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même année une alliance avec la Porte, puis le 10 avril une alliance entre elles deux. La Prusse et l'Autriche déclarèrent publiquement leur neutralité; et ayant ainsi détruit les espérances dont l'empereur Nicolas s'était bercé lors de son voyage à Olmütz, ces deux derniers gouvernements conclurent le 20 avril un traité particulier; enfin l'Autriche, tout en faisant d'importantes reserves, se rangea par le traité du 2 décembre du parti des puissances occidentales. Le 14 juin, elle avait déjà signé avec le divan une convention qui fut bientôt suivie d'une autre entre la Porte et la Sardaigne et d'une autre encore entre cette dernière, la France et l'Angleterre. Après plusieurs tentatives infructueuses de la diplomatie pendant lesquelles la Russie ne put prendre sur elle d'avouer son erreur, l'Angleterre et la France lui signifièrent la rupture de la paix.

Le 14 septembre 1854, une armée de 60,000 hommes environ, composée de Français, d'Anglais et de Turcs, débarqua sur la côte occidentale de la Crimée à sept lieues au nord de Sébastopol; un détachement de cette armée s'empara de la ville d'Eupatoria, et le 20 du même mois les allies, sous le commandement du maréchal Saint-Arnaud à demi mort, battirent les Russes à l'Alma, ils traversèrent ensuite la Katcha et le Belbeck et tournèrent au sud de Sébastopol pour couvrir leur retraite par la prise de Balaclava. Le 9 octobre on ouvrit la tranchée, le 17 le feu; le 25 échoua la tentative des Russes de reprendre Balaclava, quoiqu'ils se fussent emparés déjà de plusieurs redoutes occupées par des troupes auxiliaires turques; le 26 ils perdirent la bataille de la Tchernaya, le 5 novembre, en présence des grands-ducs Michel et Nicolas accourus pour encourager les troupes, la bataille meurtrière d'Inkermann; le 17 février 1855 les Turcs commandés par Omer-Pacha les repoussèrent dans une tentative sur Eupa

toria, et le 22 mars ils eurent le même sort lorsqu'ils attaquèrent l'aile droite des alliés devant la tour de Malakoff. Cependant les assiégeants n'étant pas assez nombreux pour cerner la forteresse entière et ayant commencé le bombardement avec trop peu de pièces de siége et d'une distance trop éloignée, tandis que les Russes par la submersion de leur flotte avaient d'une part rendu l'accès de la baie de Sébastopol impraticable et réduit ainsi la flotte alliée au service de transport, de l'autre part tourné très-habilement les immenses canons de leurs vaisseaux contre les assaillants, le sort de Sébasotpol, d'ailleurs héroïquement défendue, resta longtemps en suspens malgré les victoires des alliés.

Dans la mer Baltique l'action des puissances maritimes avait moins de prise, leurs moyens d'attaque n'étant pas conformes à la nature de cette mer. Le fait d'armes le plus considérable dans ces parages fut la prise de Bomarsund le 16 août 1854, suivie de la destruction de cette forteresse.

XXI. A peine les hostilités étaient-elles commencées que déjà, circonstance assez mémorable, le ministre d'Autriche à Paris demandait à quelles conditions on voulait conclure la paix. A cette occasion M. Drouyn de Lhuys improvisa pour la première fois dans la conversation les quatre points de garantie, probablement sans se douter qu'ils formeraient la base de toutes les négociations de paix ultérieures. C'était peut-être une faute de la part de cet homme d'État, comme de la part du ministère anglais, d'ouvrir les négociations antérieurement à la prise de Sébastopol. Cependant comme plus tard le gouvernement de Saint-Pétersbourg offrit lui-même de faire la paix et que la mort de l'empereur Nicolas, survenue le 2 mars 1855, permit aux Russes de se

