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DEVOIRS DES SUJETS DES ÉTATS NEUTRES.

§ 148. Nous venons de retracer les lois rigoureuses qui doivent présider aux relations des États neutres avec les belligérants. Ces règles obligent les particuliers comme les gouvernements, mais elles ne les obligent pas au même degré. Les premiers peuvent se livrer à une foule d'actes plus ou moins hostiles qui ne constituent pas cependant des violations de la neutralité. Il est en effet impossible de demander compte à un gouvernement, de ce que plusieurs de ses sujets ont pris part d'une manière quelconque aux hostilités, de ce qu'ils ont passé des marchés de fourniture avec l'un des belligérants ou lui ont avancé des fonds, de ce qu'ils ont pris du service dans ses armées, en cédant à certains motifs belliqueux ou autres. Il y a en effet dans toutes les nations, grandes ou faibles, des époques où certains individus, mus par un sentiment guerrier et honorable, vont chercher à le satisfaire partout où l'occasion s'en présente. Quelquefois un gouvernement hésite à s'engager dans les périls d'une guerre même en faveur d'une cause juste, tandis que la morale fait un devoir aux particuliers d'y prendre part. Autrefois la faculté d'entrer dans des armées étrangères formait un des éléments fondamentaux de la bonne liberté allemande.1

En pareil cas, le gouvernement neutre peut tout au plus être obligé d'appliquer à ses sujets désobéissants les lois relatives à l'émigration. Il n'en sera plus de même, si les sujets d'une puissance neutre venaient à s'enrôler en masse au service de l'un des belligérants, au point d'attirer l'attention de l'autre belligérant et de faire craindre de sa part des représailles ou une déclaration de guerre. En ce cas, le souverain neutre sera dans son propre intérêt contraint à prendre à leur égard des mesures énergiques.2

D'après les usages internationaux modernes, un souverain

1) „Zur löblichen Gestalt deutscher Freiheit," c'est ainsi que s'exprime le recès de l'Empire de 1570 § 4.

2) Hautefeuille t. I, p. 439. 459 a adopté en partie un point de vue différent.

neutre doit défendre à ses sujets d'accepter des lettres de marque de l'un des belligérants et de se livrer à la course sous le pavillon de ce dernier. Ce principe est presque généralement admis aujourd'hui. Autrefois au contraire il était très-controversé. On ne l'admettait que dans les cas où il avait été formellement stipulé dans les traités.'

DROITS DES NEUTRES.

§ 149. L'état de guerre survenu entre deux nations apporte aux droits fondamentaux des autres certaines restrictions, que nous avons comprises sous la dénomination générale des devoirs spéciaux de la neutralité. Ces droits ainsi modifiés, diminués par les devoirs résultant de l'état de guerre, se résument dans les propositions suivantes:

Premièrement. Inviolabilité du territoire neutre, plein exercice des droits de souveraineté dans le territoire neutre avec une entière liberté et sans aucune restriction.

Le territoire neutre est un asile naturellement ouvert aux sujets des belligérants, pourvu qu'ils s'y présentent isolément2 et que leur présence n'implique pas une faveur accordée à l'un des belligérants au détriment de l'autre. De même le souverain neutre doit accorder aux bâtiments de guerre des belligérants les secours dont ils pourraient avoir besoin, et les admettre dans ses ports. Nous devons toutefois faire remarquer ici une différence importante entre les forces de terres et celles de mer qui viennent chercher un asile sur le territoire neutre. Lorsqu'une armée fuyant devant son ennemi vient se réfugier dans un pays neutre, elle y est reçue et est traitée avec humanité, mais les troupes sont désarmées et éloignées du théâtre de la guerre; en un mot on remplit les devoirs d'humanité à l'égard des individus, mais on n'accorde pas un asile à l'armée prise comme un corps. Lorsqu'au contraire des navires des puissances

1) de Steck, Versuche über Handels- und Schifffahrtsverträge. 173. de Martens, Ueber Caper. § 13. Hautefeuille I, p. 440.

2) Wheaton, Intern. Law. IV, 3, 11. Ortolan II, 239. Hautefeuille I, 473. Principalement: Lud. Ern. Püttmann, De jure recipiendi hostes alienos. Lips. 1777.

en guerre se présentent devant un port neutre, ils y sont admis; on leur permet d'acheter les vivres nécessaires, de faire les réparations indispensables et de reprendre la mer pour se livrer de nouveau aux opérations de guerre. Les bâtiments belligérants peuvent recevoir ainsi de la part des neutres un accueil plus ou moins favorable, des secours plus ou moins complets, sans que le souverain neutre viole par là les devoirs de la neutralité, pourvu qu'il traite les deux parties belligérantes avec une impartialité et une égalité parfaite. C'est une conséquence de l'immunité du pavillon et du principe que les navires sont considérés comme une portion du territoire de la nation à laquelle ils appartiennent. Un corps de troupes, au contraire, qui vient chercher la protection d'un souverain étranger, cesse de faire partie de la force armée de la nation à laquelle il appartient. Les lois de la neutralité imposent ainsi aux peuples pacifiques le devoir d'empêcher tous les actes d'hostilité commis sur le territoire et dans leurs eaux. Les actes d'hostilité commis sur le territoire n'ont aucun caractère régulier ou légal. Le souverain neutre doit ordonner le désarmement des troupes belligérantes qui sont venues lui demander un asile,' faire relâcher les prisonniers qu'elles ont amenés et faire restituer le butin fait par eux (§ 147). Il doit s'opposer de toutes ses forces à ce que les contrées par lui gouvernées deviennent le théâtre de la guerre. S'il fournit à l'un des belligérants des troupes auxiliaires, celles-ci peuvent incontestablement être attaquées et poursuivies sur le territoire neutre (§ 118).

