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cool de betteraves est grand et M. Pluchet est son prophète. D'ailleurs, en face de sa vie à gagner, l'homme est toujours petit, mon cher Allier; et nous ne demanderons à personne comme une chose facile de faire ou de parler contre son intérêt.

Mais nous pouvons au moins demander, parce que c'est aussi notre droit d'abord, et parce que de ce droit nous sentons. comme un devoir qui découle, nous pouvons demander que chacun soit franc dans sa thèse et que pour aider à faire passer une cause tout uniment grosse de gros sous, on n'aille pas invoquer éternellement les rengaînes touchantes du bien public à bon marché, de l'avantage des masses, de l'agriculture, notre mamelle, de la viande et du pain du peuple. Prospectus, je le sais, et alambic se recherchent et la saine chimie ne repousse point un boniment innocent; mais conclure de la distillation des betteraves aux vertus et à la gloire du philanthrope, voilà qui me paraît puissant!

Après tout, cependant, les fabricants d'alcool de légumes avaient pour eux la circonstance atténuante. Chacun prise sa marchandise selon son orgueil; du producteur au produit il y a toujours la passion et l'aveuglement d'un père. L'exposition qui vient de finir a été la lanterne magique de ces enthousiasmes génésiques! Lequel parmi les prenant-part innombrables, si pauvre que fût sa chose et contestable son mérite, n'a point considéré toute récompense donnée à d'autres comme un déni plus ou moins formel de la justice qui lui était due? La Fontaine l'a dit, mon ami, nous sommes besaciers, et c'est un bien: nos qualités nous viennent de l'observation d'autrui, et sans l'amour de chacun pour ce qu'il fait, le travail cesserait par toute la terre. Que le distillateur du Nord aime son eau-devie, donc ; qu'il la vante, qu'il y croie, qu'il aille même jusqu'à en boire, nous le trouverons pardonnable, estimable et touchant.

Mais le dîner du 29 janvier n'a pas seulement vu les 70,000 pétitionnaires de la betterave et des autres jus de ferme en

instance pour obtenir l'alcoolisage à prix réduit sous prétexte de pain et de viande : il a vu, chose autrement grave et triste, un membre de l'Institut, né en Bourgogne et qui fait du vin, complimenter les distillateurs agricoles sur la beauté de leurs produits, laisser dire que ceux-ci dans le vin ne constitue pas une sophistication, traiter même la chose d'opération licite et professer enfin le vinage comme l'infaillible salut des vins mal faits et peu réussis. Jusqu'où peuvent nous entraîner cinquante hectares plantés en betteraves et la politesse !

Certes, mon ami, l'illustre Thénard, ce père de la chimie industrielle, était un homme de compagnie excellente, quand, recevant un prince dans son laboratoire, il lui disait : « Monseigneur, voici deux gaz qui vont avoir l'honneur de se combiner devant Votre Altesse; » mais je crois qu'aucune déférence pour une altesse quelconque ne lui eût fait faire de ces énormes mariages et combiner ce qui ne se combine pas. Nous sommes loin des vertus antiques! Que l'honorable M. Josseau, et M. le baron de Beauverger ensuite, qui sont de Seine-etMarne et députés au Corps législatif, aient parlé du vinage en bonne part et promis d'appuyer le projet de son développement, rien ici ne nous heurte ni ne nous choque; Seine-etMarne est en Brie, pays terne de betteraves et de blé où l'on n'a jamais su si le vin était du vin. Ainsi pour M. Belin, de Brie-Comte-Robert: il est un producteur immense et son esprit sagace sourit aux immenses écoulements. D'ailleurs, c'est article de foi dans son cœur simple: la betterave divine fait déjà le pain et la viande, il faut qu'elle fasse aussi le vin. Le royaume des cieux est à ces croyants fermes.

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Mais un savant, mais des négociants, mais des vignerons mais des buveurs! Trompeurs ou trompés, mon cher Allier; c'est à peu près ainsi que tous les rôles se distribuent dans la comédie présente. Il faut se défier toujours quand un négociant, par exemple, se prononce pour une thèse semblable et l'appuie par ce dire: « Que le vinage sert à mettre dans la consommation des vins qui n'y arriveraient pas sans lui.» Sur

tout après que, dans l'enquête de 1848 et 1849, un négociant qui était peut-être le même, avait présenté, lui grand planteur, le vinage du vin comme une grande calamité. J'ai grand peur de ces discours tenus aux tables d'une ville à l'octroi cher comme Paris, où l'intérêt fraudeur et fatal porte un certain commerce à faire entrer, s'il est possible, chaque pièce ayant dans ses douves assez de viatique alcoolique pour deux; de façon, si quelqu'un n'y prenait garde, à étirer et agrandir cet illustre et authentique dédoublage intra-muros qui fait, hélas; que le Parisien ne trouve plus de saveur suffisante au vin naturel, tant son malicieux marchand lui a blindé et cuirassé le goût avec l'eau rougie alcoolisée. Phrases à deux fins, mon cher Allier; arguments suspects. De même que j'éprouve, je l'avouerai, une sorte de chagrin honteux quand, doucereusement et croyant sans doute mettre ensemble la conscience et la bourse, la betterave et l'honneur, un autre beau diseur confesse qu'il ne veut point du vinage pour les vins consommés en France, mais que fort bien il l'accepte pour les vins d'exportation. Ce ménagement de la chèvre étrangère et du chou territorial aura dû faire réfléchir les étrangers qui étaient là

