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Nous terminerons ce paragraphe par le résumé clair et vrai qu'un publiciste français, M. Am. Pellier, a fait de cette triste affaire de Smyrne, dans laquelle l'autorité locale s'est montrée aussi faible qu'incapable, et qui a été l'origine, de la part d'un officier supérieure de la marine militaire des États-Unis, « d'une <<< violation de ces principes du droit maritime pour lesquels la << France n'a cessé de combattre ».

« Le Président des États-Unis s'est occupé dans son Message au Congrès, d'une affaire qui, après avoir excité il y a quelques mois une assez vive émotion en Amérique et en Europe, s'est terminée d'une façon presque inaperçue au milieu des distractions causées par la guerre entre la Turquie et la Russie. Nous voulons parler de l'arrestation à Smyrne du réfugié hongrois Martin Koszta, par ordre du consul d'Autriche, et des divers incidents qui en sont résultés. Le langage de M. Franklin Pierce, en s'exprimant sur cette affaire, a été, nous aimons à le reconnaître, aussi convenable et modéré que dans les autres parties de son Message. Mais on ne peut admettre, après ce qui s'est passé, que tous les honneurs de la solution aient été en cette circonstance pour les autorités américaines, ainsi qu'il a semblé le dire, s'y croyant sans doute obligé pour flatter l'amour-propre national.

<< S'il ne s'était agi dans cette affaire que de la satisfaction particulière de l'un ou l'autre gouvernement, elle ne vaudrait pas la peine

<tique des États-Unis appelle la doctrine de Monroe. (Voir chap. XXXVI, § 3.) On « voit que les démocrates américains ont de singulières idées sur l'équitable réci«procité des rapports internationaux.

« Ce qui nous préoccupe, ce que nous voulons signaler, c'est l'intervention toute «nouvelle de l'Amérique, c'est la protection dont elle prétend entourer, même hors « de chez elle, des Européens qui se sont mis en révolte ouverte contre le gou« vernement de leur pays; ce sont les vœux exprimés en public par ses agents di«plomatiques pour le triomphe de la propagande révolutionnaire. Voilà ce qui est € excessif. S'il convient à l'Amérique d'être le refuge, le champ d'asile des turbulents et des anarchistes de tous les pays, elle doit au moins les garder après les « avoir accueillis, et ne pas nous les renvoyer comme des missionnaires de révo<lutions.

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Quand l'ancienne Rome pesait sur le monde, elle prétendait que le titre de « citoyen romain devait être dans tout pays un gage d'inviolabilité. Civis sum Romanus. Avec ces mots magiques, le patricien, le plébéïen de Rome se faisaient respecter «jusqu'au fond de l'Asie. Les démocrates du Nouveau-Monde voudraient-ils au«jourd'hui investir du même privilège les révolutionnaires de tout pays qu'il leur < plaira d'accueillir, et leur assurer partout l'impunité, en en faisant des citoyens « américains?

Nous leur demandans (aux agents à l'étranger des Etats-Unis, ainsi qu'au gou«vernement lui-même), nous leur demandons de ne pas oublier que protéger la "propagande révolutionnaire est un mauvais moyen d'encourager la paix parmi les nations et les hommes.

«C'est à l'Europe à porter sur ce point la plus vigilante attention. C'est dans le <principe qu'il importe de s'opposer au mal. Si les gouvernements européens n'y « prenaient garde, des précédents pourraient s'établir qui auraient avec le temps << les plus funestes conséquences. Il importe au plus haut point à l'Europe de ne pas permettre à l'Amérique, sous quelque forme que ce soit, une intervention illicite dans ses affaires, et de défendre avec une inébranlable fermeté les vrais prin«cipes internationaux. »>

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qu'on en parlat encore; mais elle se rattache à des questions de droit international qui intéressent tous les pays. Martin Koszta avait été arrêté à Smyrne par ordre du consul autrichien, agissant en vertu des capitulations qui ont conféré à l'Autriche comme à plusieurs autres Puissances chrétiennes, un droit de juridiction sur ses nationaux, à l'exclusion des autorités ottomanes. Que ces capitulations qui confèrent à des gouvernements étrangers l'exercice d'un des attributs du pouvoir souverain sur le territoire d'un autre gouvernement, soient contraires aux vrais principes du droit public et offrent des inconvénients dans leur application, c'est ce que nous contesterons moins que personne ; car, dans cette feuille même, le vœu a été exprimé, il y longtemps déjà, que le gouvernement ottoman pût présenter assez de garanties d'une bonne administration de la justice pour que les Puissances chrétiennes qui possèdent des capitulations renonçassent à leur bénéfice. Mais tant que ces garanties n'existeront pas, et tout le monde sait combien il s'en faut toujours qu'elles existent, ces Puissances sont tenues, dans l'intérêt de leurs sujets, de maintenir les privilèges de juridiction qui ont été conférés par la Porte à leurs agents.

