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Comme le protectorat, la vassalité est un lien élastique. Elle varie depuis la rétention par le suzerain de la presque totalité de la souveraineté du vassal, jusqu'à l'indépendance à peu près complète de ce dernier. Au point de vue des relations belligérantes qui peuvent exister entre les deux Etats, cette remarque est essentielle, et deux types sont à distinguer D'une part la vassalité qui implique pour le vassal un état de mi-souveraineté, et qui correspond au protectorat de droit des gens: l'Egypte en est le type. D'autre part, la vassalité qui laisse au vassal sa souveraineté et son indépendance presque entières, et qui correspond au protectorat sauvegarde; -- c'est le cas de la Bulgarie.

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C'est en effet le degré d'absorption de la souveraineté du vassal par le suzerain qui détermine le caractère civil ou international de la guerre; nous allons donc retrouver ici une théorie assez analogue à celle des protectorats. Mais auparavant nous devons réfuter les erreurs d'un autre système, qui veut voir dans la vassalité elle-même un lien assez étroit pour donner toujours à la guerre le caractère civil, quelque faible que soit la fraction de souveraineté abandonnée par l'Etat vassal.

25. L'Etat vassal reste soumis, en principe tout au moins, aux trois grandes obligations qui caractérisaient le vasselage à l'époque médiévale: l'hommage, la fidélité et l'aide.

L'hommage est la reconnaissance, par le vassal, de l'autorité légale dont son suzerain jouit envers lui. Pratiquement, cette reconnaissance se traduit le plus souvent par le payement d'un tribut.

La fidélité est le dévoir qui incombe au vassal de ne Rougier.

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pas manquer à ses engagements, en particulier de ne pas tourner les armes contre son suzerain.

L'aide enfin équivaut à l'obligation de fournir au suzerain un secours efficace, en hommes ou en argent, lorsque celui-ci s'engage dans une guerre étrangère.

Ce sont ces obligations propres au vasselage, et en particulier celle de fidélité, qui ont amené certains auteurs à conclure qu'un Etat vassal ne pouvait essayer de rompre son lien par la force sans commettre un acte de guerre civile. Aucune des trois obligations énumérées ne peut cependant produire un tel effet juridique, parce qu'aucune d'entre elles n'a pour conséquence nécessaire de dépouiller le vassal de sa souveraineté, ou de paralyser chez lui le jus belli.

L'hommage rappelle l'origine de la souveraineté du vassal, déléguée par son suzerain, mais n'indique aucunement le degré de restriction apporté à cette souveraineté ni à l'indépendance du vassal. L'hommage ne produit, au point de vue du jus belli, aucun effet juridique.

L'aide ne présente pas une importance plus grande. Cette obligation est analogue à celle qu'entraîne un traité d'alliance défensive passé entre deux Etats, et on sait qu'un semblable traité n'a aucune influence sur les relations juridiques des deux alliés (1).

L'obligation de fidélité paraît mieux prêter à la discussion. Le vassal s'étant solennellement engagé à ne point tourner les armes contre son suzerain, et ayant reçu l'investiture de sa souveraineté sous cette condition expresse, on peut se demander si le fait d'enfreindre une telle obligation ne constitue pas une rébellion; s'il n'est pas déchu, à

(1) Heilborn fait cependant de l'aide l'obligation essentielle et caractéristique du vassal (Loc. cit.)

raison de son ingratitude même, des droits à lui conférés par le suzerain?

Cette application au droit public de la théorie de la condition résolutoire nous paraît erronée. La souveraineté d'un Etat, on s'en souvient, est une, indivisible, inaliénable, et ne peut disparaître qu'à la suite d'une debellatio ou d'une soumission de l'intéressé. Originairement l'Etat vassal tient sa souveraineté du suzerain, c'est exact. Mais il n'en jouit pas sous condition, car la souveraineté ne peut être conditionnelle sans cesser d'exister. Il ne peut donc en être dépouillé par la seule volonté du suzerain, et même, dans sa révolte, il conserve le degré de souveraineté dont il était investi et jouissait précédemment.

