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que suffisamment leur retraite. Sans la prise de Silistrie le maréchal Paskiewitch ne pouvait rien tenter en Bulgarie ou sur la ligne des Balkans. Mais deux autres faits importants déterminèrent aussi ce mouvement rétrograde.

Au moment où l'on apprit l'investissement de Silistrie, l'armée alliée quitta Gallipoli et se porta, en forces respectables, à Varna, d'où un détachement nombreux reçut ordre d'occuper une partie de la Dobrutscha. Cette opération avait pour but d'empêcher les Russes de franchir le Danube près de son embouchure, à Ismaïl, Réni, etc., et d'autre part de fermer du côté de la mer l'accès du territoire Ottoman. Maîtresses désormais de l'Euxin, les flottes alliées pouvaient rendre impossible le ravitaillement de l'armée Russe par voie maritime, et mettaient la Turquie à l'abri d'un coup de main en Bulgarie. D'un autre côté, il était facile par Varna de diriger sur Silistrie tous les secours qui pourraient dégager la place.

Le maréchal Paskiewitch comprit le péril que cette situation faisait courir à l'armée assiégeante; il ne crut pas pouvoir l'affronter.

D'ailleurs, le 14 juin, l'Autriche, ainsi qu'on l'a vu plus haut, avait pris, vis-à-vis de la Sublime Porte, l'engagement de faire évacuer les Principautés par l'armée Russe et d'employer à ce but, s'il le fallait, toutes les forces nécessaires. Déjà le général Autrichien Coronini faisait ses dispositions pour faire entrer dans les Provinces Danubiennes un corps d'occupation.

Tous ces événements réunis hâtèrent la retraite du maréchal Paskiewitch. Il se replia sur la rive gauche du Danube avec la douleur d'un échec qui détruisit en grande partie dans l'opinion de l'Europe le prestige des armes Russes.

de la MoldoValachie.

Cette retraite prit d'ailleurs bientôt de plus grandes propor- Évacuation tions, et l'évacuation des provinces Moldo-Valaques, par les troupes du Czar, commença dès ce moment. Nous avons dit de quels prétextes la diplomatie Moscovite colora ce mouve

Mouvements en Grèce

et occupation

du Pirée.

ment rétrograde, en le présentant comme une concession faite aux vœux et aux inquiétudes de l'Allemagne.

Le traité du 14 juin, en mettant au besoin les armées Autrichiennes comme une barrière entre la Russie et l'Empire Ottoman et en les constituant dans les Principautés gardiennes de l'intégrité de cet Empire, avait l'avantage de rendre toute leur liberté d'action aux forces alliées et aux troupes Turques ellesmêmes, Dans ces nouvelles conditions, on pouvait déplacer le terrain de la lutte et la porter partout où des coups plus sensibles et plus efficaces pourraient être portés à l'ennemi com

mun.

Mais il importait, pour mener à fin cette grande entreprise, de ne pas laisser des questions et des embarras secondaires compliquer ou entraver les efforts des Puissances occidentales. Un de ces embarras se produisit en Grèce.

Le Gouvernement Grec, se méprenant sur ses véritables intérêts, crut que la guerre déclarée entre la Porte et la Russie pourrait servir à la réalisation des rêves longtemps entretenus par l'entourage du Roi Othon. La Cour d'Athènes, plus encore peut-être sous l'influence des projets ambitieux de la Reine que de son Souverain, avait vaguement entrevu la restauration d'un Empire Byzantin sous le sceptre Hellénique. La Russie avait favorisé cette espérance insensée dès que la fameuse ambassade du Prince Menschikoff fut résolue. Il est bien évident que le Czar n'avait aucune intention sérieuse de donner au Royaume de Grèce une importance quelconque, et encore moins une part dans l'hypothèse du démembrement de la Turquie. Les propositions confidentielles faites par l'Empereur Nicolas à Sir Hamilton Seymour en sont un témoignage décisif. Si le nom de la Grèce fut prononcé dans ces mémorables conversations, ce fut pour affirmer que « jamais la Russie ne permettrait la reconstruction d'un Empire Byzantin ni aucune extension de la Grèce, qui en ferait un État puissant. » Seulement, comme l'ambition inconsidérée de la Cour d'Athènes

pouvait être utile aux projets de la Russie, une mission fut envoyée en Grèce dans le but d'engager le Gouvernement Grec, au nom de la religion commune, à prendre parti pour l'Église orthodoxe contre ce qu'on appelait l'oppression musulmane. Le Roi Othon et son entourage se laissèrent prendre à l'appât trompeur qui leur était offert; ils crurent que le trône Hellénique était appelé à succéder à l'Empire mahométan dont la Russie allait renverser le dernier Souverain; ils ne virent pas que leur intervention était une diversion favorable à la cause du Czar, et à elle seule. En conséquence, on les vit encourager des soulèvements contre les Turcs sur les frontières de l'Épire, et bientôt, par une pente naturelle sur laquelle le Roi et ses conseillers ne purent plus enrayer leur pays, le brigandage s'organisa sur tous les points de la Grèce et la piraterie dans les mers qui la baignent.

