le taux des taxes qui les frappaient ont subi un accroissement

parallèle. En 1830, la consommation de l'alcool, ramené à 100 degrés pour faciliter les comparaisons, s'élevait à 365.000 hectolitres (1 lit. 12 par habitant), le tarif de la taxe était de 57 fr. par hectolitre et donnait au Trésor une ressource de 20 millions de francs. Dans ces derniers temps, la consommation s'est élevée annuellement à 1,300,000 hectolitres, soit à 3 litres 1/4 par habitant; le tarif de la taxe est de 156 fr. par hectolitre et son produit atteint 250,000,000 de fr.

C'est particulièrement à partir de 1855 que le phénomène de l'accroissement simultané du tarif et de la consommation se manifeste d'une façon saisissante. On trouve l'explication de cette anomalie dans la révolution que subit alors la fabrication de l'alcool. Sous l'influence désastreuse de l'oïdium, la production viticole s'était trouvée réduite dans de larges proportions. La distillation des vins s'arrête et nous assistons à l'avènement de l'alcool industriel, alcool de betterave, alcool de pommes de terre, alcool de grain. La production de l'alcool industriel atteint bientôt 1 million d'hectolitres. Or, tandis que les prix de l'alcool de vin oscillent entre 100 et 200 fr., les prix de l'alcool d'industrie s'abaissent jusqu'à 70 et même 50 fr.

En présence d'une semblable baisse dans les prix, l'accroissement du taux de l'impôt est impuissant à arrêter la consommation. C'est en 1871 que le tarif est porté à 156 fr.; dès 1873, les chiffres de consommation constatés avant la guerre sont dépassés. Le produit de l'impôt s'élève rapidement de 2 fr. 21 c. par tête d'habitant à 6 fr. 50 c. La consommation de 3 litres 1/4 par tête d'habitant correspond à une consommation journalière qui peut paraître énorme. Si, en effet, on déduit de la population toute la portion : femmes, enfants, malades, qui ne consomme que peu ou point d'alcool, si l'on ramène l'alcool au degré moyen adopté pour les eaux-de-vie et liqueurs, soit à 40 degrés, si l'on admet enfin qu'un litre contient de 50 à 60 petits verres, on arrive à une consommation moyenne de plus de 2 petits verres par jour et par tête, alors qu'elle n'était que de 2 tiers de petit verre en 1830.

Au point de vue fiscal, la constance de la progression dans le rendement de l'impôt est un fait remarquable. Il faut le reconnaître, ce résultat est dû à la perfection des règlements observés depuis 1872 et l'on peut en conclure qu'il serait imprudent de modifier, comme on le propose en ce moment, un mécanisme qui a fonctionné avec tant de succès.

En Angleterre, les ressources fournies par la taxe de l'alcool sont encore plus considérables qu'en France; en réunissant les produits de l'accise et ceux des douanes, on arrive au chiffre formidable de 500 millions de francs, avec un tarif de 477 fr. par hectolitre d'alcool pur.

Aussi, en Angleterre, le mouvement ascensionnel de la consommation de l'alcool paraît-il enrayé, tandis que la consommation des boissons

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