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L'ancienne théorie classique de l'Etat fédéral considérait au contraire la souveraineté comme appartenant non point à la Fédération, mais à chaque Etat fédéré. La Fédération n'était, comme la Confédération, qu'une association d'Etats souverains. Elle s'en distinguait seulement par le caractère suivant: Tandis que dans la Confédération chaque Etat conserve sa souveraineté interne et sa souveraineté externe, l'Etat fédéré ne conserve au contraire la jouissance et l'exercice que de sa souveraineté interne. Il abdique sa souveraineté externe et la délégue tout entière au pouvoir central; si bien que l'Etat fédéral, complexe au point de vue du droit interne, se comporte dans les relations internationales comme un Etat unitaire (1).

Nous nous bornons à mettre en parallèle les deux théories, sans les discuter ici.

De ce que nous venons de dire, il résulte que les membres qui composent une Confédération sont des Etats et non des individus. Chaque citoyen relève de son gouvernement particulier, mais ne relève pas directement du pouvoir central. Les membres d'une Fédération sont au contraire de deux sortes d'une part des individus, de l'autre des collectivités non souveraines dénommées Etats. Le citoyen relève à la fois de son gouvernement particulier et du gouvernement central.

On peut donc concevoir quatre types possibles de guerres intestines dans les unions fédératives. Certaines de ces formes de guerre sont possibles dans une Confédération seulement ou dans une Fédération seulement; d'autres le sont dans tous les Etats fédératifs quelconques. Ces quatre formes sont les suivantes :

(1) V. Calvo, Bluntschli, Pradier-Fodéré, etc.

α.

Les citoyens s'insurgent contre leur gouvernement

particulier.

B.

Les citoyens s'insurgent contre le pouvoir central. 7. Les Etats particuliers entrent en lutte les uns contre les autres.

ช.

6. . Une partie des Etats particuliers entrent en lutte contre le pouvoir central.

Nous allons reprendre successivement ces différentes hypothèses.

13. a. Les citoyens s'insurgent contre leur gouvernement particulier.

:

Cette première hypothèse ne peut se réaliser que dans une Confédération, et elle n'offre pour nous aucun intérêt, car elle se confond avec celle que nous avons étudiée au chapitre précédent. La lutte qui se déroule entre un Etat souverain et ses ressortissants est toujours une guerre civile, et il importe peu que cet Etat soit indépendant, ou que les liens d'une Confédération l'unissent à d'autres Etats ces derniers doivent rester étrangers au différend, aussi longtemps du moins que les troubles ne se généralisent pas. D'incessantes guerres civiles troublèrent ainsi les dernières années de la Confédération des treize cantons suisses (1797 et 1798). Chaque canton fut déchiré par des luttes sanglantes entre démocrates et aristocrates. Mais le mouvement se généralisa tellement qu'il compromit l'existence de la Confédération elle-même, provoqua l'intervention de la France et aboutit à la Constitution de la République Helvétique (1798).

Cette forme de guerre est impossible dans une Fédération parce que l'Etat fédéré n'est pas souverain. Sans doute, il jouit de pouvoirs de police assez étendus pour réprimer les

émeutes, mais si une guerre civile proprement dite s'engage, elle ne peut être conduite que par l'Etat fédéral, seul souverain, seul dépositaire de l'autorité nationale. Et nous retombons alors sur la seconde hypothèse.

14. B. Insurrection des citoyens contre le pouvoir central.

A l'inverse du précédent, ce type de guerre intestine ne peut exister que dans un Etat fédéral.

Dans une Confédération, en effet, les individus ne sont pas membres de la Confédération; ils ne relèvent pas de l'autorité du pouvoir central et ne sauraient, par conséquent, s'insurger contre lui. L'idée de rébellion implique l'idée d'allégeance. Un semblable mouvement populaire ne saurait rien être de plus qu'une manifestation d'opinion publique, et c'est à l'Etat, dont les émeutiers sont sujets, qu'il appartient en pareil cas de prendre parti. Ou bien il peut user de son pouvoir souverain pour faire cesser le désordre parmi ses sujets; ou bien il peut soutenir ceux-ci et attaquer la Confédération dont il fait partie, réalisant alors notre quatrième hypothèse.