Il est notoire aujourd'hui que le Cabinet de Saint-Pétersbourg subventionnait l'insurrection. Une dépêche de M. le Comte de Nesselrode, en date du 2 mars 1854, indiquait formellement que l'appui du Czar était assuré aux soulèvements des chrétiens contre les musulmans.

Le Gouvernement Ottoman déploya une grande énergie contre les insurgés. Fuad-Effendi fut envoyé sur les lieux avec des forces suffisantes pour réprimer la rébellion et des pouvoirs assez étendus pour pacifier les provinces limitrophes de la Grèce. Les Puissances occidentales, de leur côté, définitivement engagées dans la lutte, ne pouvaient permettre à un pays placé depuis sa fondation sous leur protectorat et sous leur garantie, de s'armer en faveur des ennemis qu'elles allaient combattre, et d'organiser l'insurrection sur terre et la piraterie sur mer.

La Sublime Porte rompit ses relations avec la Cour d'Athènes. Le 25 mai 1854, un corps expéditionnaire, composé de troupes Anglaises et Françaises, débarqua au Pirée, pendant qu'une division navale occupait l'Archipel Hellénique, poursui

État

des choses.

avec

vait impitoyablement les écumeurs de mer et empêchait toute communication entre les insurgés de l'Épire et la métropole.

On voit que la politique des Puissances alliées marchait vers son but avec un admirable ensemble et une constante énergie. A la date où nous sommes arrivés, c'est-à-dire à la fin du mois de juin 1854, les armées Russes étaient en plein mouvement de retraite dans les Principautés; le territoire Ottoman pouvait être considéré comme à l'abri de nouvelles attaques par suite de l'engagement que l'Autriche avait pris de le défendre. La Cour de Vienne avait fait un pas considérable dans le sens de la politique occidentale. Elle s'était alliée avec la principale des Puissances belligérantes dans une pensée contraire à la Russie. Quoique indirect, le concours qu'elle donnait aux armées alliées n'en était pas moins très-réel et très-efficace. Enfin, la politique Russe, atteinte par la force des armes sur les bords du Danube, atteinte par le rapprochement de plus en plus marqué des grands États Européens, l'était également en Grèce, où elle avait tenté une diversion malheureuse en faveur de ses armes.

Mais il ne suffisait pas, pour défendre et garantir en Turquie la cause du droit Européen, d'avoir rejeté l'invasion Russe hors du territoire Ottoman. Il fallait obtenir de la Russie les garanties indispensables pour assurer l'avenir et prévenir le retour des complications qui agitaient l'Europe. La question d'Orient avait éclaté avec tous ses dangers et dans ses véritables proportions; il importait qu'elle fût enfin résolue.

Les Puissances occidentales se préparèrent, dans ce but, à de gigantesques opérations militaires; mais elles ne négligèrent cependant aucun des moyens pacifiques que la diplomatie pouvait offrir.

Négociations La conviction profonde de la Cour de Paris était que, si l'on diplomatiques pouvait amener l'Allemagne à se prononcer contre la Russie les Puissances et à s'unir, sinon de fait du moins de principe, à l'Occident, l'Empereur Nicolas, reculant devant l'imminence et les dan

Allemandes.

gers d'une coalition Européenne, subirait les conditions qu'imposerait l'intérêt général. Malheureusement l'attitude indécise de la Prusse, pour ne rien dire de plus, laissait la Confédération Germanique divisée et hésitante entre l'Autriche, qui l'engageait à l'énergie, et le Cabinet de Berlin, qui l'engageait à l'abstention sinon à la neutralité déclarée.

Cependant, au commencement de 1854, un projet de traité entre les Puissances occidentales et Allemandes avait été étudié. Ce projet se distinguait par une modération excessive dans les conditions qu'il s'agirait en définitive d'imposer à la Russie, à laquelle il laissait même prévoir le maintien de ses anciens traités avec la Porte, lors du rétablissement de la paix. Mais il n'en constituait pas moins un lien commun, une alliance positive contre la Russie entre les grandes Puissances. La Prusse ne voulut pas franchir ce Rubicon; tout ce qu'on put obtenir d'elle, ce fut, le 9 avril, la signature d'un protocole qui énonçait les stipulations générales qu'on aurait fait entrer dans le traité; le 23 mai, elle signa un second protocole dans lequel, à la suite de la communication réciproque du traité du 10 avril entre l'Angleterre et la France, et du traité du 20 avril entre la Prusse et l'Autriche, il fut constaté que le but des quatre Puissances était identique, bien que les moyens fussent différents.

Il fut dès lors visible que la Prusse s'enfermerait désormais dans une politique passive, et que ce dernier acte était la limite extrême du concours qu'on pouvait en attendre.

Notes

Il n'en était pas de même vis-à-vis de l'Autriche. On pouvait espérer que la Cour de Vienne, par une foule de motifs du 8 août. très-sérieux, s'engagerait davantage dans la politique de l'Occident. La France et l'Angleterre continuèrent leurs efforts pour déterminer l'Empereur François-Joseph à entrer dans leur alliance.

Ces tentatives n'obtinrent d'abord qu'un demi-succès. On a vu que, le 14 juin, l'Autriche conclut avec la Turquie

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