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§ 150. Deuxièmement. Le souverain neutre qui se conduit avec loyauté à l'égard des belligérants, a le droit d'exiger d'eux qu'ils continuent à respecter ses déclarations et ses actes comme pendant la paix. Il est toujours présumé vouloir observer entre les parties une stricte impartialité, à moins que les faits mêmes

1) Moser, Vers. X, 1, 159. 311. de Martens, Völkerr. § 307. Klüber § 258. note b. Ortolan II, 248. de Pistoye et Duverdy, Prises maritimes. I, 108. Hautefeuille I, 474. II, 91. 137.

2) Wheaton, Intern. Law. IV, 3, 6 et 7. de Martens, Caper. § 18. Nau, Völkerseerecht. § 235. Ortolan II, 255. 278. Pando p. 465. de Pistoye et Duverdy I, 22.

ne viennent donner tort à ses déclarations, et prouver qu'elles ont uniquement pour objet de tromper l'une des parties et de dissimuler sa partialité en faveur de l'autre. Cette règle acquiert une certaine importance lorsqu'il s'agit de déterminer la validité des passeports, des lettres de commission et des certificats délivrés par un gouvernement neutre.

Troisièmement. Il résulte du principe de l'égalité et de l'indépendance des États que les belligérants ne doivent pas soumettre les peuples avec lesquels ils sont en paix, à des lois et à des juridictions qui ne sont pas fondées sur les dispositions formelles des traités ou sur les principes généraux du droit international. Le souverain qui n'est pas lié par de pareilles stipulations, procède sur son territoire comme bon lui semble. Pourvu qu'il s'abstienne de fournir à aucune des puissances en guerre des moyens propres à faciliter ses opérations, il ne saurait être empêché en aucune façon de protéger les troupes réfugiées sur son territoire, auxquelles il a accordé un asile. Rien surtout ne doit l'empêcher de prendre les mesures qu'il croit nécessaires pour la protection efficace de son territoire et de ses sujets contre les actes arbitraires et les empiétements des belligérants.

Quatrièmement. L'État neutre continue à jouir de la disposition exclusive des biens meubles et immeubles qu'il possède dans le pays des belligérants ou de l'un d'entre eux, lors même que ces biens se trouveraient sur le théâtre des hostilités. Le droit au butin ne s'applique pas dans ces cas. Les usages de la guerre ont consacré une exception à l'égard des objets qui ont été mis à la disposition de l'un des belligérants et qui servent directement à ses opérations de guerre. C'est ce qui a lieu notamment en matière de contrebande, dont nous essayerons plus loin de donner une définition exacte. En ce cas la propriété neutre, pas plus que la propriété ennemie, ne peut échapper à la saisie et à l'occupation ennemies.

Les biens immeubles appartenant au souverain neutre ou à ses sujets, et situés dans le territoire de l'un des belligérants, ne peuvent naturellement pas se soustraire aux charges de la guerre. Les biens meubles des neutres au contraire qui se

trouvent sur le territoire de l'un des belligérants ou sur la haute mer, ne peuvent être saisis par lui, pour être appliqués à ses propres besoins, qu'en cas de nécessité urgente (jus angariae, angarie). Les belligérants toujours portés à abuser de la force qu'ils ont entre leurs mains, ont imaginé d'employer des navires neutres dans leurs expéditions maritimes. L'angarie a été pratiquée surtout sous Louis XIV qui l'a considérée comme l'une des prérogatives de la souveraineté. Dans les traités modernes ce prétendu droit a été ou supprimé entièrement, ou accordé seulement moyennant une indemnité complète. Il faut en dire autant du prétendu droit de préemption réclamé par l'un des belligérants sur les marchandises neutres destinées pour les ports de son adversaire.1

LIBERTÉ DU COMMERCE DES NATIONS NEUTRES.

§ 151. Bien que les principes qui viennent d'être exposés aient obtenu à peu près l'assentiment général, leur application à la liberté du commerce et de la navigation des nations neutres, tant entre eux qu'avec les belligérants, éprouve des difficultés sérieuses.

La liberté absolue du commerce des neutres entre eux n'a pas été contestée à la vérité; cependant les difficultés de faire reconnaître ce commerce, et les nombreuses mesures vexatoires dont il a été l'objet, font regretter l'absence de règles fixes et précises à son égard. Celles-ci se rattachent elles-mêmes à la solution de la question principale, à savoir: Quelles restrictions doivent subir le commerce et la navigation des peuples neutres avec les belligérants? Depuis plusieurs siècles les nations sont divisées sur une question, où l'absence d'un code et de tribunaux internationaux se font surtout sentir. Il est vrai que, dans la pratique des États, sa solution dépendait surtout du droit du plus fort, ou plutôt elle était le résultat de l'absence d'un droit quelconque au profit des plus faibles.

Ce n'est pas seulement la pratique qui fournissait un vaste champ à des discussions ardentes: la théorie elle-même est loin

1) de Réal, Science du gouv. V, 2 in fine. Nau, Völkerseerecht. § 260. Grotius III, 17. 1. de Steck, Essais, p. 7. Hautefeuille IV, p. 434.

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