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bien! Les Rapports de M. Marius Vachon sur les musées et les écoles d'art industriel et sur la situation des industries artistiques, nous apprennent, qu'à l'envi, tous les gouvernements de l'Europe s'efforcent de surexciter encore plus les genres de production déjà surabondants. Ils font de l'homéopathie!

- Partant du principe que l'argent est le nerf de la paix aussi bien que de la guerre, l'auteur du Contrat international pour l'abolition de la guerre par une juridiction internationale (in-8, 160 p,), qui a la modestie de ne pas signer son œuvre, propose d'ouvrir une souscription dans le but d'organiser une propagande pacifique et d'élaborer le contrat international qui mettra fin à la guerre; et pour montrer l'exemple, il souscrit pour 100.000 fr. Renvoyé aux Amis de la paix, aux Unions de la paix sociale, etc. L'auteur du Contrat international est un homme convaincu, il est facile de le voir, et il a beaucoup médité son sujet. Nous reviendrons sur ce livre avec plus de détails.

ROUXEL.

DES

FÊTES COMME REMÈDE A LA CRISE COMMERCIALE

Le 1er février 1854, le Moniteur universel, journal officiel de l'Empire, faisait connaître, dans un article appuyé sur des raisonnements variés, que le véritable but des fêtes, telles que celles de l'Hôtel-de-Ville et des Tuileries, était de favoriser le commerce et de procurer du travail aux classes laborieuses. « A l'exemple de l'Empereur et de l'Impératrice, di<< sait-il, le Conseil municipal de Paris a sagement pensé que les dépen« ses d'un grand bal retomberaient en pluie d'or sur toutes les indus<< tries de la ville ». Et il ajoutait que le gouvernement avait engagé tous les fonctionnaires à donner autour d'eux l'exemple de ces dépenses fécondes, qui tournent toujours au profit du commerce et de l'industrie.

M. Ambroise Clément répondit, dans le Journal des Économistes, à ces assertions, que l'on pouvait se demander « si les bals, les fêtes, les « dépenses fastueuses du personnel gouvernemental et administratif, << ont bien la portée qu'on leur attribue et si, au lieu de féconder, <«< comme on l'assure, le commerce et l'industrie, (de semblables dépen« ses ne seraient pas de nature à tarir, ou du moins à affaiblir consi« dérablement les sources de la prospérité publique ». Il conclut que

l'argent employé ainsi à une consommation improductive eût été plus utilement dépensé d'une autre façon et qu'il eût été encore bien préférable qu'il restât dans la poche des gens qui les donnent aux costumiers, aux coiffeurs, aux orfèvres, aux bijoutiers, attendu que l'épargne, et non pas la prodigalité, est ce qu'il y a de plus profitable à l'activité de l'industrie et du commerce.

Un syndicat de commerçants et de fabricants venant de se constituer pour donner dans Paris des fêtes destinées à faire aller le commerce, comme dit l'expression populaire, il semble intéressant d'examiner de nouveau non pas si « les bals et les fêtes sont de bons moyens de faire << prospérer le commerce et l'industrie », mais simplement si le syndicat atteindra son but.

Nous n'avons pas l'intention de discuter les arguments de notre savant confrère à l'opinion absolue duquel nous serions personnellement enclin à apporter quelque tempérament. La lutte entre les apologistes du luxe et ses adversaires ne date pas d'hier et il n'est pas toujours facile de se prononcer entre les deux solutions fantaisistes du chansonnier :

L'argent est plat et fait pour empiler;

L'argent est rond, il est fait pour rouler.

D'ailleurs, la situation n'est pas absolument la même qu'en 1854 et c'est précisément du manque de prodigalité que l'on se plaint aujourd'hui. Depuis quelques années soit par suite de la diminution des fortunes produite par le nivellement qui s'opère, soit par d'autres causes l'argent reste improductif, on épargne, on fait des économies, on garde son argent en cas de besoin; en un mot on ne le dépense pas. Cette abstention dans la dépense désespère les marchands et accentue la crise commerciale en s'ajoutant aux autres causes connues et inconnues. On comprend donc que les commerçants aux abois cherchent à sortir de cette stagnation mortelle et essaient par tous les moyens de faire délier le cordon des bourses qu'ils croient garnies et à faire circuler un peu de cet argent qui devient si rare.

