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A mesure qu'il avance dans l'histoire de l'Angleterre et qu'il traite des événements plus rapprochés, son dogmatisme apparaît plus clairement et l'erreur de sa méthode est plus évidente. Nous ne nous arrêtons pas aux réflexions moroses que lui inspire la Réforme, c'est l'époque où, selon lui, finit l'âge d'or.

La troisième période, celle du triomphe de l'individualisme, a commencé, d'après M. Cunningham, dans les premières années du XIXe siècle, vers 1810. C'est alors que « l'on adopta le principe que chaque homme comprend mieux ses intérêts, et qu'en laissant pleine liberté à l'initiative privée, on obtiendrait le développement le plus rapide de la richesse. C'est le règne du laissez-faire; la compétition libre est regardée comme la condition normale de l'industrie ».

Les anciennes entraves qui pesaient sur la vie industrielle disparaissent; les compagnies privilégiées perdent leurs monopoles exclusifs; les rapports des travailleurs et des capitalistes sont mis d'accord avec les nouveaux principes; la loi des pauvres est amendée. Cette réforme indispensable est due en grande partie à l'influence de Malthus, et ce n'est pas un de ses moindres titres de gloire d'avoir inspiré un changement si salutaire. Le mouvement coopératif prend naissance vers cette époque et éveille des espérances que la suite n'a pas toutes réalisées. Les ouvriers apprennent quelle force l'union leur donne et les Trade's Unions prennent une importance considérable. Le triomphe de la Ligue contre les lois-céréales est le point culminant de cette troisième période.

Ces diverses mesures n'ont pas l'approbation de M. Cunningham. Il trouve trop sévère la réforme de la loi des pauvres, et il est bien près d'en nier la nécessité. Il n'a que de la méfiance à l'égard des libreéchangistes. « Leur succès nous a placés économiquement sous la dépendance des nations étrangères pour notre nourriture et nos matières premières; il nous a mis dans l'impossibilité d'ouvrir par la force un marché à nos produits. » Il lui semble que l'expérience a prouvé l'insuffisance de la doctrine du laissez-faire. Et ici, nous nous contentons de remarquer que M. Cunningham généralise beaucoup trop, et que la non-intervention gouvernementale n'a pas été aussi absolue dans cette période qu'il le déclare. Mais il a besoin d'exagérer l'ascendant du principe individuel, pour mieux démontrer la nécessité d'étendre l'action de l'État.

M. Cunningham se met à chercher une définition de la richesse nationale, qui s'accorde avec « la lumière de notre expérience présente ». Il se demande si « le développement de la richesse individuelle concorde avec le développement de la richesse nationale », et il rejette cette opinion. « Nous n'avons pas d'hésitation à déclarer erronée la doctrine qui

identifie l'accroissement de la richesse nationale à l'accroissement de la ricesse individuelle; elle est trop à courte vue pour obtenir la confiance de l'homme d'État; la richesse nationale doit être traitée en se reportant sans cesse à la vie nationale, et si on manque de le faire, il y a de graves dangers pour l'administration des ressources nationales. » Il condamne les définitions que les économistes ont données de la richesse, et voici celle à laquelle il arrive : « La richesse nationale consiste dans tous les objets physiques, qui peuvent être employés à soutenir et à prolonger la vie nationale. » Il indique ensuite le but que «< notre économie politique doit avoir en vue, il s'agit d'une science nouvelle, bien supérieure à l'ancienne : «< ce sont les facteurs qui concourent directement à soutenir et à prolonger la vie nationale ». La nouvelle science rejette les principes du laissez-faire; elle a un intérêt plus élevé que le simple développement de la richesse, elle se préoccupe d'administrer les ressources nationales, c'est ce que l'auteur appelle national husbandry et les Allemands wirthschaft. Nous retrouvons, en effet, dans ce livre l'influence des socialistes de la chaire à l'exemple des écrivains allemands, M. Cunningham a une foi profonde dans l'État; c'est à l'homme d'État d'empêcher « l'épuisement de la vigueur nationale et le gaspillage des ressources nationales ». Il doit veiller à la santé des individus et au bon emploi des capitaux. « Par la sage administration des forces de l'État, nous arriverons à soutenir et à prolonger notre vie nationale. » En se guidant d'après cette théorie, M. Cunningham passe en revue la législation récente. C'est le même sujet que M. Herbert Spencer a traité d'une façon si magistrale dans son livre the Man versus the State. M. Cunningham ne partage pas la doctrine du philosophe anglais sur « la grande superstition politique,» et parmi les nombreux empiétements de la législation sur la liberté individuelle, il en est beaucoup qui lui semblent justifiés. II blame toutefois le land act de 1881, et c'est une preuve de bon sens dont il faut lui tenir compte. Mais les arguments qu'il emploie sont conformes à la nouvelle économie politique; ceux qui préfèrent s'en tenir à l'ancienne, trouveront leur manière de penser exposée avec beaucoup de clarté par M. Watt, dans son volume sur l'Aspect économique de la législation récente 1.

