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l'ancien monde, quoique, à la vérité, la volonté arbitraire et désordonnée des parties belligérantes y rencontrât peu de limites.' Il acquit plus de consistance au moyen âge, sous l'influence tant du christianisme que de l'esprit de chevalerie, en même temps qu'il s'est dépouillé de certaines rigueurs. Mais c'est de nos jours seulement, et après avoir flotté longtemps entre plusieurs systèmes contraires, qu'il s'est assis enfin sur les principes d'humanité et de respect de l'espèce humaine. Les nations civilisées admettent la guerre comme un état de choses forcé, comme un mal inévitable, qui ne doit pas dépasser les limites de la stricte nécessité. La guerre qui arme les hommes les uns contre les autres, n'a pas pour but la destruction de l'espèce humaine: elle fait descendre les nations dans l'arène du champ de bataille avec toutes les forces dont elles disposent, pour la défense ou le triomphe de leur indépendance. La raison et l'humanité, comme le propre intérêt des nations, ont consacré cette maxime fondamentale: „Ne causez pas plus de mal à votre ennemi, pendant la guerre même, que la nécessité de le ramener à la raison ne l'exige." L'ancienne maxime de guerre au contraire disait qu'il fallait faire à l'ennemi le plus de mal qu'on pouvait et qu'on jugeait convenable.3

1) Tite-Live liv. II, 12. XXXI, 30: Esse enim quaedam belli jura, quae ut facere ita pati sit fas.

2) V. les développements dans Ward, Enquiry. chap. X et suiv. V. aussi page 7 ci-dessus.

3) Ainsi dans son discours d'inauguration du Conseil des prises, du 14 floréal an VIII, Portalis disait ce qui suit:

„Le droit de la guerre est fondé sur ce qu'un peuple, pour l'intérêt de sa conservation ou pour le soin de sa défense, veut, peut, ou doit faire violence à un autre peuple. C'est le rapport des choses et non des personnes, qui constitue la guerre; elle est une relation d'État à État, et non d'individu à individu. Entre deux ou plusieurs nations belligérantes, les particuliers dont ces nations se composent, ne sont ennemis que par accident: ils ne le sont point comme hommes, ils ne le sont même pas comme citoyens; ils le sont uniquement comme soldats."

Talleyrand écrivait à l'empereur Napoléon, en date du 20 novembre 1806, dans le même esprit:

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Trois siècles de civilisation ont donné à l'Europe un droit des gens que, selon l'expression d'un écrivain illustre, la nature humaine ne saurait assez reconnaître.

La véritable manière de faire la guerre, que les usages internationaux ont sanctionnée et dont les parties belligérantes ont le droit d'exiger entre elles la stricte observation, trace les voies légales dont elles ne doivent en aucune manière franchir les limites. C'est celle qui proscrit et frappe de l'anathème de l'histoire tous les procédés cruels ou barbares; qui punit de la rupture des relations internationales l'État qui a violé ses prescriptions. Des circonstances exceptionnelles, tirées de l'extrême nécessité ou du besoin de rétablir l'égalité du combat, permettent seules de s'en affranchir.' Ainsi des guerres entreprises contre des hordes ou des bandes sauvages qui ne respectent aucune loi humaine, sont exceptées des règles communes. Au reste les guerres navales, plus cruelles et plus meurtrières que les guerres sur terre, dont elles n'ont pas acquis les règles précises, ont au contraire, faute d'équilibre entre les puissances maritimes, conservé jusqu'à nos jours leur caractère essentiellement spoliateur.

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Ce droit est fondé sur le principe que les nations doivent se faire dans la paix le plus de bien, et dans la guerre le moins de mal qu'il est possible.