montrer plus accommodants, il n'eût pas été facile de rejeter cette offre. Or on pouvait dès ce moment prévoir que les principales difficultés surgiraient du troisième point; aussi le ministre français chercha-t-il avant tout à en rendre l'acceptation possible, et dans le but de ménager l'amour-propre des Russes, il inventa la singulière formule de la neutralisation de la mer Noire. Peut-être avec cette façon de parler espérait-on déguiser l'exclusion absolue de la flotte russe du Pont-Euxin ; mais en réalité ces mots « neutralisation de la mer Noire » n'eussent été rigoureusement corrects qu'autant que d'autres puissances eussent eu aussi des flottes à retirer spontanément et pour toujours de cette mer, tandis que jusqu'à ce moment la Russie y avait seule dominé et les puissances occidentales n'y avaient entretenu aucun vaisseau de guerre. D'un autre côté, comme il était sous-entendu que la Turquie maintiendrait ses escadres dans la Corne-d'Or, dans la mer de Marmara et dans la Méditerranée, c'était elle que la mise à exécution du projet français rendait désormais la seule puissance maritime du Pont-Euxin. On ne peut néanmoins s'empêcher de convenir que pour des termes diplomatiques le choix en était des plus heureux, surtout en ce qu'il offrait aux Russes une chance de couvrir leur retraite d'une certaine apparence de générosité. Aussi Napoléon III, lorsque son ministre lui communiqua cette proposition pour la première fois, trouva la combinaison si bien imaginée qu'il s'empressa d'envoyer M. Drouyn de Lhuys en conférer avec le cabinet de SaintJames. A Londres le diplomate français présenta deux projets, tendant l'un à établir la neutralisation de la mer Noire, l'autre la limitation seulement de la flotte russe dans cette mer. Le gouvernement anglais, qui s'accorda aussi à trouver la première de ces propositions bien imaginée, donna à lord John

Russell, son envoyé aux conférences de Vienne, des instructions qui lui recommandaient de préférer le système de la neutralisation à celui de la limitation préférence facile à comprendre, puisque en se soumettant à la mesure de la neutralisation les Russes n'auraient plus conservé un seul grand vaisseau de guerre dans l'Euxin. Au résumé les quatre conditions auxquelles devait se conclure la paix étaient: abolition du protectorat de la Russie sur les principautés danubiennes, libre navigation du Danube, révision du traité du 15 juillet 1841 dans le double but de rattacher plus complétement l'existence de l'empire ottoman à l'équilibre européen et de mettre fin à la prépondérance de la Russie dans la mer Noire; renonciation de la Russie au principe de couvrir d'un protectorat officiel les sujets chrétiens du sultan, auxquels d'ailleurs celui-ci avait lui-même accordé l'égalité civile.

Les deux premiers points furent tout d'abord acceptés par la Russie; mais quand M. Drouyn de Lhuys proposa la liberté de la mer Noire par sa neutralisation, le plénipotentiaire russe, le prince Gortzchakoff, se trouva tellement froissé qu'il ne cacha nullement son dépit. Presque en même temps l'Autriche déclara ne point appuyer le plan proposé et sembla approuver l'objection des diplomates russes qu'avant de vouloir effacer la forteresse de Sébastopol de la carte, il fallait au moins d'abord s'en rendre maître. Ainsi après l'acceptation. des deux premiers points par la Russie on ne traita à Vienne que sur la limitation de la flotte russe.

XXII. Les conjonctures au milieu desquelles eurent lieu les conférences de Vienne ont exercé une influence considérable sur le développement de la question d'Orient. L'Autriche tenait alors le sort de la Russie dans ses mains, et

M. Drouyn de Lhuys s'était proposé comme principal but de son voyage, pour le cas où l'on ne parviendrait pas à conclure la paix, de déterminer le jeune empereur à exécuter le traité conclu antérieurement entre lui et les puissances occidentales. A Vienne il régnait dans les esprits une disposition toute particulière. François-Joseph Ier, prince qui à un courage personnel unit une rare maturité d'intelligence et une grande circonspection, penchait plus à se déclarer contre la Russie qu'à prolonger sa quasi-neutralité. Il semblait souffrir à la pensée qu'on pût soupçonner la politique autrichienne d'avoir voulu par l'occupation des principautés danubiennes plutôt protéger les Russes que s'opposer à leur mouvement offensif. Les traités conclus par l'Autriche et avec les puissances occidentales et avec la Porte, le souvenir des intrigues panslavistes ourdies par la Russie, l'outrecuidance déployée par celle-ci après la guerre de Hongrie et d'autres circonstances encore poussèrent le jeune monarque à prendre une résolution énergique. Par une convention passée vers la fin de décembre 1854 avec l'empereur Napoléon III, il avait pris des précautions contre un mouvement insurrectionnel en Italie, convention qui lui promettait secours le cas échéant et dont à ce qu'il paraît le gouvernement anglais lui-même n'aurait pas été informé, tandis que si l'Autriche n'exécutait pas le traité du 2 décembre, la France pouvait d'autant plus facilement prendre des mesures contraires à l'intérêt autrichien que la Sardaigne venait de faire cause commune avec les puissances occidentales. Dans l'armée autrichienne l'esprit était loin d'être aussi déterminé. Les généraux autrichiens censés les plus distingués regardaient une attaque contre la Russie comme une entreprise excessivement dangereuse. Selon eux, la Gallicie était entièrement ouverte aux armées du czar et il

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