Dans l'Etat fédéral, au contraire, les citoyens sont membres de l'Etat ; ils sont ressortissants du pouvoir fédéral, et peuvent se révolter contre lui. Les choses se passent alors de la même manière que dans un Etat simple; la Fédération ne se comporte plus comme Bùnd, mais comme Staat, et les individus unis dans leur effort commun contre l'Etat fédéral font abstraction complète des Etats particuliers auxquels ils appartiennent.

Cette situation se présentera de préférence dans les Fédérations qui se rapprochent des Etats simples, soit par leur très forte centralisation, soit par suite de leur origine

unitaire dont le souvenir s'est perpétué dans la nation. La guerre civile du Brésil, en 1894, et les désordres de la République Argentine peuvent en servir d'exemples.

Le Brésil conserva le caractère unitaire jusqu'en 1834, époque à laquelle les fédéralistes se sentirent assez forts pour arracher au roi, dom Pedro II, une revision de la Constitution dans le sens des idées fédératives ou tout au moins d'un self-governement très étendu. Puis, en 1889, une révolution amena la chute du pouvoir impérial, et la République fédérative fut proclamée.

Le pays n'avait pas encore eu le temps de s'accoutumer à sa nouvelle Constitution qu'un dissentiment sur le choix du président vint diviser les citoyens en deux factions. Celles-ci ne tardèrent pas à entrer en lutte. Un parti nombreux, dirigé par l'amiral de Mello, et comprenant nombre de généraux et d'amiraux, demandait la destitution du président Peixoto que soutenaient les gouvernementaux. Une flotte fut réunie par les insurgés et vint bombarber Rio-de-Janeiro. Pendant toute la durée des opérations la guerre fut dirigée contre le pouvoir central, c'est-à-dire contre le gouvernement brésilien, et conduite non point. par des Etats séparatistes, mais par un parti politique composé des habitants de tous les Etats, indifféremment. Le Brésil se comporta exactement, à ce point de vue, comme un Etat unitaire.

La guerre du Brésil eut un caractère beaucoup moins régulier que la guerre de Sécession. Les insurgés furent écrasés sans avoir jamais pu former une communauté belligérante, et les lois de la guerre furent violées par l'un comme par l'autre parti. Toutefois, si on la compare aux désordres et aux violences des insurrections déchaînées dans les Etats unitaires (Commune de Paris, guerre de

Vendée, guerres carlistes, etc...) cette lutte nous apparaît encore comme une guerre en forme, d'un type juridique très désirable.

La République Argentine érigée en fédération depuis 1852 ne nous offre pas d'exemple de guerre civile proprement dite; mais son histoire prouve que la forme fédérale ne suffit pas à protéger un pays contre les insurrections et les rébellions lorsque le goût de l'émeute est dans le sang de toute la population. Des luttes sanglantes s'étaient maintes fois déroulées déjà entre unitaires et fédéralistes avant la Constitution de 1852; la promulgation de cette dernière ne mit pas fin aux désordres. En 1873, les habitants de la province d'Entre Rios s'insurgèrent contre le gouvernement fédéral. En 1890, un changement de président s'opéra révolutionnairement avec un soulèvement de la flotte et des troupes, mais sans guerre sérieuse. En 1891, 1892 et 1893 plusieurs soulèvements eurent lieu dans les provinces, à Cordoba, à Catarnarca, à la Plata, à Tucu

man.

Tous ces troubles politiques rentrent dans la catégorie des insurrections qui sont les mêmes partout, que l'Etat soit fédéral ou unitaire, et ne méritent pas de nous retenir.

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15. %. Nous avons déjà dit que le droit de guerre constitue un des trois grands attributs de l'Etat souverain et de lui seul, les deux autres étant le droit de traité et le droit de légation La guerre civile consiste précisément dans l'usurpation de ce droit par une collectivité non souveraine.

En vertu de cette définition, il y aura donc nécessairement guerre internationale, si deux Etats confédérés en

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