D'après la maxime que la guerre n'est point une relation d'homme à homme, mais une relation d'État à État, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu'accidentellement, non point comme hommes, non pas même comme membres ou sujets de l'État, mais uniquement comme ses défenseurs, le droit des gens ne permet pas que le droit de guerre et le droit de conquête qui en dérive, s'étendent aux citoyens paisibles et sans armes, aux habitations et aux propriétés privées, aux marchandises du commerce, aux magasins qui les renferment, aux chariots qui les transportent, aux bâtiments non armés qui les voiturent sur les rivières ou sur les mers, en un mot à la personne et aux biens des particuliers. Ce droit né de la civilisation en a favorisé les progrès. C'est à lui que l'Europe a été redevable du maintien et de l'accroissement de prospérité, au milieu même des guerres fréquentes qui l'ont divisée etc." (Moniteur univ. du 5 décembre 1806.)

1) F. H. Struben, Abhandlung von der Kriegsraison und dem Convenienzrecht (Sammlung auserlesener juristischer Abhandl. Leipzig 1768). Grotius III, 1, 19. 18, 4. Pufendorf II, 3. 23. J. J. Moser IX, 1. 111 suiv. Bynkershoek, Quaest. I, 3, et les écrits cités par d'Ompteda § 300. de Kamptz § 282 suiv.

2) Hautefeuille, Droits des nations neutres. I, p. 318.

COMMENCEMENT DES HOSTILITÉS.

§ 120. A la veille de se livrer à des actes d'hostilités matérielles, il faut adresser une déclaration de guerre à la partie adverse avec laquelle on avait entretenu jusque-là des relations d'amitié réciproques. Car la bonne foi disparaîtra, pour faire place à un système d'isolement et de crainte mutuelle, le jour où les nations, sans avis préalable et régulier, auront à redouter le fléau de la guerre. A cet effet les peuples de l'ancien monde se servaient de différentes formalités. Comprises sous la dénomination commune de droit fécial, la tradition romaine les faisait descendre des usages antiques du peuple des Équicoles.' L'esprit de la chevalerie au moyen âge inventa des règles analogues dont il exigeait la stricte observation, tant dans les guerres des États que dans les duels privés. Jusqu'au milieu

du XVIIIe siècle ces formes solennelles ont été maintenues. C'est à partir de ce moment qu'elles ont commencé à tomber dans l'oubli. Dès lors les gouvernements ennemis se sont contentés d'interrompre les relations diplomatiques entre eux, en même temps qu'ils faisaient connaître leurs griefs par des manifestes et d'autres voies de publicité. Quelquefois aussi ils procèdent de fait aux hostilités, sans se prévenir mutuellement par des déclarations, qui toutefois seront toujours la voie la plus régulière. Le rappel de l'ambassadeur ne constitue pas nécessairement un acte de commencement des hostilités : il est vrai que c'est à ce moment que plusieurs traités ont fait remonter les effets de la guerre.*

Il résulte de la nature des choses qu'il n'est pas indispensable qu'une guerre défensive soit précédée d'une déclaration préalable: des hostilités déjà ouvertes par l'ennemi, ou sur le 1) Tite-Live liv. I, chap. 32.

2) Ward, Enquiry. t. II, p. 207 suiv.

3) Bynkershoek, Quaest. jur. publ. 1, 2. d'Ompteda § 295. de Kamptz § 275. Vattel III, § 51. Emerigon, Traité des assurances. I, 12. 35. Martens § 262. Schmalz p. 223. Klüber § 238. Wildman II, 5. Contra Hautefeuille, Droits des nations neutres. I, p. 295.