« Le consul d'Autriche à Smyrne avait non seulement le droit, en vertu des capitulations, d'ordonner l'arrestation de Martin Koszta, sujet autrichien; mais il aurait manqué à ses devoirs en ne le faisant pas. Hâtons-nous pourtant d'ajouter que le droit absolu ne pouvait être politiquement revendiqué et maintenu, du moment que Martin Koszta avait acquis la qualité de citoyen américain. Il y a sans doute quelque chose qui répugne au bon sens et à la loyauté dans la prétention d'un homme comme Koszta qui part d'Europe sujet autrichien, débarque un beau matin à New-York, et, au moyen d'une simple déclaration devant le magistrat, devenu le soir citoyen américain, veut pouvoir, de retour en Europe, braver impunément les autorités instituées par le gouvernement de son pays natal. Koszła poussait même la bravade jusqu'à soutenir que, pour être devenu citoyen américain, il n'avait pas cessé d'être Hongrois.

<< La question aurait donc été des plus simples posée entre lui et le consul autrichien qui ne pouvait le considérer que comme son justiciable; mais elle changeait de face par l'intervention du consul des États-Unis, obligé de couvrir de sa protection tout individu régulièrement naturalisé américain; elle menaçait alors de prendre les proportions d'un différend entre les deux gouvernements.

« Cette considération supérieure devait tout dominer, et c'est elle qui a évidemment dicté la conduite du gouvernement autrichien. Dans une dépêche adressée le 11 septembre à M. Marsh, ministre américain à Constantinople, M. de Bruck, internonce d'Autriche, disait : « Le gou<< vernement impérial, ne voulant pas confondre l'individu avec la cause, << vient de m'autoriser à m'entendre avec vous sur la mise en liberté et << le transport en Amérique de Martin Koszta. >>

«< Ainsi l'Autriche réservait formellement son droit, et en cela elle défendait la cause de toutes les Puissances qui ont des capitulations avec la Turquie, en même temps que la sienne propre. C'était se mon

trer intraitabie sur le principe, conciliant sur l'application: règle difficile et rarement observée en politique.

« Le ministre américain, M. Marsh, se hâta d'accepter les propositions de M. de Bruck. Sa dépêche en réponse à ce diplomate, laquelle a été également publiée, témoignait de ses sentiments conciliants. Il faut être juste envers le gouvernement américain et son représentant à Constantinople: si cette affaire Koszta avait été exclusivement traitée entre eux et le cabinet de Vienne, elle n'aurait pas acquis les proportions qu'elle a eues un moment et qui pouvaient faire craindre une rupture de relations entre l'Autriche et les États-Unis.

« Ce qui a été le plus grave dans cette affaire, et ce qui reste encore regrettable, c'est la conduite du capitaine Ingraham, commandant une corvette américaine, et menaçant d'ouvrir le feu sur un brick autrichien, dans le port de Smyrne. Le président des États-Unis a dit dans son Message que les procédés de cet officier étaient « justifiables ». S'il est un gouvernement dont on ne devait jamais s'attendre à voir le chef justifier de pareils procédés, c'est assurément le gouvernement des États-Unis. Qui doit, plus que le cabinet de Washington, défendre énergiquement et constamment les droits des neutres? Quelle a été une des causes déterminantes, la principale cause de la déclaration de guerre des États-Unis à l'Angleterre, en 1812 ? C'est le droit de visite que les navires de guerre britanniques s'étaient arrogé sur les navires américains, pour s'assurer s'ils n'avaient point de matelots anglais dans leurs équipages. C'était violer certainement les privilèges de la neutralité d'une façon qui exigeait une réparation. Mais cette violation n'était pas pire que celle qui serait résultée d'une menace d'hostilités faite par un navire anglais à un navire américain dans un port neutre. Le gouvernement des États-Unis est condamné dans le cas dont nous nous occupons, non seulement par ses propres antécédents, mais encore par l'autorité des publicistes nationaux, ainsi que l'a établi le gouvernement autrichien dans son Memorandum aux cours étrangères.

«M. Franklin Pierce a dit dans son Message que la correspondance communiquée au Congrès ferait connaître la doctrine qui a décidé le gouvernement américain à considérer la conduite du capitaine Ingraham comme justifiable. Il sera curieux de voir sur quels arguments on aura essayé d'appuyer cette doctrine. Les États-Unis doivent prendre garde d'accréditer des précédents qui seraient un jour invoqués contre eux. L'Angleterre a pu se mettre et rester encore en opposition avec tous les autres États maritimes sur la nature et l'étendue des privilèges des neutres sa supériorité de fait la porte à croire qu'elle peut se placer impunément au-dessus du droit. La puissance navale des États-Unis n'est pas encore arrivée à ce point, qu'ils puissent imiter en cela l'Angleterre.

