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Lesdites exceptions fondées sur l'article VII du code d'instruction criminelle :

Attendu, sur les deux premiers moyens, que les articles 222 et 223 du Code pénal punissant les outrages par paroles et par gestes, ou menaces aux magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, lorsque ces outrages ont eu lieu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions;

Attendu que les consuls de France à l'étranger sont des fonctionnaires investis d'attributions administratives et judiciaires à l'égard de leurs nationaux par les diverses ordonnances qui les ont institués et organisés, et notamment par celle du mois d'août 1681, l'édit du mois de juin 1778, l'ordonnance du 3 mars 1781, l'instruction du 8 août 1844, l'ordonnance du 15 décembre 1845, etc.; qu'au nombre de ces attributions se trouve l'exercice d'une juridiction et d'actes de compétence tels qu'il n'est pas douteux qu'à tous ces titres les consuls doivent être rangés dans la catégorie des magistrats français de l'ordre administratif et judiciaire, que les articles ci-dessus cités du Code pénal ont eu en vue de protéger contre les insultes qui pourraient leur être faites à raison de leur caractère public et légal ;

Attendu que les fonctions des consuls, telles qu'elles viennent d'être définies, ont cela de particulier que les actes de leur ministère, et notamment ceux d'administration et de juridiction, ne s'exercent qu'à l'étranger et hors du territoire français, envers leurs nationaux qui se trouvent dans leur résidence; que conséquemment les délits d'outrages envers eux dans l'exercice de leurs fonctions, dans la première hypothèse surtout, ne peuvent être commis que sur le territoire étranger; mais que cette circonstance ne saurait soustraire les individus qui se rendent coupables de ces délits, à une poursuite en France; qu'en effet, du moment que le consul est insulté dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de fonctions qu'il ne remplit qu'à l'étranger, il s'ensuit nécessairement que la circonstance de la perpétration de ce délit hors du territoire français, ne saurait s'opposer à ce qu'il soit réprimé en France; qu'autrement ce serait placer ces fonctionnaires, qui sont évidemment magistrats de l'ordre administratif et judiciaire, hors de la catégorie générale et sans distinction de ceux dont les articles 222 et 223 ont entendu parler, et créer contre eux une exception qui n'est pas dans la loi et que repousse son esprit non moins que son texte; que les consuls de France à l'étranger doivent être environnés, pour l'exercice de leurs fonctions administratives et judiciaires, des mêmes garanties que les autres magistrats qui se

trouvent sur le territoire français; qu'il y aurait beaucoup d'inconvénients et de dangers à ce qu'il en fut autrement, et qu'on réduisit les consuls à chercher contre les offenses de leurs nationaux dont ils sont les juges en plusieurs cas, une protection devant les tribunaux du pays où ils résident; qu'on ne peut pas supposer une semblable intention au législateur français;

Attendu, d'ailleurs, que la fiction d'extra-territorialité en vertu de laquelle les ambassadeurs et agents diplomatiques résidant à l'étranger, sont censés y habiter une portion du territoire du souverain ou de la nation qu'ils représentent, pourrait s'étendre aux consuls, au moins lorsqu'ils agissent comme magistrats administratifs ou judiciaires envers leurs nationaux, et qu'alors s'ils étaient outragés, dans leur domicile, là où ils administrent et font acte de juridiction, on devait les considérer comme étant censés se trouver sur une portion du territoire français, et qu'ainsi les outrages qu'ils auraient reçus d'un de leurs nationaux seraient susceptibles d'être poursuivis et jugés comme ces derniers en France, aux termes de l'article VII du Code d'instruction criminelle, comme n'ayant pas été commis hors du territoire français ;