4) de Martens, Manuel. § 262. note g. Martens, Supplém. VII, p. 213. X, p. 870. XI, 471. 483. 613.

point de l'être, la rendent superflue. La justice et l'équité exigent seulement en pareil cas qu'une brusque levée de boucliers ne cause aucun préjudice aux particuliers, à la propriété privée ni aux gouvernements neutres, qu'elle ne devienne pas non plus un prétexte pour s'assurer des avantages que l'état de guerre seul peut donner aux belligérants. A cet effet aucun gouvernement ne doit, sans manquer à la foi publique, se dispenser de l'observation de certains délais destinés à donner aux intéressés la possibilité de prémunir leurs personnes et leurs propriétés contre des pertes imprévues. La pratique la plus récente même des États, il est vrai, n'est pas entrée dans cette voie d'une manière assez franche. Trop souvent encore les publicistes ont à enrégistrer des actes qui constatent un empressement blâmable de s'approprier, dès le commencement des hostilités, des avantages ou des profits qui constituent en réalité une vraie spoliation. Il est évident au surplus que des cas isolés, où l'on s'est dispensé d'une déclaration de guerre préalable, ne constituent point une règle de nature à être toujours invoquée par les belligérants. Nous aurons l'occasion d'indiquer quelques applications du principe qui vient d'être établi (§ 139).

La déclaration de guerre entre les parties principales produit également ses effets par rapport aux alliés, dès qu'ils sont appelés à remplir leurs engagements, d'après les distinctions établies au § 117.2

MESURES QUI PRÉCÉDENT OU ACCOMPAGNENT LA DÉCLARATION

DE GUERRE.

§ 121. L'embargo et le blocus sont des mesures qui ne constituent pas nécessairement un état de guerre régulier, c'està-dire un état de choses qui met en question l'existence des États. Souvent ils précèdent l'ouverture des hostilités et ils n'ont d'abord pour objet qu'une saisie provisoire, devant prendre

4) Vattel III, § 56. Martens à l'endroit cité. Ortolan II, 17. Oke Manning, Comment. p. 120 les regarde comme des mesures exceptionnelles.

2) Grotius III, 3. 9. Vattel III, § 102.

un caractère définitif et permanent par suite d'une déclaration de guerre.'

Notons encore plusieurs autres mesures préliminaires: 1° Publication de manifestes énonçant d'une manière solennelle les causes de la guerre, et suivis de pièces justificatives pour servir à l'appui des principaux faits relatés et des prétentions qui en résultent. La dignité des États impose à ce sujet une certaine réserve et notamment un langage modéré sur le compte du souverain et de personnes ennemis. Les faits seuls doivent parler par eux-mêmes; 2o des lettres de rappel adressées aux sujets résidant en territoire ennemi;2

3o publication de lois martiales; des défenses faites par chacune des parties belligérantes à ses sujets, d'entretenir avec les sujets ou le gouvernement ennemi des relations commerciales, ou bien des restrictions faites à ce sujet; 4° notification de l'état de guerre imminent ou commencé; 5o expulsion des sujets ennemis du territoire, afin d'éviter les inconvénients qui peuvent résulter de la continuation de leur séjour.

De pareilles expulsions (xénélasies) étaient très- fréquentes dans l'ancien monde comme dans les temps modernes. Encore en 1755 les Anglais furent expulsés du territoire de France au son du clairon et du tambour. On doit toutefois accorder aux sujets ennemis un délai raisonnable et suffisant pour quitter le territoire avec leurs biens. Il serait sans doute plus conforme à l'esprit de notre époque, d'accorder aux sujets ennemis non suspects et paisibles l'autorisation de continuer à résider dans le territoire."

1) C'est ainsi que, lors du blocus de Vera Cruz par l'escadre française (1838), les navires mexicains furent d'abord séquestrés; après la déclaration de guerre seulement ils furent regardés comme capturés. Aussi la question arbitrale, conformément aux dispositions de la convention du 9 mars 1839, a-t-elle dû être posée ainsi: S'ils devaient être considérés comme légalement acquis aux capteurs? V. de Martens, Nouv. Recueil. XVI, p. 610. Wildman II, p. 9 et plus haut § 112.

2) de Kamptz, Litt. § 277.

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3) J. J. Moser, Vers. IX, p. 45. Vattel III, § 63. On se rappelle que pendant la dernière guerre les sujets de la Russie ont continué à

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