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à la rançon, comme étant contraire non-seulement aux ordonnances du royaume, mais encore au droit de guerre et au droit des gens, disant d'ailleurs que lors même que les Anglais, ainsi qu'on le prétendait, eussent donné le déplorable et immoral exemple de n'avoir aucun égard aux traités de rançon, ce ne serait pas un motif pour renoncer, en les imitant, aux saines doctrines du droit maritime des nations, tout usage contraire aux lois ne pouvant qu'être abusif, et porter atteinte à la moralité des peuples.

Cette opinion, qui faisait honneur à ceux qui l'exprimaient, aussi bien qu'à la nation elle-même, fut celle des tribunaux, lesquels déclarèrent, par le jugement rendu le 4 mai 1759, la prise du Phénix induement faite, voulant que le navire et son chargement fussent rendus aux propriétaires anglais, à l'exception de la rançon qui, en droit maritime, appartenait au premier capteur, le St Gaudineau, capitaine du corsaire la Paix couronnée.

Il fut donc donné main-levée au capitaine Duncan de son navire et de sa cargaison.

Justice eut été complète, selon nous, si le tribunal eut, en même temps, condamné le capitaine Pierre Gautier, du corsaire le Lévrier, à payer des dommages-intérêts au capitaine Duncan. Ce salutaire exemple aurait eu pour effet, sans doute, d'empêcher d'autres corsaires français d'arrêter des bâtiments déjà rançonnés.

Le jugement du 4 mai 1759 aurait du établir la doctrine : le bâtiment rançonné ne saurait être rançonné de nouveau par un corsaire de la même nation, et le billet de rançon, dont un exemplaire reste entre les mains du capitaine du bâtiment rançonné, devrait lui servir de sauf-conduit et le mettre à l'abri de toute saisie de la part des corsaires de la même nation; nous nous sommes déjà expliqués à cet égard dans le Livre I, titre III, § 29; malheureusement, nous devons le dire, la loi française du 12 mai 1803, encore en vigueur, n'est pas restée complètement fidèle à la doctrine du jugement du 4 mai 1759, elle ne permet pas, il est vrai, qu'un bâtiment déjà rançonné le soit de nouveau par un second capteur, mais elle autorise la capture du bâtiment rançonné.

Voici, en effet, comment s'explique la loi du 12 mai 1803, art. 44:

à

« Il est défendu à tout capitaine de corsaire, etc., de rançonner de nouveau un bâtiment ennemi qui a déjà subi une rançon peine de nullité de la seconde rançon, et d'une amende de cinq cents francs, etc.; mais le bâtiment rançonné et rencontré par

un second corsaire pourra être pris et conduit, soit dans les ports de la république, soit dans des ports alliés ou neutres. >> (Voir Livre I, titre III, § 28.)

Personne n'a plus que nous de respect pour la loi; mais lorsque la loi nous parait devoir subir quelque modification réclamée par l'équité, nous en appelons la réforme de tous nos vœux.

CHAPITRE XV.

PRISES MARITIMES.

Bâtiments chargés avant que la déclaration de guerre n'ait été connue. 1)

Dans son éminent ouvrage, publié sous le titre de « Répertoire de Jurisprudence », dont la 4e édition a été imprimée en 1813, le comte Merlin, conseiller d'État français, procureur général impérial à la cour de cassation, pose cette question:

« Un État belligérant peut-il arrêter, dans ses propres eaux, <«<les bâtiments ennemis qui s'y trouvent au moment de la dé<<claration de guerre, ou qui y arrivent ignorant cette décla«ration ? »

L'usage général de l'Europe est que toute Puissance qui déclare la guerre à une autre Puissance, fait, au même instant, saisir dans ses ports tous les bâtiments qui appartiennent à celleci, ou à ses sujets; c'est en vertu de cet usage (que repoussent la justice, l'équité et la morale, puisque ces bâtiments se trouvent dans les ports de la Puissance qui déclare la guerre, par suite uniquement de leur confiance dans la durée de la paix), que Napoléon, en déclarant la guerre à la Prusse, en 1806, ordonna, par son décret du 6 octobre, qu'à compter « de ce jour » ceux des bâtiments de mer appartenant au roi de Prusse ou à ses sujets, «< qui se trouvent actuellement dans les ports de l'em«pire seront déclarés de bonne prise, et ils seront vendus à la << diligence des administrations de la marine et des domaines, pour <«<le produit de la vente en être versé au trésor public. » 2)

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1) Voir Livre I, titre III, §§ 6, 10; et Livre H, chap. IV, VI, XI.

2) Voir au Livre I, titre III, § 10, 2e section le délai accordé par l'empereur Napoléon III aux bâtiments russes, en 1854.

Cet usage, contre lequel nous nous élevons à nécessité pour les divers États du Globe, l'insertion dans leurs traités publics, d'une clause portant qu'un délai sera accordé, après la rupture de la paix, aux négociants étrangers, sujets du souverain contre lequel le souverain territorial est sur le point d'entrer en hostilités, pour se retirer, sous la protection d'un sauf-conduit, avec leur famille, leurs propriétés et leurs navires; le délai est de six mois, un an, deux ans même (voir Livre I, titre III, § 6). Cette clause conventionnelle réciproque, devrait être le principe général, universel, respecté par toutes les nations, en l'absence de tout traité existant entre les États qui entrent en guerre.

C'est ce principe d'équité qui présida à la convention de capitulation pour la reddition des îles de St.-Christophe et de Nevis ; nous sommes heureux d'avoir à rappeler une circonstance qui fait honneur aux commandants des forces françaises.