M. Watt ne veut ni révolutionner, ni abolir l'économie politique; il n'est pas à l'affût des nouveautés; il n'a pas de goût pour les paradoxes; il s'inspire de l'esprit des grands penseurs, qui ont les premiers exposé les doctrines économiques; il a étudié leurs ouvrages, non pour les

Economic aspects of recent legislation, by William Watt. Londres. Longmans, Green et Co, 1885.

trouver en faute et triompher des erreurs, inévitables dans une tâche aussi difficile, mais pour suivre la voie qu'ils ont indiquée.

C'est un véritable économiste. A l'intelligence des faits, à la sincérité, au bon sens, il joint le don de l'écrivain. Son livre est plein d'intérêt; cette lecture délasse l'esprit, fatigué de tant d'allégations banales, de sophismes soutenus d'un ton dogmatique; par la comparaison, nous en apprécions mieux le mérite.

En définissant l'économie politique, M. Watt répond à bien des objections soulevées par les écrivains que nous avons passés en revue. « L'économie politique n'est pas un fétiche, avec des prétentions inintelligibles et mystérieuses à l'autorité; ce n'est pas un oracle prononçant des arrêts dogmatiques sur les affaires humaines. C'est la somme de connaissances acquises sur le phénomène de cause et d'effet dans un domaine défini. Les lois économiques sont comme les lois de la nature; on peut les étudier, leur obéir, les mettre à profit, on ne peut les violer avec impunité. Travaillant en harmonie avec les lois des saisons, des vents, des marées, de la chaleur, de la gravitation, de l'électricité, l'homme exerce une maîtrise merveilleuse sur la matière, et accomplit les grandes fins de l'agriculture, de la navigation, de la locomotion, du mouvement des machines, de la communication instantanée entre les extrémités du monde. Mais l'homme ne peut défier la loi de la gravitation, ou faire avancer un navire à voile contre le vent, ou cultiver les fleurs de serre en plein air pendant les gelées de l'hiver. Il ne peut pas davantage défier les lois économiques, qui règlent la production de la richesse. Les actions humaines varient, il est vrai, dans certaines limites, comme deux saisons ne sont jamais la contre-partie exacte l'une de l'autre. Des motifs contraires entrent en jeu et rendent obscure l'opération des lois, qui ne sont pas obscures en elles-mêmes. Mais quoique les saisons ne se renouvellent pas avec une uniformité absolue, leur cours général est le même d'année en année et d'âge en åge; il en est de même avec l'action collective de l'humanité par rapport à la poursuite de la richesse. »

L'essai de M. Watt a pour but de montrer « dans quelle mesure la législation récente est d'accord avec les saines doctrines économiques, ou s'en éloigne, et de faire ressortir les effets permanents que l'on peut attendre de cette législation ». Le sujet avait été indiqué par la Société statistique de Londres; elle a accordé à M. Watt le prix qui avait été institué dans le but d'honorer la mémoire de M. Newmarck.

M. Watt commence par rendre un juste hommage à cet économiste éminent. Il met en lumière les principes que M. Newmarck a soutenus avec l'autorité que donnent l'étude et l'expérience. Il était profondément convaincu «< des maux inséparablement unis à l'officialisme, de l'effet

démoralisant de l'intervention gouvernementale, du manque d'adaptation de l'appareil administratif, » et il a défendu cette opinion par la parole et par la plume.