Certainement il n'est pas conforme aux principes de l'économie de surexciter les dépenses au moyen de besoins factices pour détourner l'argent de l'emploi qu'il recevrait naturellement; évidemment il est préférable qu'au lieu de s'en aller en résultats improductifs, en dépenses de luxe les sommes non dissipées soient employées en consommations reproductives par leur application au paiement d'un travail quelconque ou soient épargnées pour constituer des ressources destinées à alimenter l'industrie ou le commerce. Mais, outre que le commerçant s'inquiète fort peu des principes, il n'a pas la patience d'attendre le moment où cet argent mis de côté serait lancé de nouveau dans la circu

lation du commerce; pour lui, toute somme arrachée aux consommateurs est regardée comme un profit réel ; il lui est fort indifférent que ce soit au détriment d'autres industries qui en eussent profité, et d'ailleurs il vous soutiendra que l'argent dépensé n'a pas été détourné de son cours, mais a été amené dans le commerce à l'aide de moyens sans lesquels il fût demeuré improductif. Ces valeurs, si elles n'avaient pas été employées de cette façon, n'auraient pas été utilisées en travaux productifs ou en salaires; elles seraient restées en épargne, et ces épargnes n'auraient pas servi en capital ou en intérêt à alimenter le commerce ou l'industrie, elles auraient été confiées non seulement à l'État qui pourrait à la rigueur leur donner une destination utile, mais encore aux États étrangers; or, c'est là un des motifs de plaintes le plus persistant du commerce que l'emploi que l'on fait de l'argent aujourd'hui. On se plaint qu'on ne cherche pas à tirer un parti utile des sommes qu'on possède ou qu'on économise, personne n'entreprend plus ni affaires ni travaux, on ne pense même pas à acheter de propriétés, le placement favori du Français qui a quelque capital; on n'a même plus l'idée, et pour cause, de bâtir (je parle du moment actuel) à plus forte raison les détenteurs de fonds n'iront-ils pas les mettre dans des entreprises industrielles et commerciales; non, on cherche sans rien dire un bon placement, un placement sûr, c'est-à-dire un moyen de placer ses capitaux qui permette, tout en en assurant la conservation et avec un maigre revenu, de les retirer à toute heure, dans leur totalité, pour les employer d'une manière plus fructueuse lorsque des temps meilleurs qu'on ne prévoit pas et qu'on ne fait rien pour amener, auront vu renaître l'activité commerciale. L'État est tout naturellement indiqué pour cela, et c'est à qui lui portera ses épargnes, ses dépôts, ses capitaux à rentes. Cette tranquillité dans l'attente, cette assurance de la conservation n'est pas même suffisante chez beaucoup et ce n'est un secret pour personne aujourd'hui que non seulement les peureux qui voient dans leurs rêves agités la destruction du Grand-Livre, les pessimistes qui attendent chaque jour une révolution, qui en fera peut-être des émigrés, les timides qui, n'ayant confiance en rien, cherchent la sécurité partout, mais encore tous ceux qui ont une certaine fortune, tous ceux même qui divisent ce qu'ils ont en petits placements, vont chercher des fonds (anglais, allemands, russes, espagnols, portugais, voire égyptiens ou turcs. Il est pourtant difficile d'empêcher les gens de placer leur argent comme ils l'entendent. D'ailleurs, le commerce prend ici un effet de la crise pour une cause; il ne se rend pas compte que lorsque l'arrêt momentané que subissent les affaires aura disparu, les capitaux reprendront leur emploi normal et que toutes les sommes économisées et placées plus ou moins avantageusement reparaîtront dans les opéra

tions commerciales et industrielles; mais quant à les faire circuler sur le marché, malgré les détenteurs et à l'aide de mesures spéciales, c'est là un résultat auquel personne, syndicat, comité ou gouvernement, n'arrivera jamais.