Et voilà pourtant, comment une culture jadis insinuée pour faire du sucre, mais qui n'a pas su assez en faire, la betterave, invention politique, plante de circonstance, ressource provisoire, accessoire du blocus continental, est aujourd'hui devenue, en notre temps de raison et de liberté internationales, une menace flagrante, terrible, immense, pour la plus belle, la plus chère et la plus illustre des productions françaises, le vin. Laissons cette racine, aimée du premier empire et de Mathieu de Dombasles, suivre les destinées insolentes que la cornue lui trace, et, sauf quelques grands crûs épargnés du Bordelais et de la Bourgogne, la vigne de nos pères ne sera bientôt guère qu'une broussaille qu'on ne se donnera même plus la peine de cultiver. Nous demanderons à cette ronce de foisonner en fruit, et voilà tout. Et quant au jus, sa qualité de même sera l'abondance, mûre ou non. Le reste lui viendra par l'alambic et la teinture.

Plus de soins, plus de science, plus de frais, plus de caves. A quoi bon? Je vous parlais des grands crus épargnés; par l'alcool, oui peut-être, mais non par le sucre. La betterave sera l'eucharistie sous les deux espèces. La triste racine de vie! Ce qu'elle ne vinera pas, elle le sucrera: double façon d'affoler et d'abrutir son monde. Si bien que peu à peu, bouquet et séve, chair, corps, distinctions et durées diverses, tout s'effacera: l'alcool enrégimentera les uns et la cassonade les autres. Type eau-de-vie, type sucre: fond de légume. Deux uniformes. Resteront seulement deux sortes, le rouge et le blanc ; et deux classes, le vin au broc et le vin à la bouteille. Unités favorables, simplification mathématique, commodité de l'impôt !

Et cela, mon cher et vieil ami, le lendemain même de cette Exposition universelle qui nous a fait voir des vins de tous pays; et que dans tous ces pays presque on cherche, on demande, on s'évertue, on travaille, on trouve pour faire, et faire mieux, et faire bien, en Italie, en Suisse, en Autriche, en Prusse; partout instituant des cultures et des écoles, important des plants, des tailles, des procédés; aspirant en un mot au vrai raisin et au vrai vin: quand nous voici, nous, les maîtres, nous les rois, nous les dieux, en hommage de déchéance stupide devant le plus horrible produit de ce siècle, la lymphe végétale. C'est à nous croire devenus fous. Auguste LUCHET.

CONCOURS DE LA TAILLE DE LA VIGNE

A FLEURIE.

Un concours d'un nouveau genre, celui de la taille de la vigne, à la serpe et au sécateur, a eu lieu dimanche dernier, 23 février courant, à Fleurie (Rhône).

Un grand nombre de vignerons étaient accourus, malgré la pluie et les grésils, pour assister ou prendre part à cette lutte pacifique.

Au signal donné, curieux et concurrents ont pris d'un pied

léger le chemin du champ de taille, à une petite distance du bourg, sur un des vigneronnages de M. le Comte de Verdonet. Les vignes placées au contre-bas de la route de Fleurie permettaient à la foule des curieux de suivre toutes les péripities de la lutte divisée en deux camps.

Le 1er, celui de la taille bien faite sans limite de temps, avait pour spectateurs les hommes calmes et froids; le 2° où la vitesse et la bonne exécution entrait par une part égale, était préférée par les jeunes gens avides d'émotions.

Au moment où le roulement du tambour donnait le signal de l'engagement, un hourra général s'éleva dans la foule des spectateurs; chacun encourageait de la voie et des gestes celui pour lequel il faisait des vœux.

L'excellente fanfare de Fleurie, conduite sur le champ du concours par son digne président, M. Jourdan, l'un des plus zélés promoteurs de cette fête, exécutait avec un ensemble parfait des morceaux plein d'entrain et parfaitement appropriés à la circonstance. Aussi, quelques-uns, des concurrents, trop vivement excités, sont-ils allés trop vite; arrivés les premiers ils se croyaient déjà vainqueurs. Mais ils avaient à faire au jury, qui pendant l'exécution avait mùrement apprécié la vitesse et la bonne exécution. Il a donné la prime à ceux qui moins pressés tout en faisant vite se sont contentés d'arriver les seconds.

Les concurrents plus nombreux dans le concours de taille bien faite ont généralement mieux rempli leur tâche.

Au moment où le jury commençait ses opérations une averse de grésils poussée par un vent froid occasionna un sauve-qui-peut général. Quelques intrépides seulement ont bravé l'orage. Mais les jurés, avec un courage digne de ces vieux gaulois, qui voulaient parer la chute du ciel avec leurs piques, affrontaient, impassibles, la malencontreuse bourrasque et continuaient tranquillement leur tâche difficile.

Après ce long et pénible travail d'examen du jury, les quatre lauréats de chaque concours exécutèrent devant de nouveaux juges la taille raisonnée et expliquée. Dans cette élite de vigne

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