Attendu, sur le troisième moyen préjudiciel présenté par Dettel, que le cautionnement auquel il a été assujetti par le juge anglais de police à Calcutta, sur la plainte du consul de France, n'est pas une peine, mais seulement une mesure préventive et de précaution pour l'obliger à garder la paix, c'est-à-dire à ne pas exécuter les menaces par lui adressées au consul, le 17 mars; qu'en effet au moyen de la réception de deux cautions et de la sienne propre, Dettel a été renvoyé sans souffrir aucun dommage dans sa liberté, sans subir aucune amende ; qu'au surplus et si l'obligation de donner caution pouvait être considérée comme une condamnation, il est évident, en fait, qu'elle ne s'appliquerait qu'à la menace par lui proférée de couper la figure au consul à coups de fouet, et qu'il resterait encore à réprimer les outrages par paroles qu'il a adressées à ce fonctionnaire, soit le jour même, 17 mars, soit la veille, outrages qui n'ont été en aucune manière soumis à l'appréciation du magistrat anglais et n'ont pu dès lors entrainer aucune condamnation contre Dettel;

Attendu que d'après toutes ces considérations, aucune des exceptions préjudicielles de Dettel n'est admissible; et attendu, en fait, que Ch. Dettel s'est livré, les 16 et 17 mars dernier, à Calcutta, envers le consul de France en ce pays, M. de Ratti-Menton, à des paroles grossières et à des menaces insultantes, savoir: le 16 mars, en le traitant de polisson, le 17, en le menaçant de lui

couper la figure avec un tchabouk (ou fouet), en le tutoyant, et en ajoutant : « On connait l'affaire du Juif de Damas et celle de << Jancigny; tu avais voulu plonger Jancigny dans la boue, mais << il s'est relevé glorieux et triomphant »; que tous ces faits se sont passés et ces paroles ont été prononcées dans le bureau même de la chancellerie du consulat de France à Calcutta ; que les outrages et les menaces qui en résultent ont eu lieu évidemment dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions administratives du consul; qu'en effet la scène du 16 mars se rattachait à une discussion de la veille entre un S Tirou et le consul, au sujet du refus fait par ce dernier d'une légalisation de la part du consul; que les menaces et les outrages proférés le lendemain 17, par Dettel, l'ont été encore par suite d'un autre refus de légalisation de la part du consul; qu'enfin, ce qui a trait à l'affaire des Juifs de Damas et à celle de Jancigny, était une allusion à des actes de la vie publique du consul; que c'est donc soit dans l'exercice de ses fonctions administratives, soit à l'occasion de cet exercice que les outrages et les menaces susdits lui ont été adressés; du tout quoi il résulte que Ch. Dettel a commis envers le S' de Ratti-Menton, consul de France à Calcutta, les 16 et 17 mars dernier, dans le bureau de la chancellerie du consulat où le consul était dans l'exercice de ses fonctions et à l'occasion de cet exercice, le double délit d'outrages par paroles tendant à inculper son honneur et sa délicatesse, et d'outrages, par menaces, dans les mêmes circonstances et envers le même magistrat :

Déclare Ch. Dettel, âgé de 32 ans, mécanicien, domicilié à Calcutta, actuellement en cette colonie, coupable des délits prévus par les articles 222 et 223 du Code pénal lesquels sont ainsi

conçus :

Art. 222. Lorsqu'un ou plusieurs magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire auront reçu, dans l'exercice de leurs fonctions, ou à l'occasion de cet exercice, quelque outrage par paroles tendant à inculper leur honneur ou leur délicatesse, celui qui les aura ainsi outragés sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. Si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, l'emprisonnement sera de deux à cinq ans.

Art. 223. L'outrage fait par gestes ou menaces à un magistrat dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, sera puni d'un mois à six mois d'emprisonnement; et si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, il sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans.

Faisant au dit Dettel l'application des dispositions desdits articles 222 et 223, et sans s'arrêter ni avoir égard aux moyens et exceptions préjudiciels par lui présentés et dans lesquels il est déclaré mal fondé, le condamne à six mois d'emprisonnement, etc.

Des faits de la nature de ceux dont il vient d'être parlé, ne se seraient probablement pas produits dans les années antérieures à l'année 1848; malgré le relâchement des principes de discipline sociale, qui s'est fait remarquer depuis la chute de l'empire, en 1844; malgré le sentiment d'opposition et de résistance qui germait dans l'esprit d'un grand nombre d'hommes, toujours disposés à critiquer l'autorité par le seul motif qu'ils ne sont pas eux-mêmes revêtus d'une fonction publique, avant 1848, un consul représentait cependant pour tous ses nationaux le principe d'autorité de la patrie absente; il pouvait compter sur leurs égards et sur des témoignages de déférence de leur part, dans toutes les occasions où il avait à se trouver avec eux, soit pour écouter leurs réclamations, leur donner des conseils, les guider et les seconder; soit dans les circonstances où il avait à paraître à leur tête comme chef et protecteur, au nom du roi, de la colonie française de sa résidence.