« Quant à nous, nous ne saurions oublier que le capitaine Ingraham a donné dans la rade de Smyrne le déplorable exemple d'une violation de ces principes du droit maritime pour lesquels la France, sous l'ancienne Monarchie, sous la République, sous l'Empire, n'a cessé de combattre; et c'est avec tristesse que nous verrions une puissance à

laquelle nos efforts n'ont pas été inutiles pour fonder son indépendance, qui a été notre alliée, et qui, nous l'espérons, peut l'être encore, si l'heure des grandes luttes maritimes venait de nouveau à sonner, chercher à accréditer une doctrine qui ne lui serait pas moins funeste à elle-même qu'à nous, et contre laquelle protestent toutes nos traditions nationales. >>

§ 13.

Violations diverses de la mer territoriale; indication des chapitres où elles sont mentionnées.

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Divers cas de violation manifeste de la mer territoriale pourraient encore prendre place dans ce chapitre; mais ils appartiennent trop essentiellement au cadre des événements développés dans les chapitres II, § 4, XVII, § 6, XXIV, § 3, - XXVI et XXXI, § 5, pour en faire l'objet d'une mention séparée et les isoler du sujet principal dont ils font partie; nous prenons donc la liberté de renvoyer le lecteur aux chapitres que nous avons indiqués.

CHAPITRE XIII.

PRISES MARITIMES.

Capture de bâtiments neutres par suite d'irrégularités constatées dans les papiers de bord, ou de leur jet à la mer; ou par suite de la composition de leur équipage, contrairement aux usages reçus, ou aux stipulations des

traités. 1)

Tout bâtiment marchand doit, en temps de guerre surtout, être pourvu de papiers constatant sa nationalité, et sa neutralité, soit qu'il ait été construit dans le pays dont le pavillon le couvre ; soit qu'en vertu d'un jugement rendu par un tribunal compétent, il ait été adjugé comme bonne prise et qu'il soit, de cette sorte, devenu la propriété d'un armateur, sujet par la naissance ou par la naturalisation de l'État sous le pavillon duquel il navigue; soit que, construit à l'étranger, il appartienne, confor

1) Voir Livre I, titre II, § 6, et titre III, § 17.

mément aux réglements, à un ou à plusieurs armateurs du pays dont il porte le pavillon.

Ces papiers sont : l'acte de nationalité (connu, en France, sous le nom d'acte de francisation), indiquant le nom du navire, celui de ses propriétaires, le nom du port d'armement, le signalement du navire, c'est-à-dire sa portée ou capacité constatée par une jauge officielle, le nombre de mâts, de ponts, de bouches à feu, etc.; les actes de propriété, si le bâtiment est de construction étrangère; le congé, ou passeport de mer, lequel reproduit une partie des indications contenues dans l'acte ou patente de nationalité; le nom du capitaine; le port de destination, sauf les ports intermédiaires dans lesquels il peut se trouver dans le cas d'entrer, accidentellement, en relâche forcée; (il est d'ailleurs nécessaire qu'au moment où le passeport a été remis par l'autorité, le bâtiment se soit trouvé dans un des ports du souverain au nom duquel le congé ou passeport a été délivré (voir dans ce chapitre le § 13); — le rôle d'équipage, sur lequel sont inscrits tous les hommes d'équipage, par nom et prénoms, âge, lieu de naissance, et grade ou qualité à bord; le manifeste et les connaissements constatant la nature du chargement, etc.; la chartepartie, si le bâtiment fait un voyage lié d'aller et de retour, en vertu d'un engagement passé entre les armateurs et les chargeurs ; le journal ou livre de bord; etc. etc.

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Enfin, le capitaine, le second et une partie des hommes de l'équipage (la moitié ou les trois quarts, selon les réglements en usage dans le pays), doivent être sujets, par la naissance ou par la naturalisation, du souverain sous le pavillon duquel ils servent.

Or, les irrégularités en ce qui concerne tant les papiers de bord que la composition de l'équipage, sont de nature à entraîner la capture; il en est ainsi du jet à la mer d'une partie des papiers de bord; de la production de papiers tendant à simuler une nationalité; du voyage accompli contrairement à la destination indiquée par le passeport.

Ce fut dans l'une ou l'autre de ces conditions diverses que se sont trouvés les bâtiments neutres, capturés, dont nous allons avoir à parler.

§ 1.

Prise de la Nostra Segnora del Pilar.

Le bâtiment portugais, la Nostra Segnora del Pilar, fut arrêté, en 1692, par un corsaire français. Il était muni d'un passeport

CUSSY II.

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