Cette capitulation, fut signée le 12 février 1782, entre le comte de Grasse, commandant les forces navales du roi de France, et le Marquis de Bouillé, commandant pour le roi, dans les îles françaises en Amérique, d'une part; et, d'autre part, Sir Thomas Sterley, gouverneur des îles St.-Christophe et Nevis, et Sir Thomas Fraser, brigadier général, commandant des troupes anglaises; elle porte:

« Art. 12. Les vaisseaux et bâtiments caboteurs appartenant aux habitants lors de la capitulation, leur resteront en nature propre. Les bâtiments que les dits habitants attendent des ports d'Angleterre ou de ceux des possessions de S. M. Britannique, seront reçus dans lesdites colonies, dans l'espace de six mois, et ils pourront être expédiés en retour sous pavillon neutre, même pour les ports de l'Angleterre, avec la permission particulière du gouverneur ; et si lesdits bâtiments attendus relâchaient dans quelqu'île anglaise, le gouverneur sera autorisé à donner des permissions pour les faire venir de ces îles où ils auront relâché. »

Les sentiments nobles et généreux qui ont inspiré cette clause de la convention de capitulation, ont également dicté la convention qui fut signée, le 22 du même mois de février 1782, pour la capitulation de Monserat, en Amérique, entre le comte de Barras, chef d'escadre des armées navales françaises, et le comte de Fléchin, colonel de l'infanterie française, d'une part; et, d'autre part, Sir Michel White, lieutenant gouverneur de l'île de Monserat.

C'est ainsi, qu'en vertu des actes de capitulation dressés par les assiégeants, les bâtiments chargés en Angleterre et expédiés des ports de la Grande-Bretagne avec destination des îles de St.

Christophe, Nevis et Monserat, dans la persuasion où étaient les négociants et armateurs anglais que ces les étaient toujours au pouvoir de S. M. britannique, purent, pendant six mois à partir du jour de la capitulation, s'y présenter en toute sécurité, en sortir de même, et que les marchandises importées par eux, pour le compte des négociants anglais, purent être réexportées, même pour les ports de la Grande-Bretagne, sous pavillon neutre. Cette faculté fut également accordée à ceux des bâtiments anglais qui, informés tardivement de la reddition des trois îles aux forces françaises, avaient relâché, par mesure de prudence, dans d'autres îles de la domination du roi d'Angleterre. Les autorités anglaises établies à Louisbourg, enlevée aux Français, n'eurent pas la même générosité. (Voir chap. II, § 4.)

Le respect pour la bonne foi du commerce maritime, devrait en toutes circonstances servir de règle aux États belligérants; s'emparer de bâtiments à l'ancre au moment de la déclaration de guerre; de bâtiments qui se présentent dans un port dans l'ignorance où se trouve le capitaine de la rupture de la paix, ou du changement de domination par événement de guerre; de bâtiments qui naviguent, se rendant sans défiance à leur destination, sans être informés de l'ouverture des hostilités, est, selon nous, un abus de la force et une iniquité, qui pourraient être classés au nombre des faits de piraterie.

En 1854, le gouvernement français en déclarant la guerre à la Russie n'a pas suivi les errements de 1806; une déclaration de l'empereur Napoléon III, en date du 27 mars, accorde un délai de six semaines aux navires de commerce russes pour sortir des ports français: « Ceux de ces navires qui viendraient à être cap<< turés après leur sortie des ports de l'empire, porte la décla<«<ration, seront relâchés s'ils établissent, par leurs papiers de bord, << qu'ils se rendent directement à leur port de destination, et qu'ils << n'ont pu encore y parvenir.» (Voir Livre I, titre III, § 40.)

CHAPITRE XVI.

PRISES MARITIMES.

Déclaration de bonne prise, en 1688, d'un bâtiment neutre, le Saint-JeanBaptiste, chargé de marchandises ennemies; Application de l'ordonnance

de 1681. 1)

Le principe de l'immunité du pavillon, consacré par les traités d'Utrecht en 1713 (voir chap. I), et par les traités de la fin du 18e siècle (voir chap. VII, § 2), a été oublié, et fréquemment violé, pendant les guerres maritimes qui ont éclaté dans les années 1744, 1756, 1776, 1793 et 1804 (voir chap. III, IV, VI, VII, XXI, XXII, XXIV et XXVI). L'ancien droit public maritime de l'Europe, en matière de prises, prévalut alors, dans divers pays, c'est-à-dire le principe de la confiscation des marchandises ennemies sous pavillon neutre, consacré par le Consulat de la mer et par l'ordonnance française du mois d'août 1681. (Voir chap. III.)

Il nous a paru, en conséquence, qu'il n'était pas sans intérêt de produire une cause de prise maritime, jugée sous l'empire de l'ancien droit public; c'est encore d'ailleurs celui que l'Angleterre observe 2), sans égard pour l'adoption qu'elle a faite maintes fois du principe de l'immunité du pavillon, notamment dans ses traités de 1713 et 1786 avec la France. (Voir chap. I, III et VII, § 2.)

§ 1.

Principe consacré par l'ordonnance de 1681.

L'ordonnance de la marine du mois d'août 1681 n'est pas favorable aux navires neutres chargés de marchandises appartenant aux ennemis.

L'art. VIII du titre des prises porte: << Tous navires qui se trouveront chargés d'effets appartenant à nos ennemis, et les marchandises de nos sujets et alliés qui se trouveront dans un navire ennemi seront pareillement de bonne prise. »><

1) Voir Livre I, titre III, §§ 10 et 28.

2) Voir la déclaration collective de la France et de la Grande-Bretagne pour la guerre de 1854 contre la Russie: Livre 1, titre III, § 40, deuxième section.

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