L'événement du 24 février, la proclamation en France du gouvernement républicain, qui n'était dans la pensée que de quelques meneurs sans talent, et qui avaient la prétention de rendre tous les hommes frères, firent germer et éclore brusquement chez un grand nombre de Français (négociants sans crédit, ouvriers sans travail assuré, artisans paresseux, etc.), domiciliés à l'étranger, les plus folles idées d'égalité absolue, de liberté absolue, d'exigences et de prétentions de toute nature; et ces Français, habitués à voir et à respecter dans le consul, envoyé et institué par leur roi, pour protéger leurs personnes, leurs propriétés et leurs intérêts, l'agent politique qui représentait leur pays et l'autorité de leur pays sur le territoire étranger où il exerçait les fonctions, feignirent, en 1848, de ne plus reconnaître en lui que le commis du peuple souverain. Chacun d'eux se considérant, pour son 36 millionième, comme un rayonnement lumineux de cette souveraineté, agissait avec un surprenant sans façon fraternel et égalitaire, les uns conservant sur la tête leur chapeau posé de travers comme la tour de Pise, en entrant dans les bureaux du consulat ; les autres exigeant à leur profit une démarche que, quelques jours auparavant, ils auraient sollicitée modestement, en termes convenables et polis; ceux-ci (égalitaires au premier chef), accom

pagnant leurs demandes d'un ton impérieux, grossissant la voix pour donner plus d'autorité à leur réclamation, fronçant les sourcils à la moindre objection, et prenant une figure de Jupiter tonnant quand ils éprouvaient un refus; ceux-là (frères à la manière de Caïn), procédant par des menaces de dénonciation, ou de pétitions collectives pour obtenir la révocation de l'agent nommé par le tyran renversé du trône, et qui osait faire son devoir sans s'émouvoir de leurs clameurs; et beaucoup, parmi ces derniers, devenus dénonciateurs et calomniateurs (dans l'intérêt du bien public sans aucun doute), écrivaient, en effet, secrétement et sans retard, aux membres de l'aréopage présidant, à Paris, aux destinées de la patrie, ou aux amis de ceux-ci, dans le but d'obtenir l'emploi du consul titulaire, du chancelier, du commis aux écritures de la chancellerie, etc. etc......... Tristes fruits des révolutions qui en agitant tous les esprits, en boulversant toutes les notions du juste et de l'injuste, soulèvent les plus mauvaises passions du cœur humain, excitent tous les appétits, font bouillonner tous les cerveaux surexcités par la jalousie ou par l'ambition, et portent les hommes les moins faits pour remplir des emplois publics à se croire aptes, sans avoir rien appris, à remplir toutes les fonctions !

§ 14.

Excuses et réparations offertes au consul général de France par le Bey de Tripoli.

Le consul général de France à Tripoli ayant cru devoir quitter la régence, à la suite de mauvais procédés de la part du gouvernement tripolitain, le contre-amiral baron de Rosamel fit signer, le 11 août 1830, au Bey, à bord du vaisseau le Trident, en rade de Tripoli de Barbarie, un traité dont l'article premier est conçu comme il suit:

«S. Exc. le Pacha-Bey de Tripoli remettra à M. le contreamiral commandant de l'escadre française, une lettre signée d'elle et adressée au roi de France, dans laquelle elle priera S. M. T. Chr. d'agréer ses humbles excuses sur les circonstances qui ont forcé le consul général à quitter son poste, désavouera toute participation aux bruits calomnieux répandus sur cet agent, et exprimera le désir de voir les relations amicales pleinement rétablies entre les deux États, par la réinstallation du consulat général de France. Une copie ouverte de cette lettre sera, en même temps, remise à M. le contre-amiral. Le Pacha fera renouveler

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