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hostilités auxquelles le jurisconsulte est fort embarrassé de trouver un nom. Deux partis, deux collectivités de fait luttaient l'une contre l'autre le parti libéral et le parti conservateur. Le parti libéral se composait du gouvernement vénézuelien allié aux révolutionnaires colombiens. Le parti conservateur se composait du gouvernement colombien allié aux rêvolutionnaires vénezueliens. La guerre n'était point internationale, puisqu'elle n'avait pas lieu entre deux Etats. Elle n'était pas davantage civile, puisqu'elle n'avait pas lieu entre un Etat, d'une part, et un groupe d'insurgés, de l'autre. C'était un conflit entre deux collectivités politiques qui eussent été susceptibles de devenir des communautés belligérantes, si elles avaient été reconnues, un type de guerre entièrement nouveau et encore non classé par la science.

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Cette guerre bizarre dura peu d'ailleurs, et une fois l'invasion Garbiras repoussée, les deux insurrections se disjoignirent pour poursuivre isolément leur marche.

Le phénomène de la guerre civile a donc une portée et une importance autrement considérables que ne le croient les auteurs qui veulent y voir seulement un trouble politique passager dans l'intérieur d'un Etat. C'est une forme différente de la guerre internationale, qui se produit dans d'autres conditions politiques que celle-ci, mais qui, au point de vue absolu, a exactement la même importance et la même valeur, partant le même droit à l'attention du jurisconsulte.

III

Nous concluerons donc que la réglementation des guerres civiles est chose possible et utile ; nous ajouterons : désirable. La science du droit des gens y gagnera. Les luttes entre insurgés et gouvernementaux en deviendront moins barbares. Les difficultés internationales suscitées par ces événements entre l'Etat belligérant et les tierces Puissance diminueront. Un progrès général sera accompli.

Le point essentiel sur lequel doit porter l'effort de la science est la théorie de la communauté belligérante. Il faut pouvoir éviter toute reconnaissance intempestive, mais il faut aussi que cette reconnaissance ait lieu presque nécessairement lorsque les éléments d'une communauté belligé– rante sont réunis. En d'autres termes, lorsque l'Etat est en présence d'un désordre peu important, il n'a qu'à l'étouffer; mais dès l'instant qu'une guerre civile proprement dite s'engage, il faut absolument qu'elle soit juridiquement réglementée.

Cette théorie essentielle une fois établie, l'application des lois de la guerre dans les relations des deux belligérants en est la conséquence naturelle. Les dispositions pénales de droit privé, les Codes militaires, l'usage des représailles, et la conclusion de protocoles internationaux doivent en assurer le respect.

Quant aux rapports avec les tiers, il est de l'intérêt de tous qu'ils ne soient pas laissés à l'arbitraire. La théorie de

la neutralité est toute construite, il n'y a qu'à l'appliquer. Celle de la non-intervention, encore flottante, pourra trouver une sanction efficace dans l'opinion publique, du jour où la notion de solidarité et d'interdépendance des Etats sera bien établie. Quant à celle de la responsabilité des Etats pour faits de guerre civile, elle ne peut pas encore, dans notre organisation sociale actuelle, être basée sur le principe du risque, et garde nécessairement un caractère délictuel. Mais sur cette base étroite, la responsabilité internationale peut cependant être assise d'une manière solide. Elle demande surtout à être mise en pratique, sans partialité et sans faiblesses, comme il arrive trop souvent aujourd'hui.

En construisant ce monument nouveau, la science du droit des gens accomplira sa mission essentielle ne négliger aucun des phénomènes sociaux existants, grands ou petits, pour tracer à chacun des lois et assurer le triomphe progressif du droit sur la force.

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