Enfin, admettons pour le moment la légitimité de ces fêtes; il nous reste à examiner si elles peuvent avoir des résultats aussi brillants que ceux qu'en attendent les organisateurs. Hélas! au risque de jeter le désespoir dans l'âme de messieurs du syndicat, nous devons avouer que nous croyons peu à l'action qu'elles doivent avoir sur le commerce. Des fêtes du genre de celles dont il s'agit ne sont que des faits isolés sans échos, sans lendemain et qui ne peuvent amener un courant d'affaires bien sérieux. On peut admettre, en laissant de côté toute forme de gouvernement, que dans une société adonnée au plaisir et au luxe, aimant la représentation, il y ait une excitation générale suffisante pour créer un chiffre important de dépenses. Lorsque l'exemple surtout part de haut, lorsque par principe ou par calcul le gouvernement invite tous ses fonctionnaires à créer et à soutenir une sorte d'activité dans les relations mondaines, lorsque la société même développe ces relations sous l'influence de causes heureuses, telles que le bien-être, la satisfaction dans les esprits, l'absence de souci politique, il y a là un état général qui se manifeste par des fêtes de toutes sortes, petites et grandes, intimes et publiques, qui peuvent, en effet, amener un surcroît de consommation de produits dans de nombreuses branches du commerce et une importante somme de transactions non seulement dans les industries de luxe, mais encore dans beaucoup d'autres. Car le luxe est une chose essentiellement relative; ce qui est considéré comme un besoin naturel pour les uns est un luxe pour d'autres et quand les causes de dépenses se généralisent dans toutes les classes, comme nous l'indiquons, le luxe en s'abaissant dans la même proportion s'applique à une foule de consommations. Ce ne sont pas seulement les costumiers, les coiffeurs, les orfèvres ou les bijoutiers, dont on parle tout de suite pour une grande solennité, ce sont toutes ces industries annexes qui s'adressent aux fortunes plus modestes, mais qui veulent aussi paraître dans leur sphère et dans la mesure de leurs moyens, ce sont tous les commerces d'objets qui ne sont pas d'une consommation quotidienne et qui ont besoin d'une cause déterminante pour être achetés. C'est le motif qui fait que le commerce de Paris se plaint si énergiquement du défaut de réceptions mondaines. Presque tous les commerçants pensent que cette abstention de la société leur cause un préjudice. Dans l'enquête faite par la commission de la Chambre des députés les plaintes à ce sujet sont nombreuses et émanent d'un nombre considérable de corps d'état dont la plupart ne sont pas habituellement considérés comme des industries de luxe.

M. Muzet, président de l'Union des chambres syndicales, se faisait ainsi l'écho de ces plaintes générales dans sa déposition: « A propos des industries qui constituent le commerce de Paris, je dois vous signaler un reproche que beaucoup de leurs représentants, ceux surtout des industries de la mode, font au gouvernement républicain, c'est de ne pas donner assez de fêtes. Certes, le gouvernement républicain n'est pas contesté, et j'en suis moi-même partisan convaincu, mais enfin c'est mon devoir, je crois, vis-à-vis de vous, de me faire l'écho de ces plaintes.

« Évidemment le régime passé, qui avait besoin d'un certain appareil, qui comportait une cour, avait pour conséquence de faire travailler beaucoup de ces industries; et si le régime républicain ne comporte pas toutes ces fêtes, tous ces galas, qui sont en quelque sorte de l'essence du régime monarchique, il y a peut-être, cependant, à ce point de vue, quelque chose à faire....

<< Paris, sans doute, conservera toujours cette supériorité qui tient à notre génie national et qui en fait, au point de vue du moins des industries artistiques, la capitale du monde; mais, pour que ces industries ressortissent à leur valeur, il leur faudrait un certain concours, des occasions de se produire, qu'elles ne trouvent que dans les fètes. Eh! bien, on se rappelle que sous l'Empire, il y avait à la cour des réceptions très brillantes, que les ministres donnaient des soirées très luxueuses, tandis qu'aujourd'hui nous avons des ministres qui reçoivent fort peu ».

Et M. Muzet ajoutait : « Cette question n'est pas, je vous l'assure, sans avoir quelque importance ».

C'est donc se basant sur cette opinion générale que Paris manque de fètes que certains commerçants ont pris l'initiative de combler cette lacune. Ils espèrent ainsi redonner quelque activité au commerce parisien en général. Nous croyons qu'ils auront une amère désillusion. Quelles sont les industries qui vont bénéficier directement de ces fètes? Aucune ou à peu près. Un bal comme ceux donnés à l'Hôtel-de-Ville ou au Tribunal de commerce, malgré un chiffre de dépenses assez considérable, donne en somme peu de résultats au point de vue de l'argent mis en circulation.

Les dépenses sont de deux sortes: celles relatives à l'organisation du bal lui-même, et celles faites par les personnes qui y assistent.

Les premières sont couvertes par les souscriptions du public ou plutôt par les billets qui donnent droit à y entrer. Sous ce côté du moins, ce mode de recette échappe à la critique que l'on a faite en d'autres temps au sujet du payement par la caisse municipale, c'est-à-dire par l'impôt, ce qui constituait une charge supportée par la totalité des

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