M. Watt soutient à son tour la doctrine du laissez-faire; il trouve des arguments puissants dans les mauvais résultats produits par la violation des lois économiques, qui distingue une forte part de la législation nouvelle, et tout particulièrement la loi sur la propriété foncière en Irlande. Il s'étend avec raison sur cette question, et les pages où il discute ce problème compliqué sont parmi les plus intéressantes. Il expose le but poursuivi par les land acts de 1870 et de 1881, et montre comment ils ont trompé toutes les espérances. « Le Parlement avait mis de côté le principe salutaire et actif du contrat libre, et il avait entrepris de régler les conditions de la propriété foncière. Ses règlements ont été inefficaces, mais les tenanciers ont appris à compter sur l'appui extérieur, et à regarder l'agitation politique comme une entreprise profitable. » Pour résoudre la difficulté, on avait rejeté bien loin « la pédanterie » des principes économiques, et au lieu d'amoindrir le mal, on l'a aggravé. C'était inévitable. L'état actuel de l'Irlande en est la preuve la plus éloquente.

Toute la législation récente ne présente pas les mêmes tendances funestes. M. Watt fait ressortir les bonnes conséquences que l'on peut attendre de certains actes : l'Agricultural Holding Act, le Game Act, le Settled land bill de 1882, ce dernier est un pas vers le libre-échange de la terre et l'abolition des anciennes relations féodales. C'est ce que M. Watt rappelle en terminant son travail.

« Quoique, dans certaines lois importantes, les principes de l'économie politique aient été ignorés et méprisés, j'ai montré que le Parlement peut servir la nation en abolissant des lois injustes, en donnant pleine liberté à des forces économiques latentes et réprimées, en ajoutant un stimulant nouveau à l'effort individuel. Il y a ainsi un conflit dans les tendances de nos lois récentes; les signes du temps ne sont pas entièrement favorables, et pourtant nous avons l'espérance de voir une croissante défiance envers la législation paternelle, et dans un respect croissant pour les sains principes économiques, qui avaient satisfait la forte intelligence de William Newmarck. »

Un livre comme celui de M. Watt concourt à hâter cet heureux résultat, et nous en tirons un présage favorable pour le réveil de la science économique en Angleterre.

SOPHIE RAFFALOVICH.

2 mars.

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BULLETIN

PUBLICATIONS DU « JOURNAL OFFICIEL ».

(Mars 1886.)

Rapports adressés au Président de la République par le ministre de la marine et des colonies, suivis de Rapports adressés au ministre par le sous-secrétaire d'État de la marine et des colonies, relatifs : 1° à l'attribution à l'administration des colonies de l'ordonnancement du budget colonial et de la tenue des écritures centrales; 2o à l'organisation de l'administration centrale des colonies. - Décrets conformes y annexés.

Rapport adressé au Président de la République par le ministre de la marine et des colonies, relatif à la création à Obock d'établissements de travaux forcés spécialement affectés aux individus d'origine arabe. Décret conforme.

4 mars.

Décret qui prescrit la promulgation du traité conclu à Hué, le 6 juin 1884, entre la République française et le royaume d'An

nam.

--

qui approuve la convention relative au régime des mines de l'Annam et du Tonkin, signée, le 18 février 1885, à Hué, entre la France et l'Annam et qui en prescrit la publication.

7 mars.

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Loi portant approbation du traité conclu, le 17 décembre 1885, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de S. M. la reine de Madagascar.

Rapport adressé au ministre de l'instruction publique, des beauxarts et des cultes, par le directeur de l'enseignement secondaire, et Arrêté instituant une commission chargée de la revision des programmes de l'enseignement secondaire spécial.

10 mars. Décret fixant les attributions du représentant de la République française à Madagascar.

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- relatif aux attributions judiciaires conférées aux agents du gouvernement français à Madagascar.

11 mars. Rapport adressé au Président de la République par le ministre de l'intérieur, et décret constituant la commission de classement instituée par le décret du 26 novembre 1885 pour organiser l'application de la loi sur la relégation des récidivistes.

- État des contributions directes et taxes assimilées et de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières.

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