La promesse de fidélité entraîne donc pour le vassal une obligation purement morale: celle de ne pas attaquer son suzerain; mais elle n'entraîne ni un démembrement de sa souveraineté, ni une abdication de son droit de guerre. Or, ce qui donne à la guerre le caractère civil, ce n'est point le fait qu'elle est injuste, moralement parlant; c'est le fait qu'elle est entreprise par quelqu'un qui ne jouit pas du jus belli. L'allié qui se retourne contre son allié viole la foi jurée, ni plus ni moins que le vassal qui attaque son suzerain; et cependant, quelque blâmable que soit sa conduite, il ne fait qu'user d'un droit qu'il n'a jamais abdiqué.

L'histoire confirme notre doctrine de ses exemples. La Roumanie manqua assurément au devoir de fidélité lorsqu'elle prit les armes, en 1877, contre sa suzeraine la Turquie. Et cependant, elle ne pouvait être qualifiée de rebelle; elle jouissait du jus belli. Le plus ancien traité de soumission de la Valachie à l'Empire ottoman (1462), stipulait expressément pour le Woiwode (ou duc de Valachie),

le droit de paix et de guerre (1). Le traité postérieur de Bucharest, signé en 1812 entre la Porte et la Russie, confirmait ces privilèges de la Moldo-Valachie. Et lorsque le traité de Paris vint placer, en 1856, sous la garantie collective des grandes puissances, les provinces de Moldavie et de Valachie transformées en Etat de Roumanie, le sultan s'engagea à respecter l'indépendance de ce pays, et renonça à y entretenir des garnisons ou des forteresses (2).

La même remarque s'applique à la guerre turco-serbe de 1876, les dernières garnisons turques s'étant retirées de Serbie depuis 1867, et ce pays jouissant alors de toute son indépendance militaire.

Le devoir de fidélité est donc de nature purement morale. Ce n'est pas une obligation juridique; et, pas plus que l'hommage ou l'aide, il ne peut suffire par lui-même à modifier le caractère juridique d'une guerre entre Etat vassal et suzerain.

26. Ce n'est donc point dans les attributs de la vassalité en elle-même que se trouve ce vinculum juris dont la rupture violente constitue une guerre civile; et c'est dans la mi-souveraineté pouvant résulter de la vassalité qu'il faut le chercher. Nous nous trouvons ainsi ramenés aux conclusions du chapitre précédent, car la situation d'Etat mi-souverain est sensiblement la même, qu'elle dérive d'un lien de protectorat ou d'un lien de vassalité. Elle comporte toujours l'exercice par un Etat d'une partie des droits souverains d'un autre. Lorsque l'Etat suzerain, au lieu d'accorder à son vassal une indépendance presque complète,

(1) V. Lawrence, I, 232.

(2) L'art. 26 du traité de Paris confère à ces principautés le droit d'avoir une milice nationale.

juge qu'il est préférable, dans leur intérêt commun, de le maintenir en tutelle et d'exercer une partie de ses droits internationaux, il se trouve assujetti aux mêmes obligations et investi des mêmes droits envers lui, que le protecteur vis-à-vis de son protégé. Comme le protecteur, il doit se charger des relations internationales, de l'envoi des ambassadeurs, de la conclusion des traités pour le compte de son vassal; comme le protecteur, il encourt une responsabilité et est obligé, pour n'être pas écrasé par elle, de diriger une partie des services intérieurs de son pupille, de le priver de son droit de guerre, de faire la police chez lui. Si bien que c'est encore d'après l'étendue de cette immixtion dans la souveraineté du vassal que l'on peut juger de l'étendue des droits restant à ce dernier; et que le critérium de l'occupation militaire et du désarmement de l'Etat mi-souverain est le plus sùr indice à considérer pour savoir si cet Etat jouit ou non du droit de guerre, si la lutte qu'il peut entreprendre contre son suzerain a le caractère international.

27.

Appliqué aux deux seuls Etats vassaux qui existent encore, l'Egypte et la Bulgarie (nous négligeons la République d'Andorre), ce critérium met en lumière la différence qui existe entre les deux espèces de vassalité que nous avons signalées plus haut.

L'Egypte est un Etat vassal et incontestablement misouverain. Elle dépend si étroitement de la Porte que celle-ci affecte de la considérer comme une simple province turque prétention d'ailleurs fort exagérée, car si l'Egypte fut autrefois une province turque, la convention de Londres (conclue le 15 juillet 1840 entre l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie et la Turquie), lui

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